Grand Paris : des prix de l’immobilier élevés pour un marché dynamique

La capitale se modernise, construit de nouveaux équipements avec des hausses de prix non négligeables à la clé. Les différentes villes du Grand Paris essaient de limiter ces augmentations qui rendent difficiles le logement des familles et des classes moyennes.

Le Grand Paris Express, un métro de 200 km de lignes automatiques reliant 68 gares autour de la capitale, va permettre de relier les différentes villes sans passer par Paris Intra-muros. Par ailleurs, cet équipement va donner une unité à ce territoire qui peine encore à trouver sa cohérence et sa gouvernance politique. Rappelons que le Grand Paris est récent : créé le 1er janvier 2016 dans le cadre de la création de la métropole du Grand Paris, il est composé de 11 établissements publics territoriaux regroupant au total 131 communes. Les établissements publics territoriaux sont de nouvelles entités juridiques dont le mode de fonctionnement ressemble beaucoup à celui des syndicats de communes. Le dynamisme et l’attractivité de ce territoire sont indéniables : « il représente 25% du PIB français et c’est le premier bassin d’emploi d’Europe », rappelle Karl Toussaint Du Wast, co-fondateur de Nest Investissement, conseil en gestion de patrimoine. Le Grand Paris reçoit aussi 60 millions de touristes par an et rassemble 20% de la population française. Ce dynamisme sera renforcé avec les jeux olympiques d’été de 2024 qui seront l’occasion de continuer la rénovation de  quartiers entiers notamment dans le nord de l’agglomération. Cette attractivité génère des besoins en logements importants et des prix élevés. Dans Paris intra-muros, il faut compter plus de 10 000 euros du m2 en moyenne pour accéder à la propriété. Mais, dans certains quartiers très demandés comme le triangle d’or : 5ème, 6ème et 7ème arrondissements, les prix peuvent dépasser 15 000 euros le m2. Le Nord Est de la capitale est moins cher avec des prix de 8 500 euros par m2 en moyenne dans le 19ème arrondissement de Paris, par exemple. En dehors de Paris, les prix sont moins élevés mais restent à des niveaux très importants avec des départements comme les Haut de Seine qui se situent aux alentours de 7 380 euros. En Ile-de-France, dont une partie est comprise dans le périmètre du Grand-paris, le prix moyen pour un appartement est de 6 300 euros/m2 et de 314 000 euros pour une maison. «Tous logements confondus, la hausse des prix a été de 3,9% en Ile-de-France en 2019, les prix des appartements ont augmenté de +5,6% et de +0,4% pour les maisons », explique la Chambre des Notaires du Grand Paris. Les secteurs situés autour des gares du futur Grand Paris Express sont particulièrement concernés par cette tension notamment ceux situés autour des gares de la ligne 14 qui reliera Olympiades à l’aéroport d’Orly. L’augmentation des prix y a été de 57% depuis 2008 que le bien soit localisé dans un rayon de 800 mètres autour des gares ou de 1500 mètres. Un phénomène identique se produit pour la ligne 15 qui reliera Pont de Sèvres à Noisy-Champs. Après une augmentation lors de l’annonce du projet, les prix sont en revanche stables dans les secteurs des lignes 16, 17 et 18 qui concernent l’Est et le Nord de Paris.

Le logement des classes moyennes et populaires à la peine

Ces prix élevés rendent difficile le logement des familles aux revenus modestes sur le territoire du Grand Paris. Paris Intra-muros est difficilement accessible aux primo accédants, aux personnes avec des revenus situés dans la moyenne ou plus généralement aux familles qui ont besoin d’un logement d’une surface plus importante. Des prix dépassant 10 000 euros le m2 impliquent d’être en mesure de débourser 800 000 euros pour un logement de 80 m2. Même chose dans l’Ouest de l’agglomération. Les personnes aux revenus plus modérés se replient donc sur les territoires plus éloignés comme la partie comprise dans l’Essonne autour d’Orly ou Massy, où les prix se situent aux alentours de 3400 euros par m2, dans l’Est de l’agglomération où il faut prévoir 3 000 euros. C’est au nord de l’agglomération, dans le département de la Seine-Saint-Denis autour de Sevran que les logements sont les plus accessibles : il faut compter 2 560 euros par m2. La faiblesse des prix de l’immobilier s’explique par l’enclavement de ce secteur mais aussi par des difficultés sociales parfois fortes.

