EXAMEN - Les panneaux solaires poussent comme des champignons aux quatre coins de la France. Encouragés par la hausse des tarifs de l’électricité, séduits par la promesse de substantielles économies, les Français s’équipent massivement. Le modèle a changé, il ne s’agit plus de revendre l’électricité ainsi produite, mais d’abord de la consommer pour réduire sa facture énergétique.
Par Christophe Demay, journaliste
La hausse est spectaculaire. Fin 2024, l’Ademe recensait très précisément 677 411 installations d’autoconsommation individuelle. C’est 54% de plus qu’un an auparavant. Du jamais-vu. Les panneaux solaires n’ont rien de nouveau, mais en l’espace de deux ans, la France a connu une brusque accélération. Notre pays est ainsi passé de « 240 000 installations pour 1,13 gigawatt (GW), fin 2022, à 677 000 installations pour 3,8 GW, fin 2024 », selon un avis de l’Ademe dévoilé fin janvier 2025.
La flambée du photovoltaïque
Vincent Kong est responsable de l’offre photovoltaïque chez Hellio, un des leaders de la maîtrise de l'énergie et des travaux de rénovation énergétique chez le particulier. Il explique cette croissance par trois facteurs. « Il y a d’abord le prix de l’électricité qui a beaucoup augmenté. » Effectivement, tous les Français l’ont constaté sur leur facture, l’électricité coûte plus cher, beaucoup plus cher. Et ce n’est sans doute pas fini, demain elle risque de peser encore davantage sur le budget des ménages. « En installant des panneaux, je me garantis une certaine quantité d’électricité au même prix pour les années à venir. »
Deuxième raison invoquée, « le prix du matériel qui a beaucoup baissé ces dernières années ». Vincent Kong estime cette baisse de l’ordre de 30%. Enfin, le responsable de l’offre photovoltaïque chez Hellio évoque les progrès technologiques. Les panneaux d’aujourd’hui offrent un meilleur rendement que leurs prédécesseurs, ils ont une durée de vie plus longue (jusqu’à 30 ans), et enfin, grâce aux batteries, physiques ou virtuelles, il est désormais possible de stocker l’énergie produite les jours de fort ensoleillement afin de la consommer plus tard.
Des tarifs d’électricité qui ont flambé, une grosse incertitude sur l’avenir, des coûts à l’installation moins élevés et des performances aussi plus élevées, voilà les ingrédients de cet essor. « Les ménages essayent d’anticiper. L’installation photovoltaïque donne l’assurance de maîtriser davantage ses factures demain »,poursuit Vincent Kong.
L’autonomie énergétique, toujours un rêve
N’importe quel ménage aimerait s’affranchir de sa dépendance au réseau, mais on n’y est pas encore. Autoconsommation ne veut pas dire autonomie énergétique. Même si certains vendeurs promettent parfois monts et merveilles dans leur discours (purement) commercial, le rêve de l’autonomie reste encore inaccessible. « Ces sociétés, qui mettent en avant une installation avec 100% d’autonomie, sont malhonnêtes.Chez Hellio, nous préférons nous montrer transparents, explique Vincent Kong. Sans batterie, le client ne sera jamais autosuffisant. Tout simplement, parce que le soleil couché, les panneaux ne produisent plus. Il pourra au mieux couvrir 40% de ses besoins. »
Et avec des batteries physiques ou virtuelles ? C’est mieux, mais le propriétaire ne sera toujours pas autonome, il aura encore besoin de l’électricité du réseau. « Mais selon ses besoins, ses habitudes, il peut espérer couvrir de 60% à 70% ses besoins. » De quoi réduire d’autant sa facture d’électricité. Y compris dans les régions septentrionales.
Car, contrairement aux idées reçues, les installations photovoltaïques trouvent aussi leur place sur les toitures du nord de la France où le soleil est réputé moins généreux. « C’est sûr qu’entre le Nord et l’Occitanie, le rendement ne sera jamais le même, poursuit Vincent Kong. Mais les avancées technologiques permettent aujourd’hui de ne plus avoir des exclusions, puisque les panneaux produisent de l’énergie même lorsque le temps est nuageux. Le rendement sera cependant moins important de l’ordre de 10% à 15%. »
L’autoconsommation plutôt que la revente
L’autoconsommation est d’autant plus privilégiée que la revente d’électricité à EDF OA (Obligation d'achat) ou une entreprise locale de distribution (ELD), n’est franchement plus intéressante. Et davantage encore depuis fin mars avec un nouvel arrêté[1] qui a sérieusement revu à la baisse les tarifs. La prime à l’autoconsommation a été divisée par deux et le tarif de la revente d’électricité par trois chutant de 12,67 centimes le kW à (seulement) 4 centimes.
Revendre des kW à 4 centimes pour en acheter plus tard d’autres à 20 ou 25 centimes, cela n’a guère de sens. Mieux vaut stocker l’énergie. « La rentabilité pour un projet, c’est l’autoconsommation qui permet de réduire sa dépendance par rapport à son fournisseur », clame Vincent Kong qui évoque un « retour sur investissement de 7 à 8 ans lorsque l’installation est correctement dimensionnée ». On parle bien d’une rentabilité moyenne, car la situation géographique, l’orientation, l’exposition au soleil, l’altitude ou la surface des panneaux jouent un rôle essentiel.
Tout comme le comportement des usagers. « Chaque foyer consomme l’électricité différemment. Certains peuvent connaître un pic en hiver, d’autres en été. » L’autoconsommation suggère de revoir ses habitudes. Il faut parfois oublier ce que l’on a appris durant tant d’années et privilégier le fonctionnement de sa machine à laver en journée, plutôt qu’en heures creuses. « On essaye de décaler sa consommation aux heures de fort ensoleillement. »
Quelles aides pour s’équiper ?
L’installation de panneaux solaires ne bénéficie d’aucune aide à la rénovation énergétique : ni MaPrimeRénov’ ni certificats d’économies d’énergie (CEE). Question de logique : en soi, les panneaux solaires ne sont pas un moyen de réduire sa consommation d’énergie, même s’ils contribuent à alléger le réseau.
Néanmoins, des aides existent : la prime à l’autoconsommation versée par EDF après la signature d’un contrat d’achat, et la revente de l’électricité produite. Si ces aides nationales ont sévèrement été rabotées en mars, Vincent Kong attire toutefois l’attention sur les subventions des collectivités locales. Dans certains territoires, les aides peuvent parfois couvrir jusque 50% du coût de l’installation.
L’autoconsommation collective décolle
L’autoconsommation collective séduit également de plus en plus. Son principe est simple : plusieurs producteurs et consommateurs raccordés au réseau public se regroupent au sein d’une structure juridique commune afin de partager l’électricité produite localement. C’est notamment le cas en copropriété où l’électricité fournie par les panneaux en toiture peut profiter à l’ensemble des copropriétaires. Mais l’autoconsommation collective ne se limite pas à l’immeuble : des producteurs-consommateurs dans un périmètre géographique de deux kilomètres peuvent aussi adopter l’autoconsommation collective.
[1] Arrêté du 26 mars 2025 modifiant l'arrêté du 6 octobre 2021 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l'énergie solaire photovoltaïque, d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts telles que visées au 3° de l'article D. 314-15 du code de l'énergie et situées en métropole continentale.