Bon anniversaire Madame !

Il y a 60 ans, la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis était adoptée. A ce jour, ce sont 11 millions de logements qui sont organisés en copropriété représentant près de 23 millions de personnes occupant près de 800000 immeubles. C’est dire combien cette organisation, bien atypique par sa division en lots, s’inscrit, en France, dans le paysage du logement. Il n’est donc pas surprenant qu’au cours de cette année 2025, comme ce fut le cas en 2015 et les décennies précédentes, de très nombreuses organisations aient jugé bon de fêter son anniversaire. « Bon anniversaire Madame » écrit Jean-Marc ROUX[1]. Pourtant, à quelques jours près, l’ADIL des Bouches du Rhône intitulait sa conférence « Sauvons la copro. ». Rien ne fait obstacle à l’anniversaire d’une moribonde ! 

« Le temps du grand questionnement est venu[2] ». Conjoncturellement, alors même que la loi du 10 juillet 1965 a été réformée une fois par an depuis 2000, soit plus de 25 lois en autant d’années, l’ensemble des acteurs de la copropriété s’accordent pour la célébrer tout en souhaitant quelques évolutions, particulièrement à l’aune de la rénovation énergétique. Comme un écrin intouchable, la loi du 10 juillet 1965 apparaît comme un dispositif dont les professionnels de la copropriété prétendent qu’elle a su s’adapter aux réalités contemporaines tout en déplorant qu’elle n’ait pas davantage évolué. Cependant, ceux et celles au premier chef concernés, en l’occurrence les copropriétaires, ignorent cette célébration comme ils se désengagent de la vie en copropriété, désengagement qu’a renforcé le vote par correspondance. Les assemblées générales se vident, les travaux sont difficilement votés, les charges impayées se multiplient, la paupérisation gagne le pas et l’endettement grossit à l’heure de la rénovation des immeubles vieillissants, les parties communes sont de moins en moins respectées et se délabrent, les copropriétés se dégradent à grand pas. Les copropriétés dites petites (quelques lots seulement) n’intéressent pas les syndics professionnels alors même qu’elles sont dans la plus grande précarité. Chacun chez soi au milieu de tous et la copropriété abandonnée à un syndic absent ou en difficulté pour assumer son rôle !

 

Bon anniversaire Madame ! 

Dans le fond, la question essentielle qui se pose est la suivante : est-ce que la copropriété est un système à bout de souffle[3] ? On peut réellement le penser. En arrière-fond, se profile immédiatement la question de savoir comment faire ensemble ? La loi du 10 juillet 1965 apporte des réponses auxquelles certains semblent se satisfaire ! Abaissement majoritaire au mépris du respect du droit de propriété dont l’expression se traduisait par les majorités qualifiées. Vote par correspondance au détriment de débats en Assemblée générale ? … Par ces évolutions, la loi de 1965 permet de coordonner les intérêts individuels pourtant, en copropriété, en concurrence. En revanche, au-delà de cette coordination, faire ensemble implique la nécessité d’agir ensemble. Le trouble est prégnant dès l’instant où la rénovation énergétique qui s’impose aux copropriétaires implique que, plus que jamais, les copropriétaires agissent de concert alors même que les faits montrent qu’ils sont incapables de s’inscrire dans une action collective au point même que soit compromise toute possibilité d’agir ensemble. En réalité, la loi du 10 juillet 1965 a été rédigée dans un contexte où les fins collectives jaillissaient de la somme des actions individuelles. A ce jour, et sans faire du syndicat des copropriétaires un être à part étanche aux aspirations individuelles de chaque copropriétaire, et laissé à la merci des syndics qui, inévitablement se heurteraient à un conflit d’intérêts, la loi du 10 juillet 1965 ne trouvera son salut que par une réappropriation de la copropriété par les propriétaires de lots d’une part, si les copropriétaires sortent des rapports sociaux qui président désormais la vie en copropriété pour s’orienter vers des relations sociales permettant d’élaborer en commun des stratégies d’autre part. C’est à ce prix que la copropriété retrouvera un équilibre harmonieux entre la liberté individuelle et le bien-être collectif. Joyeux anniversaire quand même ! 

Sylvain GRATALOUP

Président

 

[1] Jean-Marc ROUX, IRC – Informations rapides de la copropriété, « 60 ans de copropriété. Bon anniversaire Madame », 16 juin 2025.

[2] Jean-Robert BOUYEURE, IRC – Informations rapides de la copropriété, « 60 ans de copropriété. Au fil des réformes, la loi de 1965 n’a-t-elle pas perdu sa cohérence originelle ? », 16 juin 2025.

[3] Sylvaine Le Garrec, Les copropriétés en difficulté dans les grands ensembles. Le cas de Clichy-Montfermeil, Espaces et sociétés 2014/1, n° 156 et 157.