Leur propriété, notre patrimoine !

Portrait de Charles Sagehomme et le château de Hasselbrouck

Le château de Hasselbrouck est situé au cœur de la Hesbaye dans la province belge du Limbourg, à la frontière linguistique de la Belgique. Le château appartient à la famille de Charles Sagehomme depuis 1840. Il est classé et protégé depuis 1974 et est considéré comme un joyau des Lumières, orné de majestueuses décorations en stuc.

Le bâtiment initial a été érigé autour des années 1620, une structure en forme de U conçue dans le style de la Renaissance mosane. Vers les années 1770, une magnifique construction néo-classique a été ajoutée à côté du bâtiment principal. Il appartenait au Conseiller Privé du Prince-Evêque de Liège et était autrefois situé dans la Principauté de Liège. Charles et sa femme rénovent progressivement le bâtiment.

Charles, parlez-nous de vous ? Pourquoi avez-vous décidé de prendre une si grande responsabilité si jeune ?

Depuis mon enfance, j'ai toujours été passionné par les bâtiments et le patrimoine de notre famille. Après des études en gestion, j'ai naturellement choisi une carrière dans la gestion et la rénovation de grands biens immobiliers. En 2004, après la mort d'un grand oncle, la propriété nous a été laissée dans un état tel qu'elle avait besoin d'une rénovation complète. Donc, ma famille n'avait que deux choix : soit de le garder et donc le rénover, soit de le vendre. Ensemble avec ma femme, après avoir soigneusement analysé la faisabilité, nous avons décidé de relever le défi et de sauver ce bien familial exceptionnel.

Quelle est votre motivation pour posséder et préserver un tel bâtiment ?

J'ai une double motivation. D'une part, je veux sauvegarder un patrimoine de grande qualité, et, d'autre part, je cherche aussi à préserver son caractère familial et habité du bâtiment pour qu'il ne perde pas son âme et son cachet. Ma plus grande fierté est d’y parvenir.

Comment est-ce de vivre dans un tel bâtiment?

Pour nous, le caractère historique et l'héritage familial de cette maison sont importants. Mais en même temps, c'est un endroit où je peux vivre avec ma femme et nos enfants. Il est important pour moi que ma famille soit consciente de la chance que nous avons d’habiter dans une telle propriété, même si nous ne pourrons en prendre pleinement la mesure qu'une fois que les travaux de rénovation seront terminés. La valeur d'une telle propriété nous donne l'énergie et la motivation pour atteindre notre objectif final dans un délai raisonnable.

Quelles sont les actions spécifiques requises pour rénover un tel bâtiment et préserver son histoire et son architecture?

La propriété a nécessité une rénovation complète, en commençant par le toit. Les dégâts causés au bâtiment, en particulier suite à des infiltrations d'eau, ont été catastrophiques pour les stucs, les plafonds et l'ensemble de la structure du bâtiment. Le coût de la rénovation a augmenté de façon exponentielle.

Ensuite, ce qui sera important pour nous après la rénovation, ce sera de pouvoir anticiper les prochaines et donc de maintenir le bien en état grâce à de petits travaux d’entretien tout au long de la vie du bâtiment afin qu’il ne subisse plus de grosses dégradations pour les générations à venir.

Avez-vous pris des mesures pour adopter ce bâtiment aux normes de vie modernes et comment avez-vous réussi à le faire tout en préservant sa valeur patrimoniale ?

C'était l'un des défis que ma femme et moi nous étions fixés avant de commencer. Nous ne pouvions pas nous imaginer porter plusieurs couches de pull-overs en hiver. Nous aurions perdu notre motivation à s'engager dans cette aventure. Par conséquent, nous avons prévu de faire de notre « maison » une partie du bâtiment et de le transformer en un espace où nous pourrons vivre selon les normes de vie modernes. Nous l'avons fait avec l'aile droite du bâtiment, qui était plus facile à rénover. Dans le même temps, nous veillons à préserver pleinement la valeur historique et esthétique de la partie la plus intéressante du bâtiment en conservant son caractère traditionnel intact.

Quels sont le cadre politique national ou local actuel et les incitations financières en place ? En faites-vous usage ? Qu'est-ce qui pourrait être amélioré ?

Nous avons demandé des subventions de la région flamande pour nous aider à financer la rénovation des toits. Jusqu'à présent, nous avons eu une expérience positive avec l'administration.

À votre avis, comment pouvons-nous inciter les propriétaires privés de bâtiments du patrimoine culturel à s'intéresser à l'entretien de leurs propriétés ?

Trop souvent, la fierté familiale oblige les familles à garder ces propriétés bien qu'elles ne soient pas en mesure d'effectuer les travaux d'entretien nécessaires. Ils n'envisagent même pas de le vendre, mais ils ne savent pas non plus s'il existe des alternatives pour restaurer ces types de bâtiments.

Il y a toujours un dilemme lorsque vous êtes le propriétaire d'une telle propriété, surtout lorsque vous envisagez de la transmettre aux générations suivantes.

Néanmoins, garder la jouissance et transmettre une ruine n’est pas ce qu’il y a de plus généreux en soit pour la génération future. Par ailleurs, transmettre un bien d’une telle ampleur à des personnes étant déjà établies depuis longtemps n’a pour moi pas beaucoup d’intérêt non plus vu la charge que cela représente, et pas uniquement au niveau financier.

Il est donc nécessaire de faire prendre conscience dès le plus jeune âge de l’intérêt de la préservation et de renforcer les initiatives en ce sens.

Quelle sont vos initiatives pour partager la valeur patrimoniale de votre propriété avec le public ?

Les Journées européennes du patrimoine sont un vecteur qui démontre l'intérêt du public pour le patrimoine, compte tenu du succès grandissant de l'initiative au fil des ans. Personnellement, je crois que vivre caché à l'intérieur d'un tel bâtiment sans jamais l'ouvrir au public, crée de l'incompréhension et parfois de la jalousie. Je pense qu'il est important, même si ce n'est pas toujours facile, de donner au public la possibilité de découvrir ces monuments exceptionnels et de témoigner de notre histoire et de notre patrimoine. Même s'il s’agit de le partager qu'une fois par an à une période déterminée et pour un public restreint. Ouvrir un jardin est déjà une belle initiative qui permet de partager l'histoire de la propriété avec le public.

Pour notre part, nous souhaitons poursuivre et ancrer le château dans son histoire liée à l’art. Dès lors, nous allons mettre sur pied durant 2 week-end annuels des journées dont le thème sera « le soutien aux jeunes artistes et créateurs » et dont l’aile gauche du château, le koetshuis sera un écrin.

Par cette intermédiaire, le château sera ouvert sur le monde.

Si vous deviez donner un conseil à la génération qui prendra possession de votre maison, que serait-ce ?

Lorsque vous commencez à penser à la prochaine génération, il y a bien sûr quelques précautions à prendre : la première est l'aspect financier et la seconde est l'héritage et l'indivisibilité. Il est important que ce genre de maison soit préservé. Pour ce faire, une stabilité financière est nécessaire. Une bonne situation professionnelle peut bien sûr aider, mais la solution clé est d'équilibrer les dépenses liées à la propriété avec la source potentielle de revenu liée à la valeur patrimoniale du bâtiment.

C'est pourquoi j'ai décidé de relier une de mes activités professionnelles au château en développant une marque de maroquinerie et en créant nos propres ateliers dans l'une des dépendances. Quant à la succession, il est important de pouvoir satisfaire chacun des enfants et de les laisser choisir leur propre plan de vie. À mon avis, c'est le plus grand défi : maintenir l'unité dans la famille et une propriété bien rénovée en sa possession.

En tant que jeune couple avec deux jeunes enfants de 7 et 4 ans, on pourrait penser que nous avons de nombreuses années devant nous pour préparer la prochaine génération. Pourtant, je pense que nous devons anticiper. Nous devons leur apprendre à apprécier leur environnement et à les inspirer avec intérêt et sens des responsabilités, en essayant de faire en sorte que cette maison ne devienne pas un fardeau pour eux mais un plaisir. Par exemple, si nous les obligeons à passer leur week-end à peindre des fenêtres, ils ne garderont pas un souvenir positif et durable de leur héritage. Si, d'un autre côté, nous parvenons à leur inculquer les valeurs appropriées, afin qu'ils puissent comprendre le besoin et l'importance de préserver ces propriétés, cela changera la façon dont ils abordent le défi d'être propriétaire d'un bâtiment historique.

Emmanuelle Causse • Directrice de l’UIPI

Source : 25 millions de propriétaires • N°février 2019


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