Ravalement de façades : des travaux très juridiques

Formalités administratives, contraintes techniques et esthétiques, gestion en copropriété, sont les marques d’une opération d’envergure soumise à de nombreuses étapes. Précisions.

Le parcours administratif

L’article L132-1 du Code de la construction et de l’habitation énonce : « Les façades des immeubles doivent être constamment tenues en bon état de propreté ». Pour l’application de ce texte, le législateur a prévu une procédure contraignante à l’initiative de l’autorité administrative.

Cette règle donne le ton : le ravalement de façade est juridiquement très encadré aussi bien si l’autorité administrative le prescrit que lorsqu’il est à l’initiative des particuliers.

La prescription municipale du ravalement de façade

Un ravalement de façade peut être décidé de manière unilatérale par l’autorité administrative selon les dispositions de l’article précité. Le Code limite à la ville de Paris l’obligation générale de ravalement. À leur libre appréciation, les autres communes, sous la forme d’un arrêté, établissent un périmètre de prescription, le secteur géographique (rues, quartier entier...) et les bâtiments concernés (immeuble, maison individuelle).

Pour les villes concernées, la mairie peut prendre une injonction de travaux de ravalement de façade au moins une fois tous les 10 ans. Exemples : à Lyon un arrêté est en cours (2014/2019) et concerne des rues déterminées chaque année ; à Toulouse, la campagne de ravalement des façades (2016/2020) est lancée sur des rues ciblée aux abords des quais.

À défaut de respect d’une injonction prise à l’attention d’un ou plusieurs bâtiments, la procédure est la suivante :

  • arrêté municipal : si, dans les 6 mois de l’injonction, le propriétaire n’a pas entrepris les travaux, le pouvoir de la mairie augmente, elle peut prendre un arrêté pour les prescrire. Cet arrêté est notifié au propriétaire avec sommation de réaliser les travaux dans un délai prescrit qui ne peut être supérieur à un an. Cette sommation peut également intervenir lorsque les travaux, entrepris dans les 6 mois de l’injonction municipale, ne sont pas terminés l’année qui la suit.
  • travaux d’office : si l’arrêté de travaux n’est pas respecté dans des délais déterminés, le maire peut, sur autorisation du tribunal de grande instance, faire réaliser les travaux, en avançant les frais. Le montant sera ensuite recouvré auprès du ou des propriétaires comme en matière d’impôts directs.

Contraint ou volontaire, le ravalement de façade est par ailleurs soumis aux règles d’urbanisme.

Autorisation d’urbanisme

Classiquement, une déclaration préalable ou un permis de construire est exigé. Suivant les mairies, des pièces spécifiques sont à annexer (échantillons du revêtement et de sa couleur, plans, photos, descriptif complet des travaux...).

Le projet doit également être conforme au plan local d’urbanisme (PLU) concernant l’aspect extérieur du bâtiment, le PLU pouvant imposer ou interdire certains matériaux, couleurs et aménagements. Cette liste est d’autant plus longue, et des contraintes s’y ajoutent si le bâtiment est classé ou dans un secteur protégé.

Autorisation spécifique d’occupation de l’espace public

Pour un chantier de ravalement de façade en bordure de rue, il faut un permis de stationnement (1) qui autorise l’occupation du domaine public, sans emprise au sol, pour l’échafaudage, le dépôt de matériaux, le stationnement d’engin, la benne à gravats... Le permis est délivré, à titre précaire et révocable, sous la forme d’un arrêté de voirie.

Le délai d’instruction de la demande ne peut pas dépasser 2 mois. En l’absence de réponse au terme du délai, le permis est considéré comme refusé.
Le paiement d’un droit de voirie ou d’une redevance d’occupation (forfaitaire ou au mètre linéaire) y est associé dans certaines localités.

Autorisation privée du voisin

Lorsque le ravalement de façade exige d’intervenir sur un mur donnant sur une propriété privée voisine (jardin ou toit en limite séparative), il faudra obtenir l’autorisation du voisin de s’appuyer sur ce fond pour les travaux sur cette portion. Cette servitude de « tour d’échelle » est une convention écrite avec le voisin définissant son étendue (échelle, engins de chantiers, passage d’ouvriers...) et sa durée. Un dédommagement financier peut également être prévu pour compenser la gêne occasionnée, de même qu’un constat d’huissier pour figer l’état des lieux avant et après travaux. Si cette autorisation amiable est refusée, il faudra saisir le TGI en référé, mais attention, il faudra démontrer l’obligation de s’appuyer sur le fond voisin pour réaliser les travaux.