Un manque de logements

Quel que soit le secteur, les logements manquent en Ile-de-France. Pour l’Institut Paris Région, la formation plus tardive des couples, les séparations plus fréquentes ou encore le vieillissement de la population ont entraîné une baisse de la taille moyenne des ménages qui nécessite plus de logements. A cela s’ajoute un accroissement de la population d’environ +0,6 % par an qui entraine une augmentation de la demande. «Les professionnels de l’immobilier estiment que pour faire baisser les prix, l’une des solutions est d’ouvrir des terrains à l’urbanisation afin de construire plus de logements et d’atténuer la demande», pense Philippe Buyens, directeur général du réseau de mandataires immobiliers Capifrance. C’est d’ailleurs l’un des objectifs des plans locaux d’urbanisme engagés à l’échelle intercommunale sur les 11 établissements publics territoriaux. Pour y parvenir, tous ont globalement entamé les procédures comme Paris Grand Est, Plaine Commune, Paris Est Marne et Bois ou encore Paris Sud Est Avenir. Pour autant, les habitants sur place demandent des logements supplémentaires mais rechignent souvent à une densification vécue comme négative. De plus, les attentes en matière d’environnement et de préservation des terres agricoles existantes sur le territoire apportent une pression sur les élus afin que ceux-ci dosent avec finesse construction et préservation de l’environnement.La loi relative au Grand Paris de 2010 a cependant fixé l’objectif de construire 70 000 logements par an pendant 25 ans dont 17 500 logements sociaux. Mais cet objectif sera difficilement tenable dans la mesure où le chiffre de logements réellement construits varie entre 40 000 à 60 000 par an.

Des tensions sur le marché locatif

Le déficit en nombre de logements se ressent aussi sur le marché locatif. Dans Paris intra-muros, une annonce d’appartement à louer reçoit ainsi 23 dossiers de candidature en moyenne selon le site de gestion locative en ligne Flatlooker mais ce chiffre peut être bien supérieur. Ailleurs dans l’agglomération, la situation est moins tendue mais la demande reste tout de même forte. Les loyers sont donc élevés. L’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (Olap) constate que le loyer moyen mensuel au début de l’année 2019 se situe à 970 euros pour un logement de 53 m², soit 18,3 euros/m².En moyenne, en 2019, dans Paris, le loyer mensuel se situait à 23,3 euros/m² contre 22,9 un an auparavant. Dans la petite couronne, le loyer se situe à 16,9euros/m² et en grande couronne, dont une partie est intégrée au Grand Paris, le montant moyen des loyers est à 13,8 euros/m². Pour louer un logement de 50 m², il faut donc compter 1165 euros par mois hors charges dans Paris intra-muros mais il faut compter 1800 euros par mois dans les arrondissements les plus chers de la capitale comme le 6ème arrondissement où les loyers atteignent 36 euros par mois et par m². Ce niveau de loyer implique des revenus élevés puisque la location est généralement conclue avec des locataires dont le salaire net est compris entre 3 et 4 fois le montant du loyer. Il faut donc percevoir des revenus mensuels de 3400 euros au minimum pour louer un appartement de 50 m² dans Paris. En dehors de Paris, en petite couronne, un appartement de 50 m² se loue 845 euros et il faut compter 690 euros pour 50 m² en grande couronne. Même dans ce secteur, il faut gagner des revenus supérieurs à 2 070 euros au minimum pour être en mesure de louer ce type d’appartement. Or, cette surface ne permet pas toujours d’avoir assez d’espace pour y vivre avec une famille. Les couples avec enfant dont l’un des deux seulement travaille et gagne le Smic ou un parent isolé avec des revenus limités accèdent donc difficilement au marché locatif privé. Les aides au logement, essentiellement l’allocation personnalisée au logement (APL) permettent cependant une solvabilisation d’une partie des ménages. Cette allocation varie en fonction des revenus et des charges de famille du ménage et peut atteindre plusieurs centaines d’euros par mois. Pour autant, les aides ne permettent pas à tout le monde d’accéder au logement et cela explique que le nombre de demandeurs d’un logement social soit si élevé. Fin 2018, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) dénombrait 250 000 demandeurs de logements sociaux à Paris. Mais, dans Paris, le nombre de logements sociaux est de 245 000 et tous sont occupés avec un très faible taux de départ. Dans le Grand Paris, le nombre de demandeurs est de 490 000 personnes pour 780 000 logements sociaux, également occupés. « On compte en moyenne 10 demandes de logements pour un logement attribué dans la métropole du Grand-Paris », rappelle-t-on à l’APUR. Cette tension va continuer à faire augmenter le montant des loyers pour les mois à venir. L’Olap constate que les loyers ont renchéri de 1,5 % dans l’agglomération parisienne l’an dernier avec des évolutions proches sur les trois zones : +1,7 % à Paris, +1,5 % en petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et +1,3 % dans la grande couronne (partie agglomérée - Essonne, Seine-et-Marne, Val-d’Oise et Yvelines).

