​Contester une décision de l’ABF

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L’administration qui instruit une demande d’autorisation d’urbanisme (permis de construire, de démolir, déclaration de travaux) recueille l’avis de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) lorsque le projet se situe dans un espace protégé. L’ABF peut alors émettre différents avis selon le type d’espace protégé, mais aussi selon le type d’autorisation d’urbanisme. Comment les contester ?

L’ABF peut rendre 3 types d’avis :

  • l’avis simple : l’autorité qui délivre l’autorisation d’urbanisme (en principe le maire) peut passer outre l’avis de l’ABF. Mais elle engage ainsi sa responsabilité en cas de recours contre l’autorisation. Aussi le maire suit quasiment toujours l’avis de l’ABF ;
  • l’avis conforme : le maire doit obligatoirement suivre l’avis de l’ABF ;
  • l’avis consultatif : hors secteur protégé, le maire peut demander un avis à l’ABF au titre de son expertise.

La réalisation des travaux dans les sites patrimoniaux remarquables s'est peu assouplie et les avantages de la « fiscalité Malraux » encouragent les investissements en faveur de la restauration. Le dispositif Malraux permet en effet de bénéficier d’une réduction fiscale de 30 % sur des travaux de réhabilitation d’un immeuble. Son objectif est de protéger le patrimoine immobilier en encourageant la rénovation d’immeubles anciens.

Par ailleurs, il convient de préciser qu’un permis de construire, de démolir, une déclaration préalable de travaux ne peuvent être délivrés sans que l’ABF n’ait préalablement donné son accord dans certains cas visés par les articles L 632-1 et suivants du Code du patrimoine et R 425-1 et suivants du Code de l’urbanisme.

Dans le cas d’un avis défavorable, il est possible de contester cet avis selon une procédure particulière. Néanmoins avant d’envisager celle-ci, il est utile de comprendre et connaître le rôle de l’architecte des Bâtiments de France.

Le rôle de l’ABF

Les ABF sont des fonctionnaires du corps des Architectes Urbanistes de l’État. Ils ont une mission de service public qui consiste en la conservation et l’entretien des monuments historiques. Ils contrôlent également tous les projets menés dans les espaces protégés.

Ils sont également les chefs de service des Unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP, ex STAP). Chaque département possède une UDAP dépendant de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles).

Depuis l'ordonnance n° 2005-1129 du 8 septembre 2005, les ABF jouent un rôle important dans la détermination des nouveaux périmètres de protection dont ils ont l'initiative.

Les ABF déterminent et dirigent les travaux d'entretien et de réparations ordinaires à exécuter sur les immeubles classés Monuments Historiques.

Ils donnent aussi leur avis lors des autorisations d'urbanisme. Il s'agit de la tâche la plus lourde, celle de l'avis, simple ou conforme, que l'ABF émet sur différents travaux soumis à autorisation (permis de construire, de démolir, d'aménager et déclaration de travaux), les avis se chiffrant en milliers chaque année. Ces avis sont requis dans les situations suivantes :

  • immeubles situés dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit (avis conforme) ;
  • immeubles situés dans un site inscrit (avis simple) ;
  • immeubles situés dans un site classé ou en instance (avis simple) ;
  • immeubles situés dans un secteur sauvegardé, dans une zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP, futures AVAP) et pour les constructions adossées à un immeuble classé (avis conforme).

Leur charge est donc lourde et s’ils ne sont pas toujours populaires auprès des pétitionnaires (constructeurs/promoteurs), leur action préserve à l’évidence l’extraordinaire patrimoine architectural de notre pays qui en fait l’un des plus visités au monde par les touristes étrangers.

La procédure de contestation : le préfet de région est incontournable 

Lorsqu’un projet de travaux est situé dans un site patrimonial remarquable ou aux abords d’un monument historique, le demandeur peut, s’il se heurte à une décision de refus d’autorisation d’urbanisme en raison d’un refus d’accord de l’ABF, saisir le préfet de région.

La contestation de l’avis d’un ABF obéit à une procédure particulière supposant la saisine du préfet de région par lettre recommandée avec accusé de réception (art. L. 632-2 et L. 621-32 du Code du patrimoine).

Cette saisine peut être faite :

  1. soit par l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation (le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale[1]) qui, dans un délai de 7 jours à compter de la réception de l’avis, transmet au préfet le dossier accompagné de son projet de décision (art. L. 632-2, II du Code du patrimoine ; art. R. 423-68, al. 1er du Code de l’urbanisme).

Une copie du recours doit être également adressée à l’ABF, au maire lorsque celui-ci n’est pas l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme et au demandeur. Cette exigence de notification n’est cependant pas prescrite à peine d’irrecevabilité du recours (CAA Bordeaux, 1re ch., 8 févr. 2018, n° 16BX00975).

  1. soit par le pétitionnaire (c’est-à-dire le demandeur de l’autorisation d’urbanisme), dans un délai de 2 mois à compter de la notification du refus du permis de construire fondé sur cet avis négatif (art. R. 424-14 du Code de l’urbanisme).

Le Conseil d’État a précisé ce qu’il convenait de faire quand l’architecte des Bâtiments de France émet un avis négatif sur une demande de permis de construire (arrêt n°410790 du 4 mai 2018) : avant de former un recours pour excès de pouvoir contre un refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit, assorti d’un avis défavorable de l’ABF, le pétitionnaire doit saisir le préfet de région d’une contestation de cet avis (il s’agit du recours administratif préalable obligatoire, aussi appelé RAPO).

La Haute juridiction a pu préciser, suivant en cela les conclusions du rapporteur public Louis Dutheillet de Lamothe, que « l’avis émis par le préfet, qu’il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l’ABF ».

Ensuite, s’agissant de l'instruction du permis de construire qui suit l’avis du préfet, le Conseil d'Etat distingue selon que l'avis négatif de l'ABF est infirmé ou confirmé par l'autorité préfectorale.

Lorsque le préfet infirme l'avis défavorable de l'ABF, l'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme doit statuer à nouveau sur la demande de permis de construire dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis préfectoral.

Dans l’hypothèse inverse, en cas de confirmation, l'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme n'a pas à se prononcer à nouveau sur la demande de permis et le délai de recours contentieux contre le refus de PC court alors à compter de la notification de la confirmation de l'avis défavorable de l’ABF par le préfet.

Par ailleurs, le délai à l’issue duquel le préfet de région doit se prononcer sur un recours de l’autorité compétente ou du pétitionnaire contre l’avis émis par l’ABF est de 2 mois (art. R. 423-68, al. 1er et R. 424-14, al. 3 du Code de l’urbanisme).

L’absence de décision expresse du préfet dans le délai de 2 mois équivaut soit :

  1. à une confirmation de la décision de refus de l’autorité de délivrance lorsque le recours émane du pétitionnaire (art. R. 424-14, al. 3 du code de l’urbanisme) ;
  2. à une acceptation du recours et une approbation du projet de décision transmis par l’autorité de délivrance lorsque celle-ci est à l’origine du recours (art. L. 632-2, II du Code du patrimoine). En effet, la loi ELAN du 23 novembre 2018 a inversé le sens accordé au silence du préfet saisi par l’autorité de délivrance, d’un recours contre l’avis de l’ABF. Depuis le 25 novembre 2018, le silence préfectoral vaut acceptation du recours (et non plus rejet). Le préfet doit donc impérativement se prononcer s’il entend s’opposer à la décision du maire ou du président de l’EPCI.

Précisons que dans le cadre de ce recours administratif préalable obligatoire, le pétitionnaire peut faire appel à un médiateur. Il doit le préciser dans sa lettre de saisine du préfet de région. Un médiateur doit alors être désigné et le préfet ne peut statuer qu’après l’avis du médiateur (art. L 632-2 III du Code du patrimoine et art. R 424-14 du Code de l’urbanisme).

Ensuite, un recours contentieux devant le tribunal administratif est toujours possible contre la régularité et le bien-fondé de l’avis de l’ABF ou, le cas échéant, de la décision du préfet.

Ainsi, un recours dit « pour excès de pouvoir » peut être dirigé contre la décision de refus du permis de construire pour obtenir l’annulation de cette décision.

Pour éviter d’en passer par une procédure de contestation lourde et aléatoire quant au résultat, il est vivement conseillé de présenter le projet, avant dépôt de l’autorisation, à l’architecte des Bâtiments de France.

 

[1] EPCI

 

Me Nathalie Thibaud, avocat et consultant UNPI 31-09

Source : 25 millions de propriétaires • N°septembre 2020


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