Les travaux de ravalement

La teneur des travaux

Techniquement, un ravalement s’opère en quelques étapes :

  • le nettoyage (sablage, ponçage, nettoyage chimique ou à haute pression...) plus ou moins abrasif selon les surfaces à traiter ;
  • les réparations (fissures, éclatement, reprise des joints...) ;
  • le traitement du support contre les pollutions (anti-termite et antifongique pour le bois, hydrofuge...) ;
  • la finition (enduit ou peinture) donne son aspect final à la façade.

Des traitements de protection de façade existent également, contre les graffitis par exemple.

Aides au financement

Les municipalités lançant des campagnes de ravalement de façade y associent généralement un programme de subvention. Au-delà, d’autres aides financières, conditionnées par la performance énergétique obtenue grâce aux travaux, sont possibles. Autrement dit, il faut associer le ravalement à des travaux d’isolation thermique des murs pour bénéficier d’avantages fiscaux tels que l’éco-PTZ ou le CITE, ou de dispositifs locaux d’aide à la rénovation énergétique... en respectant les critères techniques propres à chaque dispositif (2).

Dans la même optique, la loi de transition énergétique (3) tend vers une obligation de l’association de la performance énergétique aux gros travaux (art 14-1) et donc vers une obligation d’isolation. Les termes de la loi doivent être précisés par décret, néanmoins le texte dit aujourd’hui que des bâtiments existants faisant l’objet de travaux de rénovation importants pourraient être soumis à un objectif énergétique et donc à une isolation couplée au ravalement. Cette isolation peut être une isolation thermique par l’extérieur (ITE).

L’isolation thermique par l’extérieur

Plaques de polystyrène, bois, enduit projeté... que le dispositif isolant soit végétal, minéral ou synthétique, il permet de créer un manteau protecteur autour du bâtiment et se sélectionne en fonction de l’autorisation d’urbanisme obtenue, du support, du coût. C’est une solution 2 en 1 (isolation + ravalement de façade) certes plus onéreuse mais sans perte de place ni travaux à l’intérieur. Côté réglementation, les bâtiments en limite séparative du domaine public sont en principe frappés d’une servitude d’alignement qui empêche d’empiéter sur le domaine public par une emprise au sol, or l’ITE épaissit la façade. Il faut donc obtenir une autorisation administrative relative à la saillie créée par l’ajout de l’isolant pour y déroger. La loi de transition énergétique (art.7) va plus loin et prévoit des dérogations générales aux règles locales d’urbanisme qui seront fixées par décret (annoncé pour le 1er semestre 2016).

Le ravalement de façade en copropriété en 3 questions / réponses

1⃣ Quelle majorité de vote ?

La majorité requise pour valider les travaux est variable. Lorsque le ravalement entre dans la catégorie des travaux d’entretien, de maintien des parties communes et des travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique, le vote relève de la majorité de l’article 24 (4). Si le vote suit une injonction, il faut aussi recueillir la majorité de l’article 24. Enfin, si le ravalement est non indispensable au maintien de l’immeuble (travaux d’amélioration), le vote se fera à la majorité de l’article 25.

2⃣ Quelle répartition des coûts générés ?

Ces travaux constituent des charges communes, tous les lots participent aux dépenses en proportion de leurs tantièmes (y compris les locaux commerciaux en rez-de-chaussée ayant déjà à leur charge l’entretien de leurs devantures) selon les dispositions de l’article 10 de la loi 10 juillet 1965. Le règlement de copropriété peut toutefois prévoir qu’il s’agit de charges communes spéciales (copropriété composée de plusieurs bâtiments). Si le ravalement concerne également les volets, garde- corps et fenêtres, la répartition des charges varie selon le règlement de copropriété (partie commune ou privative) ou selon l’appréciation du juge (5).

3⃣ Qui finance le ravalement en cas de vente d’un lot ?

La question est réglée à l’article 6-2 du décret de 1967 (6) : le paiement des provisions de ces dépenses incombe à celui qui est copropriétaire au moment de l’exigibilité des sommes alors même que les travaux de ravalement ont été votés avant la vente.

À noter : le trop ou moins perçu sur provisions, révélé par l’approbation des comptes, est crédité ou débité du compte de celui qui est copropriétaire lors de l’approbation des comptes.

Vendeur et acquéreur peuvent déroger à ce principe par des dispositions spécifiques dans l’acte de vente. Elles n’auront d’effet qu’entre les parties et seront, par conséquent, inopposables au syndicat des copropriétaires, qui en cas d’impayé, s’adressera au copropriétaire en place au moment de l’exigibilité des sommes.

1 - Cerfa N°14023*01
2 - Voir 25 millions de Propriétaires mars 2015
3 - Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
4 - Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis
5 - Voir 25 millions de Propriétaires n°490 novembre 2015 p.35
6 - Décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis