Obtention de crédit : vers plus de souplesse en janvier ?

Analyse — S’il est toujours aussi difficile pour les emprunteurs de contracter un crédit immobilier, le début d’année 2023 pourrait laisser une petite fenêtre de tir pour se positionner sur le marché. La Banque de France desserre en effet l’étau, en revoyant ses taux. Mais les banques devront jouer le jeu et ne pas remonter les taux immobiliers à leur tour. 

 

La fin d’année 2022 a été particulièrement difficile pour les emprunteurs. Un acheteur sur dix en moyenne, en novembre (1), a peiné à contracter un prêt immobilier car sa capacité d’emprunt ne collait plus à la fourchette d’endettement préconisée par la Banque de France. Le taux maximal qu’elle fixe, pour sécuriser les contractants et pour réguler le marché, était en effet trop bas par rapport aux taux immobiliers classiques.

Mais le début d’année 2023 va peut-être offrir une courte période d’éclaircie sur les crédits, du même ordre que celle observée en octobre dernier. La Banque de France prévoit en effet de desserrer l’étau, en revoyant ses taux. Chaque trimestre, cette institution recalcule le taux d’usure qui, pour rappel, correspond au taux maximal auquel les banques et établissements de crédit peuvent prêter des fonds. Ce taux incluant le taux d’intérêt, le taux de l’assurance emprunteur ainsi que les frais annexes. Étant donné que ce taux plafond n’avance pas à la même vitesse que l’inflation et les barèmes imposés par les banques, depuis le printemps 2022, il était temps que la Banque de France ouvre un peu plus les vannes pour débloquer un certain nombre de dossiers placés en attente. Des dossiers qui, d’ordinaire, auraient été validés. Lorsque la Banque de France augmente le taux d’usure, elle permet en effet aux banques d’autoriser davantage de crédits potentiels.

Le début d’année 2023 va peut-être offrir une courte période d’éclaircie sur les crédits, du même ordre que celle observée en octobre dernier. La Banque de France prévoit en effet de desserrer l’étau, en revoyant ses taux.

Les crédits immobiliers en chute de 20 %

Pour tenter de contrer la paralysie du marché immobilier, la Banque de France avait déjà fait passer le taux d’usure de 2,57 % à 3,05 %, le 1er octobre 2022, pour les prêts sur vingt ans. Mais les taux immobiliers classiques ont continué de caracoler et ont rattrapé l’écart qui offrait un peu de latitude aux emprunteurs. En décembre dernier, ces taux étaient fixés en moyenne à 2,5 % sur vingt ans et à 2,7 % sur vingt-cinq-ans. Le problème d’accès aux crédits a donc perduré, aussi vite qu’il promettait de se résorber. L’écart avec le taux plafond paraissait encore trop mince aux yeux des banques, qui se sont désengagées de plus en plus, y compris des profils sérieux. Les dernières données de la Banque de France révèlent ainsi que 20 % de crédits immobiliers en moins ont été accordés entre septembre 2021 (23,2 milliards d’euros) et septembre 2022 (18,7 milliards d’euros).

Peu rentable pour les banques, la production de crédits se contracte donc sérieusement et l’Observatoire crédit logement CSA témoigne d’une baisse de production de 36,4 % entre septembre et novembre 2022 par rapport à la même période en 2021. Tout comme la Banque de France, qui constate une diminution de 25 % de production de crédits. Face à l’incertitude, les emprunteurs temporisent, s’ils ne se retirent pas totalement du marché, compte tenu du durcissement des conditions d’accès au crédit.

Mince espoir jusqu’à mi-janvier

Mais à toute chose, malheur est bon. De la même manière qu’en octobre, la Banque de France devrait revoir à la hausse de 0,55 point sur vingt ans son taux maximal d’usure au 1er janvier 2023, par rapport au dernier trimestre. Autre bonne nouvelle, le taux d’emprunt à dix ans de l’État, qui est également un indice de référence pour fixer le taux de crédit des banques, a diminué à 2,23 % en décembre, ce qui ouvre la voie à une légère reprise de confiance pour la production de crédits. Le feu vert pourrait ainsi s’enclencher pour un certain nombre de dossiers, bloqués à 2,5 % ou plus. Cependant, comme en octobre 2022, l’éclaircie pourrait être de courte durée en ce mois de janvier 2023. Les banques pourraient à nouveau remonter rapidement les taux immobiliers, face aux difficultés qu’elles rencontrent pour répercuter le coût des emprunts, qui leur permet d’accorder des crédits immobiliers. Cette hausse, très probable, pénaliserait alors sans cesse la capacité d’emprunt des potentiels acheteurs, qui avaient été écartés du marché. Pour que l’embellie se poursuive, les banques devraient donc jouer le jeu de la Banque de France et ne pas rattraper la hausse du taux d’usure. Dans le cas contraire, les emprunteurs auraient tout intérêt à finaliser leur dossier avant la mi-janvier, pour profiter de cette brève fenêtre de tir, avant l’éventuelle remontée des taux classiques, au-delà des 3 % sur vingt ans. Si cette tendance se poursuit en effet, il deviendrait difficile pour les emprunteurs classiques de contracter un prêt en dessous de 3,5 %, ce qui réduirait encore plus leur pouvoir d’achat. Et c’est justement cette ponction sur le niveau de vie qui alimente les refus de dossiers.

Le taux d’emprunt à dix ans de l’État, qui est également un indice de référence pour fixer le taux de crédit des banques, a diminué à 2,23 % en décembre, ce qui ouvre la voie à une légère reprise de confiance pour la production de crédits.

Les raisons d’un refus

Les banques, comme tous les organismes prêteurs dans leur ensemble, sont très vigilantes au taux d’endettement des potentiels acquéreurs. Et ce taux, qui se calcule en fonction des revenus de l’acquéreur et de ses dépenses fixes, ne doit pas excéder 35 % depuis le 1er janvier 2022. Ainsi, en octobre dernier, malgré l’augmentation du taux d’usure, environ 30 % des demandes de prêts passées par le courtier Meilleurtaux ont été rejetées par les établissements bancaires, car le taux d’endettement des emprunteurs dépassait la barre des 39 %.

Des exceptions sont certes toujours possibles et ce plafond peut être dépassé dans l’hypothèse où les crédits immobiliers accordés par la banque ne dépassent pas eux-mêmes plus de 20 % de l’ensemble de ses dossiers, mais c’est de moins en moins évident en période d’inflation, où les prix et les taux d’intérêt grimpent. La situation peut ainsi évoluer d’un établissement à l’autre, selon les exigences.

Selon les données de novembre 2022 du site d’annonces immobilières PAP.fr, une vente sur dix n’a pas abouti à cause d’un refus de prêt. Dans 61 % des cas, le taux d’usure était en cause.

Mais s’il y a bien un critère sur lequel il devient difficile de transiger, c’est le montant de l’apport personnel. Impossible aujourd’hui, sauf rares exceptions, d’obtenir un prêt immobilier sans cet apport. En moyenne, les banques demandent que celui-ci corresponde à 10 % ou 20 % du montant total du crédit, selon le profil des emprunteurs. Sans compter que la situation professionnelle du demandeur va également entrer en jeu, et que le contrat à durée indéterminée (CDI) entre toujours dans la balance des exigences pour concrétiser un projet, même s’il ne garantit rien (2). La stabilité des revenus, autant que l’apport personnel, pèsent dans la décision d’accorder un prêt, ou non. Les banques sont même susceptibles de demander un droit de regard sur les revenus des trois dernières années en cas de revenus irréguliers. Ainsi, dans ce contexte où le marché paraît autant cadenassé, les emprunteurs peuvent essayer de faire jouer la concurrence entre les différents établissements. Du moins, avec ceux qui continuent de produire des crédits.

Selon les données de novembre 2022 du site d’annonces immobilières PAP.fr, une vente sur dix n’a pas abouti à cause d’un refus de prêt. Dans 61 % des cas, le taux d’usure était en cause.

Toujours selon les données de novembre 2022 de PAP.fr, 51 % des demandes n’ayant pas abouti concernaient des salariés du privé en CDI.

Par Sylvie LENORMAND

Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°569 janvier 2023

Pour soutenir notre action en faisant un don à l'UNPI, cliquez ici

Adhérez à l'UNPI ici