Investissement en résidence de tourisme : Lagrange patrimoine conseil est condamné à payer l'intégralité des loyers

Après plus de 20 ans de développement effréné des résidences de tourisme, Le Ministre de l’Economie, Bruno LE MAIRE, a reconnu par une lettre le 7 avril 2021 que “L'investissement en résidence de tourisme était risqué”.

Cette prolifération repose encore sur des recettes simples.

 

Les propriétaires démarchés ou simplement intéressés sont invités à acquérir des biens donnés en contrepartie d’un “bail ferme” avec "loyer garanti", des “avantages fiscaux”, un “rendement garanti” par des mandats de gestion ou bail commercial comportant “des avantages exclusifs”, avec parfois le “paiement de pré-loyers”, un “amortissement des biens permettant de réduire la part imposable des revenus”, se traduisant par “un confort de gestion” par “prise en charge par un professionnel”, etc. ; Les prix de vente incluent très fréquemment des “non-valeurs” : importants commissionnements, et “fonds de concours”, bien connus des professionnels du secteur (promoteurs, banques, etc.) mais non signalées aux acquéreurs ainsi non informés du “sur-prix” payé par eux.

Ces arguments séduisants masquent de graves déconvenues supportées par les propriétaires démarchés parfois agressivement. En effet un très grand nombre de ceux-ci se plaignent d'impayés de loyer importants et récurrents, découvrent la nécessité de payer l'indemnité d'éviction dont “les modalités générales de calcul” n'ont jamais été communiquées par l'exploitant preneur à bail en violation de l'article l 321. 3 du code du tourisme, font face à des ruptures de bail non prévues, des charges et travaux d’entretien et de “montée en gamme”, normalement à charge des preneurs à bail, non prévus, mais supportés par les bailleurs. Les abus étaient tels que la loi de 2009 a notamment mais insuffisamment prévu de renforcer l'information préalable des acquéreurs en résidence de tourisme, et a interdit la pratique de la résiliation triennale des baux. Le modèle économique des autres types de résidences gérées présente beaucoup de similitudes avec celui des résidences de tourisme. Ces investissements sont donc en effet “risqués”, la carence dans l’information sur ces risques étant condamnée par les Tribunaux. C’est ce qui ressort d'un arrêt récemment rendu par la Cour de cassation.

En première instance et devant la cour d'appel les Juges ont en effet sanctionné la société Lagrange Patrimoine conseil (faisant partie du groupe LAGRANGE) pour “ne pas avoir informé les époux X des risques de l’opération projetée en particulier du risque de non-perception des loyers”.

La Cour de cassation a confirmé cette décision en condamnant le gestionnaire au paiement de l'intégralité de la perte de loyer subie ”.

 

Extrait de l’arrêt de la Cour d’appel :

En l’espèce, la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL ne justifie pas avoir fourni aux investisseurs d’autres informations que celles qui ressortaient d’une plaquette publicitaire de la résidence 'Le Belvédère’ vantant la sécurisation du placement par la qualité des professionnels intervenant à l’opération et par la perception de loyers garantis par un bail commercial de longue durée consenti à une société présentant des gages de sérieux de sorte qu’elle ne démontre pas avoir informé les époux X des risques de l’opération projetée en particulier du risque de non-perception des loyers auxquels ils se trouveraient exposés en cas de déconfiture du preneur à bail commercial.

C’est par conséquent à bon droit que le premier juge a retenu que la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL avait manqué à son obligation d’information et de conseil.
 

Sur le préjudice : 
C’est par une exacte analyse et de justes et pertinents motifs que le premier juge a retenu que le préjudice des époux X ne pouvait se résoudre en une perte de chance dès lors que la sécurité de l’opération avait été déterminante de leur consentement et que, s’ils avaient été informés des aléas, ils auraient refusé de souscrire à l’investissement. 
Les époux X sont dès lors fondés à obtenir la réparation intégrale de leur préjudice. Le premier juge a justement retenu que les époux X n’avaient pas la possibilité de refuser la baisse de loyers sauf à perdre les avantages fiscaux attachés à l’opération et que leur préjudice correspondait au montant de la perte de loyers subie. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué aux époux X une indemnité de 12 996,43 € au titre de la perte de loyers subie du 1er juillet 2012 au 31 mars 2016 et du coût de renégociation du prêt. 

S’agissant de la perte subie pour la période du 1er avril 2016 au 31 décembre 2017, les époux X justifient que la perte de loyers s’est établie à 6 335 € de sorte qu’il convient également de faire droit à cette demande.

Le premier juge a fait une juste appréciation de l’indemnité réparant le préjudice moral de sorte que le jugement est confirmé sur ce point.”

Extrait de l’arrêt rendu par la cour de cassation :

“7. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que les informations fournies aux futurs acquéreurs présentaient le projet comme dénué de tout risque, avec la sécurité de loyers garantis pendant une durée irrévocable de neuf ans, sans comporter la moindre réserve sur les risques liés à l'éventuelle défaillance du preneur à bail.

8. Elle en a souverainement déduit que la sécurité de l'opération avait été déterminante de leur consentement et que, s'ils avaient été informés du risque de non-perception des loyers en cas de déconfiture du preneur à bail, ils auraient refusé de souscrire à l'investissement, ce dont il résultait une absence d'aléa.

9. Ayant ainsi exclu toute incertitude sur la décision des acquéreurs s'ils avaient été dûment informés des aléas et risques éventuels de l'opération d'investissement immobilier proposée, elle en a exactement déduit que le préjudice causé par le manquement de la société Lagrange à son devoir d'information et de conseil ne pouvait consister en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et correspondait à l'intégralité de la perte de loyers subie.” [1]


[1] Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 2 février 2022, 21-10.205

Me Jacques GOBERT (SCP GOBERT & ASSOCIES), Avocat expert-conseil de l'UNPI