Habilitation du syndic à agir en justice et vote "groupé"

Mon syndic de copropriété a prévu, dans l’ordre du jour de la prochaine AG, de faire voter en une seule résolution deux sujets : la continuation d'une action en justice et un « blanc-seing » pour toutes actions à venir...

Est-ce normal ?

S’agissant du premier point, l’avocat a en réalité déjà formé appel pour le compte de la copropriété. Le syndic peut-il faire voter une régularisation a posteriori ?

Les tribunaux rappellent régulièrement l’interdiction de ce qu’on appelle les votes « bloqués » ou « groupés » : il ne peut être demandé aux copropriétaires de se prononcer par un vote unique sur des questions distinctes (V. par ex. C. Cass. 3ème ch. Civ., 26 sept. 2007, Loyers et copr. 2007, comm. 251), ce qui revient à dire que chaque résolution soumise au vote doit avoir un seul objet.

Il est parfois admis qu’un vote unique puisse concerner plusieurs questions. Mais la jurisprudence ne l’admet que s’il s’agît de questions étroitement liées. Ainsi, un vote unique peut porter à la fois sur le renouvellement du syndic et sur sa rémunération (Cass., 3ème ch. civ., 19 décembre 2007, Loyers et copr., comm. 64), ou bien sur la réalisation de travaux différents mais indivisibles et soumis à la même majorité (Cour d’appel de Paris, 29 juin 2000, Loyers et copr. 2001, comm. 41).

En l’espèce, il est évidemment irrégulier de faire adopter par un même vote l’autorisation de poursuivre une action en particulier et une autorisation générale d’agir en justice pour tous les contentieux à venir.

Une autorisation groupée pourrait donc faire l’objet d’une action en nullité.

Par ailleurs, un « blanc-seing » général n’aurait aucune valeur.

Rappelons que c’est l’article 55 du décret du 17 mars 1967 sur la copropriété qui énonce que « le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale » (quelques exceptions sont prévues, en matière de recouvrement de créances par exemple, ou « pour défendre aux actions intentées contre le syndicat »).

Les tribunaux exigent que l’autorisation d’agir en justice soit suffisamment précise sur trois points :

  • le type de procédure autorisé ;

  • les personnes à assigner ;

  • l’objet de la demande.

Un blanc-seing général encourrait donc l’annulation en cas de contestation d’un copropriétaire.

En l’espèce, pour s’en sortir, le syndic me paraitrait bien avisé de scinder la résolution en deux et de faire procéder à deux votes. Même si l’ordre du jour prévoyait un vote unique, rien ne s’oppose à mon avis à une division en deux le jour de l’assemblée, à plus forte raison s’il s’agit de se conformer à la réglementation.
Toutefois, la seconde partie de la résolution (« blanc-seing ») n’ayant aucun sens, on pourra se limiter, finalement à une autorisation d’aller en appel.

A ce sujet, la jurisprudence admet tout-à-fait la possibilité d’une régularisation a posteriori, du moment qu’elle intervienne avant qu’une décision définitive soit rendue dans la procédure judiciaire.
Ce cas de figure est fréquent, les délais courts imposés par la procédure judiciaire pouvant parfois impliquer d’accomplir un acte de procédure, au moins à titre conservatoire, sans attendre l’aval des copropriétaires.

A dire vrai, le syndic fait ici voter cette habilitation davantage par prudence et correction que par obligation. En effet, dans une décision de 1992 publie au Bulletin, la Cour de cassation a indiqué que « l'article 55 du décret du 17 mars 1967 n'exige pas que, pour interjeter appel, le syndic soit autorisé par l'assemblée générale, que le syndicat ait été demandeur ou défendeur en première instance » (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 8 juillet 1992, 90-10.977 ; voir également Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 mai 2012, 11-20.70). Le contraire supposerait que l’habilitation originelle ait expressément été réservée à une action en première instance.
Il est donc souhaitable que les copropriétaires valident l’autorisation d’aller en appel, en particulier si les chances que la copropriété gagne en appel sont sérieuses. 
Si les copropriétaires refusaient cette autorisation, le syndic serait dans une situation embarrassante. D’un côté, même s’il n’est pas juridiquement tenu de donner ordre à l’avocat de la copropriété de se désister, ne pas le faire le mettrait en porte-à-faux par rapport à la copropriété. Pourtant, compte tenu des chances de succès, le devoir le pousse à continuer la procédure…

Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI