Peut-on installer une caméra dans les parties communes de l’immeuble ?

Dans un contexte où le sentiment d’insécurité progresse, de plus en plus de copropriétaires souhaitent installer des caméras de surveillance dans leur immeuble. Entre volonté de dissuasion, protection des biens et respect de la vie privée, la question soulève de nombreuses interrogations. Est-ce légal ? Qui peut décider ? Quelles sont les règles à respecter pour ne pas tomber dans l’illégalité ? Voici un point complet sur le sujet, pour sécuriser les lieux tout en respectant le cadre juridique.


Un cadre légal très encadré

Installer une caméra dans les parties communes d’un immeuble ne s’improvise pas. En France, la vidéosurveillance est strictement encadrée par la loi pour protéger les libertés individuelles. Deux textes sont à retenir :

  • Le Code de la sécurité intérieure, qui encadre les dispositifs installés par les personnes publiques ou les commerces recevant du public.
  • Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui s’applique à tous les traitements d’images à caractère personnel.

Dans une copropriété, les caméras installées dans les parties communes (hall d’entrée, local à vélos, ascenseur, etc.) sont considérées comme des outils de traitement de données personnelles. Leur installation nécessite donc l’accord de la copropriété, ainsi qu’une déclaration à la CNIL dans certains cas.


Une décision à voter en assemblée générale

La première étape est de soumettre le projet au vote lors d’une assemblée générale. L’installation de caméras dans les parties communes doit être approuvée à la majorité absolue de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965. Cela signifie qu’il faut obtenir la majorité de tous les copropriétaires (et non seulement des présents ou représentés).

En cas d’échec, il est possible de revoter à la majorité de l’article 24 lors de la même assemblée, si le projet obtient au moins un tiers des voix.

Ce vote doit s’appuyer sur une note explicative claire : objectifs, emplacements des caméras, durée de conservation des images, accès aux enregistrements, etc.


Ce qu’il est possible… ou non de filmer

Une caméra dans une copropriété ne peut pas filmer n’importe quoi. Il est formellement interdit de filmer :

  • les portes d’appartement,
  • l’intérieur des logements,
  • la voie publique (sauf dérogation préfectorale),
  • les parties communes où la vie privée pourrait être affectée (salle de sport, buanderie collective, etc.).

Les zones autorisées sont limitées à la sécurisation des accès (hall d’entrée, interphone, local vélo, caves), et à condition que l’angle de vue soit justifié et limité.

Des panneaux d’information clairs doivent être affichés à l’entrée de l’immeuble pour informer les résidents et les visiteurs qu’ils entrent dans une zone sous surveillance.


Qui peut consulter les images ?

La copropriété doit désigner un responsable du traitement, le plus souvent le syndic ou un membre du conseil syndical. Ce responsable a pour mission de :

  • définir la politique de conservation (durée légale : 1 mois maximum),
  • sécuriser l’accès aux images,
  • tenir un registre des consultations.

Les images ne peuvent être consultées que sur demande motivée, en cas d’incident ou d’infraction, et uniquement par les personnes habilitées (le syndic, un membre du conseil syndical, voire les forces de l’ordre sur réquisition).

En aucun cas un copropriétaire ne peut exiger un accès libre aux images.


Cas particuliers : les caméras personnelles

Et si un copropriétaire souhaite installer une caméra individuelle à sa porte d’entrée ? Là aussi, la loi est claire : une caméra privée ne doit filmer que sa propre entrée, et en aucun cas les parties communes ou les voisins. Si l’angle dépasse ces limites, la responsabilité du copropriétaire peut être engagée.

L'installation d'une caméra privée visible dans les parties communes peut être considérée comme une atteinte à la vie privée et faire l’objet d’une demande de retrait immédiat en justice.


Sanctions en cas de non-respect

Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions civiles et pénales. L’installation d’un dispositif de vidéosurveillance illégal peut mener à :

  • une amende pouvant atteindre 1 500 € pour les personnes physiques,
  • une condamnation pour atteinte à la vie privée,
  • un retrait forcé du matériel par décision judiciaire.

La CNIL peut également intervenir et exiger la suppression des images ou le démantèlement du système s’il est jugé non conforme.


Une démarche à encadrer et à formaliser

La vidéosurveillance en copropriété peut être un excellent moyen de sécuriser les lieux, à condition d’être bien encadrée. Voici les bons réflexes à adopter :

  • Préparer un dossier complet avant l’assemblée générale,
  • Informer clairement les copropriétaires et occupants,
  • Respecter les emplacements autorisés,
  • Sécuriser l’accès aux images,
  • Se faire accompagner par un professionnel si besoin (installateur certifié, syndic, juriste).

En résumé

Oui, il est possible d’installer des caméras dans une copropriété, mais sous conditions strictes. L’objectif ne doit pas être de surveiller les voisins, mais bien de renforcer la sécurité collective tout en respectant les droits de chacun.

Un projet bien préparé, validé par l’assemblée, transparent et conforme aux règles, est un atout pour le confort et la tranquillité des résidents.


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