Pourquoi les investisseurs font les yeux doux à l’hôtellerie

Voilà probablement l’un des effets les plus inattendus de la crise sanitaire de 2020/2021. Les Français se sont rués vers les hôtels dès que les restrictions ont été levées, suivis de près par les touristes venus de l’Europe entière et (notamment) des États-Unis. Après un été 2021 marquant une hausse de 47 % du chiffre d’affaires de la filière hôtelière par rapport à une année 2020 certes sinistrée, l’été 2022 était annoncé comme celui de tous les records en France, avant une progression généralisée par rapport à l’avant-crise.

Concernant les voyages d’affaires, l’arrêt des transports internationaux ayant entraîné la mise en place de solutions alternatives via les réunions digitales à distance, on aurait pu craindre un essoufflement de la demande. Il n’en est rien, celle-ci aurait quasiment retrouvé son niveau antérieur, selon le site Internet spécialisé Voyage d’Affaires. Il n’en fallait pas plus pour que les investisseurs se penchent avec un intérêt décuplé sur l’hôtellerie, tant le secteur a prouvé sa solidité et sa résilience malgré le cataclysme que fut (et est toujours) la pandémie de Covid-19.

Faut-il pour autant se lancer les yeux fermés ? Certainement pas, car un hôtel est à la fois un immeuble et une entreprise au fonctionnement atypique, dont la gestion demande une expertise bien spécifique. Tandis que les serial-entrepreneurs n’hésitent pas à se lancer dans la création de petits groupes indépendants assemblant jusqu’à une douzaine d’établissements, les néophytes auront intérêt à passer par des fonds spécialisés, comme 123 Investment Managers ou Extendam.

+47 %
Après un été 2021 marquant une hausse de 47 % du chiffre d’affaires de la filière hôtelière
par rapport à une année 2020 certes sinistrée, l’été 2022 était annoncé comme celui
de tous les records en France,avant une progression généralisée par rapport à l’avant-crise

Avec 288 participations pour 23 000 chambres, Extendam gère un milliard d’euros, soit 3 milliards de valeur d’actif, ce qui en fait le leader européen de son domaine. Ce fonds d’investissement est en effet dédié au financement et à l’accompagnement des entrepreneurs et des PME dans l’hôtellerie en Europe. Pour Bertrand Pullès, son directeur général adjoint, c’est cette spécificité qui explique le succès de la formule : « L’originalité d’Extendam est de se consacrer à l’hôtellerie. Un domaine qui requiert des compétences propres à tous les niveaux, de la sélection des prestataires au financement et à l’exploitation. Cette spécificité nous a permis d’acquérir une expertise unique sur le marché et fait de nous le référent en la matière, ce qui rassure les banques et les investisseurs. Notre mode de fonctionnement est par ailleurs assez inédit. Nous avons identifié une centaine de grandes familles impliquées dans l’hôtellerie en Europe, nous en accompagnons déjà une soixantaine dans le développement de leur activité. Notre force vient de ce que nous savons répondre très vite à leurs questions, dans un climat de confiance bénéfique pour toutes les parties. »

Qui sont les clients investisseurs ? Qu’il s’agisse d’institutionnels, de bureaux de gestion de patrimoine ou de personnes privées, ils doivent disposer d’un minimum de 100 000 €, et jusqu’à plusieurs millions, avec l’intention de se diversifier dans cette classe d’actif, sans disposer d’un réseau établi ou de connaissance de cet univers. « Pour nous adapter à leurs besoins, nous leur proposons plusieurs solutions d’investissement allant de l’opération dédiée à la réunion de plusieurs investisseurs sur un même projet (ou club deal) ou à la répartition dans différentes capitales européennes, via le fonds que nous gérons, poursuit Bertrand Pullès. Ce sont eux qui choisissent leur stratégie d’investissement. Avec nous, ils n’achètent pas seulement des hôtels, ils achètent les meilleurs rendements hôteliers possibles, nos objectifs de taux de rentabilité interne (ou TRI) se situant entre 9 et 12 %. »

Un excellent levier contre les effets de l’inflation

Pourquoi choisir l’hôtellerie plutôt qu’une autre classe d’actifs ? Parce qu’investir dans l’hôtellerie, c’est investir dans des PME en contact avec le client final, dans un secteur qui a prouvé sa résilience de façon magistrale. Autre point capital, alors que l’inflation est de retour dans nos économies, l’hôtellerie peut adapter ses prix de vente à la hausse de manière très souple, à condition que la demande suive, bien sûr. Ce qui permet de répercuter en temps réel la hausse des charges, soit un excellent moyen pour les investisseurs de ne pas être pénalisés par la tendance inflationniste ! Enfin, par rapport à d’autres activités proches, l’hôtellerie est un secteur qui produit énormément de data : « On sait calculer de manière très précise ce que vaut un hôtel à travers son chiffre d’affaires et son nombre de chambres, la présence ou non d’un restaurant, d’un spa… Il existe chaque année de nombreuses transactions, nous évoluons donc dans un univers connu au moment d’investir. » Attention, acheter un hôtel est très différent d’acheter un immeuble résidentiel ou de bureaux. Car il s’agit généralement d’investir à la fois dans les murs et dans l’exploitation, ce qui exige une parfaite connaissance du marché.

POTENTIEL / La délicate valorisation d’un hôtel
Pour valoriser le fonds de commerce d’hôtel, indique le courtier Credipro, on multiplie le chiffre d’affaires annuel par un taux compris entre 80 et 300 %. Pour définir ce taux, il faut tenir compte en priorité du taux d’occupation mais également de nombreux critères plus subjectifs comme la qualité de l’emplacement, l’état des locaux, la typologie de la clientèle et la saisonnalité, les possibilités d’extension, l’état du matériel etc. Des éléments auxquels il convient d’ajouter le montant du loyer si la société est locataire ou la valeur de l’immobilier si la société est propriétaire de ses murs.

La mesure du potentiel de développement d’un hôtel repose sur une analyse fine du taux d’occupation et du prix des chambres, couplée à des informations spécifiques à l’activité hôtelière comme la saisonnalité, les services proposés par l’établissement, la méthode de réservation ou le référencement. Un audit social, enfin, sera indispensable avant tout projet de reprise. Là encore en tenant compte des spécificités de l’activité, d’où la nécessité, indique Credipro, de se faire accompagner par un spécialiste de l’évaluation hôtelière pour le fonds comme pour les murs.

100 000 €
Qu’il s’agisse d’institutionnels, de bureaux de gestion de patrimoine ou de personnes privées,
les clients investisseurs doivent disposer d’un minimum de 100 000 €,
et jusqu’à plusieurs millions, avec l’intention de se diversifier dans cette classe d’actif,
sans disposer d’un réseau établi ou de connaissance de cet univers.

Mutualiser les charges

Au moment d’investir, quelle est la taille idéale d’un hôtel ? Environ 50 à 250 chambres, estime-t-on chez Extendam. Plus petit, l’hôtel sera difficile à rentabiliser, à moins de bénéficier d’un concept très fort dans une zone touristique ou d’affaires de premier plan. Certaines charges fixes sont en effet incompressibles, qu’ils aient 15 ou 100 chambres. Citons l’exemple très parlant du gardien de nuit, dont le salaire sera plus facile à absorber avec un hôtel de bonne taille. L’idéal est donc de mutualiser les charges entre plusieurs hôtels, à commencer par les services généraux. Cette diversification des actifs possède une autre vertu, elle entraîne une diversification du risque. Car l’écueil que l’on rencontre avec les hôtels de 300 à 500 chambres est d’exposer plus fortement les investisseurs en cas d’arrêt de leur activité comme ce fut le cas lors de la pandémie de Covid-19, notamment dans les pays où la filière n’a pas été soutenue par les pouvoirs publics.


Expérience Grégory Pourrin, directeur général-fondateur associé du Groupe Centaurus

“L’hôtellerie est un métier à part entière, avec ses exigences et ses codes”

Grégory Pourrin est le directeur général-fondateur associé du Groupe Centaurus, fort de 40 hôtels 3, 4 ou 5 étoiles, ayant en commun une culture du service personnalisé au bénéfice de l’expérience vécue par leurs clients.

La période de confinement a-t-elle entamé l’image de l’hôtellerie du côté des investisseurs ?£
Grégory Pourrin : Les deux années de pandémie n’ont pas changé les hôtels, mais elles ont changé ce que les clients en attendent. Au risque de paraître provocateur, je dirais que l’hôtellerie en est sortie renforcée. Cet univers est par nature en perpétuel changement. C’est dans son ADN de s’adapter en permanence aux évolutions de la clientèle et de ses goûts. La pandémie a prouvé cette résilience tout comme elle a prouvé que les clients ont repris le chemin des hôtels dès qu’ils l’ont pu. Les investisseurs sont donc aussi confiants, voire plus, qu’ils l’étaient en 2019.

En quoi les attentes des clients ont-elles évolué ?
Avec les confinements, les clients ont réalisé que ce dont on peut les priver, c’est l’immatériel, l’expérience. Maintenant qu’ils peuvent à nouveau consommer, ils veulent le faire avec profondeur, avec intensité, densité. Le séjour purement contemplatif a vécu, il s’agit à présent de vivre à 200 % chaque minute passée dans un hôtel. Pour cela, il est impératif que le personnel d’accueil, à commencer par le réceptionniste, apporte une vraie valeur ajoutée dans ses interactions avec la clientèle. S’il s’agit juste de donner une clé, une borne digitale peut le faire. En revanche, le conseil donné par un spécialiste de la destination, la bonne adresse glissée à l’oreille, voilà ce que l’on attend en arrivant à l’hôtel. Un niveau de service qui était autrefois réservé aux concierges des palaces et que l’on doit maintenant retrouver dans tous les établissements. Y compris dans les chambres d’hôtes ! A nous de nous y adapter.

Qu’en est-il de l’hôtellerie d’affaires ?
Les hôteliers, et j’en fais partie, ont longtemps opposé l’hôtellerie de besoin à celle d’expérience. Avec d’une part les hôtels dans lesquels on va par nécessité, notamment professionnelle, et ceux dans lesquelles on va pour le plaisir, par exemple en vacances. C’était une erreur. Le client d’aujourd’hui veut vivre une expérience, quelle que soit la raison de son séjour. Et il attend que cette expérience soit supérieure à ses attentes, supérieure à ce que peut laisser penser le nombre d’étoiles. Cela commence par de petites attentions personnelles, comme de noter le prénom d’un enfant. Mais il va de soi que l’exigence sera plus grande à mesure que l’on monte en gamme. Cela passe aussi par un état d’esprit. Dans les hôtels de Centaurus, j’insiste pour que l’on remette du positif au centre de la relation avec nos clients. Un exemple tout simple, lorsqu’un voiturier vous remet vos clés de voiture lors de votre départ, il va vous demander quel a été le meilleur moment de votre séjour. Ce qui permet de terminer celui-ci sur une note souriante ! Une telle attention ne coûte rien, mais elle joue beaucoup dans cette fameuse expérience.

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“Le client d’aujourd’hui veut vivre une expérience, 
quelle que soit la raison de son séjour.
Et il attend que cette expérience soit supérieure à ses attentes,
supérieure à ce que peut laisser penser le nombre d’étoiles”

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Est-il vrai que la frontière entre hôtellerie d’affaires et de loisirs est devenue poreuse à l’ère du télétravail ?
Sans hésiter. Avant la pandémie il était nécessaire de proposer le wi-fi. Il est maintenant indispensable de proposer du très haut débit, notamment parce que de nombreux clients vont avancer ou prolonger leur séjour en travaillant depuis l’hôtel. Ou a contrario ajouter deux jours à un voyage d’affaires pour profiter de l’hôtel en couple ou en famille. C’est ce que l’on appelle le bleasure, contraction de business et de leasure. Le télétravail s’avère pour sa part être une excellente nouvelle pour les hôteliers ! En effet, dans le monde d’avant, lorsqu’un salarié devait rester chez lui pour garder ses enfants ou attendre un dépanneur, il posait une RTT. Aujourd’hui il fait cela en télétravail et garde ses RTT pour des journées de vacances, potentiellement à l’hôtel. On estime que chaque année, cela représente environ 15 journées ainsi libérées pour chaque salarié. Et nous ne sommes qu’au début de cette nouvelle ère.

Le business-model hôtelier a-t-il eu le temps de s’adapter ?
Oui car il avait entamé sa mue depuis une dizaine d’années. Pendant des décennies les hôteliers n’ont compté que sur leurs chambres pour gagner de l’argent. En raisonnant en revenu par chambre disponible (ou RevPar). Et c’est par nécessité que les hôtels ont été équipés de salles de petit déjeuner ou de restaurant, ainsi que de salons de séminaire. Ce qui est une aberration comptable, revenant à accepter la présence de surfaces dormantes et d’actifs non utilisés. Cette hôtellerie à l’ancienne appartient au passé, il importe désormais de considérer la marge de manière globale. Je n’imagine plus un hôtel de 4 ou 5 étoiles sans services additionnels proposés aux clients. De manière très simple, en optimisant l’espace disponible pour y créer un vecteur d’expérience. En faisant entrer dans la boucle des chefs étoilés, des spas ou des acteurs du coworking, on crée un écosystème gagnant/gagnant. Et un gain d’attractivité pour l’hôtel, qui n’aura rien coûté à ses gestionnaires.

24h/24
Un hôtel ne s’arrête jamais. Il faut le faire opérer 24/24h, pouvoir réparer une fuite d’eau q
ui survient à 3 heures du matin ou remplacer sur le champ une femme de chambre malade !
D’où la différence entre investir à distance dans l’hôtellerie et acheter un établissement en direct.

Le métier a donc changé… 
L’hôtellerie repose sur quatre pieds indépendants, chacun représentant un métier différent. Qui détient l’hôtel ? Qui l’exploite ? Qui s’occupe du marketing ? Qui le distribue ? En ayant en tête que le distributeur doit rester indépendant. Oui, ces quatre métiers ont changé, mais ils se sont surtout professionnalisés.

Y a-t-il encore de la place dans l’hôtellerie pour les investisseurs indépendants ? 
Bien sûr, à condition de ne pas se laisser griser par l’aventure. L’investisseur qui tente sa chance en indépendant échoue neuf fois sur dix. En effet, il ne suffit pas d’une idée, d’un concept et d’un peu d’argent pour réussir. Nous parlons là d’un métier à part entière, avec ses exigences et ses codes. Ce n’est pas parce que l’on va souvent dormir dans des hôtels que l’on sait comment tourne cette industrie. Car un hôtel ne s’arrête jamais. Il faut le faire opérer 24/24h, pouvoir réparer une fuite d’eau qui survient à 3 heures du matin ou remplacer sur le champ une femme de chambre malade ! D’où la différence entre investir à distance dans l’hôtellerie et acheter un établissement en direct. Investir dans l’hôtellerie via un fonds est une solution de sécurité mais il n’y aura aucun affect de la part de l’investisseur. A contrario, investir seul dans un hôtel représente une réelle prise de risque et demande une confiance absolue dans son gestionnaire.