Des loyers et des plateformes de locations touristiques contrôlées

C’est surtout lors d’une nouvelle location après de gros travaux que les loyers s’envolent. Environ 9 % des relocations se sont conclues en 2018 après la réalisation de gros travaux dans le logement contre 6 % en 2017. Dans ce cas, la hausse du loyer est forte (+ 17 %). Depuis une dizaine d’années, les hausses à la suite de travaux ont représenté annuellement entre 4 et 10 % des relocations. En effet, dans le Grand Paris, l’augmentation des loyers est limitée entre deux locataires et ne peut varier que du montant de l’Indice de référence des loyers (IRL) si celui-ci n’a pas déjà été appliqué. Les baux types rendus obligatoires par le décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale comprennent d’ailleurs une ligne indiquant au nouveau locataire le montant du dernier loyer. Mais, dans le cas de travaux d’amélioration importants, le loyer peut à nouveau être fixé librement, ce qui explique ces fortes augmentations. La ville de Paris a, quant à elle, décidé d’aller plus loin et d’encadrer les loyers comme le permet la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) pour une période expérimentale de 5 ans. Un loyer de référence est fixé par arrêté préfectoral en fonction de la date de construction et de localisation de l’immeuble. Le propriétaire bailleur peut appliquer au maximum un loyer supérieur à 20% du loyer de référence de son secteur (le loyer ne peut pas dépasser le « loyer de référence majoré »). Les logements meublés loués comme résidence principale du locataire obéissent aux mêmes règles mais avec un loyer de référence différent. Cet encadrement n’a cependant pas encore prouvé son efficacité et pourrait d’ailleurs être annulé en justice. Il l’a été une première fois en novembre 2017 à la suite d’une procédure menée par l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) qui a récemment lancé une nouvelle procédure. Autre défi dans le Grand Paris : les appartements meublés loués pour des courtes durées à des touristes sur des plateformes de type Airbnb ou Abritel-Homeaway réduisent le nombre de logements disponibles. La ville de Paris veille donc à l’application de la réglementation : Il est possible de louer son propre logement dans une limite de 120 jours par an et les locataires doivent absolument obtenir l’accord de leur propriétaire. De plus, chaque appartement loué doit obtenir un numéro d’enregistrement auprès de la mairie de Paris. Reste à voir si ces mesures permettront de limiter les tensions sur parc locatif privé.

Trois questions à Jean Pinsolle, président de la Chambre des propriétaires du Grand Paris

Faut-il investir dans le Grand Paris ?

Le marché locatif est très dynamique, très tendu dans tout le Grand Paris avec des locations très faciles pour les propriétaires. Pour chaque annonce, les candidats à la location sont nombreux au point que le bouche à oreille fonctionne et que les propriétaires louent souvent à des personnes qu’ils connaissent. De plus, les prix dans le Grand Paris sont certes élevés mais aussi très hétérogènes, ce qui permet à des personnes de revenus différents d’investir. Le principal inconvénient pour les bailleurs, comme partout en France : en cas d’incident sur le paiement du loyer, une longue période, parfois de deux ans, est nécessaire pour obtenir le départ du locataire et récupérer l’appartement.

Quels secteurs sont les plus intéressants ?

Le projet du Grand Paris a fait augmenter les prix partout avec des espérances de plus-value dans les secteurs les moins cotés à l’heure actuelle comme les départements de la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne ou encore l’Essonne. Dans ces départements, il est possible de trouver des prix aux alentours de 3 000 euros le m2 comme à Créteil L’Echat ou même de 2 500 euros le m2 autour du Blanc-Mesnil, de Gonesse. Mais l’investissement dans ces secteurs reste difficile et même si les prix vont certainement augmenter ces prochaines années, la hausse liée à la transformation urbaine ne peut pas être espérée à court terme.

Avant d’investir : quelles questions faut-il se poser ?

Avant d’investir, il est important de prendre en compte plusieurs critères comme le rendement qui est le rapport entre le prix d’achat et les loyers perçus ou la rentabilité du bien qui intègre la plus-value. Mieux vaut ne pas oublier la fiscalité qui peut grever la rentabilité. Viennent ensuite la sécurité du secteur, car acheter dans un secteur où l’insécurité règne n’est pas bon pour la revente, puis la liquidité du bien c’est-à-dire la capacité de vendre rapidement si le bien est au juste prix.

Nathalie Coulaud • Journaliste

Source : 25 millions de propriétaires • N°avril 2019


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