N’existe-t-il pas de solution intermédiaire entre ces deux voies ? 
Pas réellement en France. Il me semble qu’il manque cette 3e voie. Je suis persuadé de l’intérêt de créer un véhicule coté, capable de répondre à des demandes très variées en termes de portefeuille et dont le sous-jacent serait l’hôtellerie, avec son immobilier. Créer ce véhicule intermédiaire serait certainement le moyen de susciter plus d’appétence de la part des investisseurs. Je plaide pour un acteur 100 % digital, qui pourrait reporter en permanence en direct. Que les investisseurs soient présents à hauteur de 5 000 euros ou d’un million d’euros, ils doivent pouvoir connaître en temps réel la valeur liquidative et la performance de leurs actifs. Et l’intérêt de disposer d’un acteur coté vient de ce que l’on peut y entrer ou en sortir à volonté, à la valeur d’échange du moment. Cette voie intermédiaire est l’avenir, nous sommes plusieurs à travailler sur le sujet…


Stratégie Jean-Philippe Cartier, CEO d’H8 Invest, groupe hôtelier de luxe

“ Un choix patrimonial  rassurant dans la durée

Autodidacte et entrepreneur dans l’âme, Jean-Philippe Cartier a fondé sa première startup à l’âge de 16 ans. Il est aujourd’hui à la tête d’H8 Invest, une holding présente dans plusieurs univers dont l’hôtellerie de luxe avec H8 Collection, un groupe qui compte huit hôtels (murs et fonds) haut de gamme en France. A ses yeux, l’investissement hôtelier repose avant tout sur une logique patrimoniale.

Pourquoi choisir d’investir dans l’hôtellerie ? 
Jean-Philippe Cartier : Parce que l’hôtellerie représente à n’en pas douter un choix patrimonial rassurant dans la durée. Les investisseurs ont le sentiment — justifié — que leur argent y est en sécurité, qu’il est placé dans des activités commerciales et de service ayant pignon sur rue, dirigées par des professionnels connaissant leur métier. Avec, ce qui n’est pas négligeable, des rendements assurés. Même l’arrêt global de l’activité dû à la pandémie de Covid-19 n’aura constitué qu’un temps d’arrêt assez bref dans cette dynamique. Surtout en France, pays hautement attractif sur le plan touristique et dans lequel le secteur hôtelier a été soutenu sans réserve par l’État. La mécanique s’est très vite remise en marche ; résultat, l’été 2022 aura probablement atteint des niveaux records pour l’hôtellerie, au-delà même de ceux de 2018 et 2019.

Comment structurer cet investissement ?
Il y a deux sortes d’investissement hôtelier. Si l’intention est une diversification de portefeuille, la meilleure solution est de passer par un fonds spécialisé, comme 123 IM ou Extendam. Une formule qui a fait ses preuves. A partir de quelques dizaines de milliers d’euros, l’investisseur délègue en confiance la gestion de l’activité à l’opérateur chez qui il va placer son capital. Il peut même saupoudrer son investissement à la carte sur diverses familles d’activité, mais c’est a priori le cas de tous les fonds, cela n’est pas propre à l’hôtellerie. L’autre cas de figure repose sur une ambition entrepreneuriale, dans laquelle l’investisseur va se faire l’acteur de son placement. L’achat d’un hôtel ressemble en ce sens à l’achat d’un vignoble, c’est-à-dire un investissement plaisir dans un univers séduisant. Lorsque l’on dispose de gros moyens et que l’on est bien entouré, il est tout à fait possible d’y imposer rapidement sa marque de fabrique. À l’image d’Alain Weill, le président de NextRadioTV, qui avec le Lily of the Valley a créé une nouvelle forme de luxe à Saint-Tropez. Ou comme Stéphane Courbit qui a appliqué à l’hôtellerie les recettes qui lui ont permis de s’imposer dans la production audiovisuelle, et qui décline maintenant avec succès la marque Airelles, de Courchevel à Gordes et Versailles. Une fois qu’ils ont intégré les mécanismes propres à la gestion d’un hôtel, les entrepreneurs ne s’arrêtent généralement pas à un établissement. Ils se prennent au jeu, ils innovent, sont curieux, pragmatiques… Et ils finissent presque toujours par monter un petit groupe d’une dizaine d’hôtels, dotés d’un ADN commun et d’une forte personnalité. Attention, l’hôtellerie est en mouvement perpétuel, se reposer sur ses lauriers n’est jamais une bonne option.

Jean-Phillipe Cartier @ Fred Meylan
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“Les entrepreneurs sont propriétaires de leurs établissements.
Avec une priorité qui est celle de tout propriétaire immobilier, comment rembourser son crédit !
Ce qui impose de garder en permanence les pieds sur terre”

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Cette approche remet-elle en cause l’hôtellerie telle qu’elle existe depuis des générations ?
En quelques années, ce métier a changé. Alors qu’autrefois les hôtels de taille moyenne étaient gérés de manière indépendante par des couples ayant repris l’entreprise familiale, la filière s’est hautement professionnalisée. Avec des établissements qui sont aujourd’hui réunis en groupes, gérés de manière moins intuitu personae qu’auparavant. Les familles qui exploitent leurs hôtels de manière indépendante depuis deux ou trois générations n’ont généralement ni l’envie ni les moyens de tout casser pour repartir d’une page blanche. Ce qui les mettra à terme en difficulté. L’hôtellerie a besoin de nouveaux entrants qui disposent de fonds, ont des idées et vont créer des destinations à forte valeur ajoutée.

Qui sont ces nouveaux hôteliers ?
Des entrepreneurs ayant entre 40 et 60 ans, mus par l’envie d’investir dans quelque chose de physique, de tangible, après avoir réussi dans des activités immatérielles comme le digital ou les services.

Dans une optique d’investissement, vaut-il mieux viser un petit hôtel à taille humaine ou au contraire privilégier le nombre de chambres ?
Ce ne sont pas les mêmes actifs. Les grands groupes recherchent du volume, avec des hôtels de 150/200 chambres voire plus. Tandis que les entrepreneurs s’intéressent plutôt à ceux de 30 à 70 chambres. La manière d’opérer n’est pas la même non plus. Les grands groupes sont rarement propriétaires des hôtels qu’ils ont en gestion, alors que les entrepreneurs sont propriétaires de leurs établissements. Avec une priorité qui est celle de tout propriétaire immobilier, comment rembourser son crédit ! Ce qui impose de garder en permanence les pieds sur terre.

Vous avez fait de H8 Collection une formule gagnante. Quelle est votre recette ?
Je marche avant tout au coup de cœur. Lorsque j’ai découvert l’Hôtel Flaubert à Trouville, avec ses 40 chambres en bord de mer, j’ai immédiatement su qu’il avait un fort potentiel de développement. Nous en avons fait un établissement chaleureux, luxueux sans être ostentatoire, avec un excellent rapport qualité/prix. Soit une proposition qui n’existait pas à Deauville et Trouville. Avec dans notre manche un atout majeur, il est le seul de son secteur à avoir les pieds dans l’eau. Résultat, il est complet à 100 % depuis son ouverture en avril 2022.

2022_Flaubert_HD_01.@Elodie LeneveujpgHôtel Flaubert, une légende normande
Posé sur la plage de Trouville-sur-Mer, les pieds dans le sable, le Flaubert est l’un des repères de la Normandie littorale depuis bientôt 90 ans. Alain Delon, Isabelle Huppert, Michel Galabru sont descendus dans ses murs. Patrick Modiano y débarqua trois jours après avoir reçu son Prix Nobel. Didier van Cauwelaert est toujours un habitué, et il évoqua même l’hôtel dans son roman Jules. Jean-Philippe Cartier et le producteur Pierre-Antoine Capton, natif de Trouville, ont racheté le Flaubert durant l’été 2021 et l’ont restauré pour mettre en valeur son âme et ses 31 chambres, sous la houlette de la décoratrice Natalia Megret. Ici chaque client, célèbre ou pas, est un ami. H8 Collection a bien l’intention de faire perdurer cet esprit de famille !