Résidences de tourisme ! Force majeure et non-paiement des loyers, l'insécurité des bailleurs doit cesser !

Residences de tourisme non-paiement des loyers Résidences de tourisme : force majeure et non-paiement des loyers, l'insécurité juridique des bailleurs doit cesser ! 

Depuis la crise de la Covid-19, de nombreux gestionnaires de résidences de tourisme invoquent la force majeure afin de se soustraire à leur obligation de payer les loyers.

 

Qu’est-ce que la force majeure ?

Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un « évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur » ([1]). Pour que la force majeure soit caractérisée, l’évènement doit être extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible ([2]).

Selon la Cour de cassation, « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure » ([3]).

 

La crise de la Covid-19 constitue-t-elle un cas de force majeure exonératoire du paiement des loyers ? 

Pour motiver le non-paiement des loyers, le gestionnaire peut être tenté d’invoquer la force majeure en application de l’article 1218 du Code civil ou de la jurisprudence (v. supra).

Il peut également solliciter la mise en œuvre d’une clause exonératoire si elle est prévue dans le bail.

En pratique, il existe 3 typologies de baux : 

  • Le bail qui contient une clause exonérant du paiement des loyers dès lors que l’immeuble est intrinsèquement frappé d’un évènement susceptible d’être considéré comme un cas de « force majeure » (force majeure relative à l’immeuble) ([4]) ;
  • Le bail qui contient une clause exonérant du paiement des loyers dès lors qu’un cas de force majeure affecte l’activité du preneur (force majeure relative à l’activité du preneur) ([5]) ;
  • Le bail qui ne contient pas de clause exonératoire liée à un cas de force majeure.

 

La force majeure a été soulevée par les gestionnaires, preneurs à bail, devant diverses juridictions ; ce qui a donné lieu à des décisions de justice divergentes ([6]).

Par exemple :

Concernant un bail contenant une clause exonératoire relative à un cas de force majeure liée à l’immeuble lui-même, le juge des référés de la Cour d’appel de Chambéry a condamné le gestionnaire à payer les loyers. Il a considéré que les dispositions réglementaires ou légales résultant de la Covid-19 n’ont pas suspendu expressément ou implicitement l’exigibilité des loyers commerciaux et que les locaux ne sont pas en cause ([7]).

Le tribunal judiciaire de Paris a également condamné un gestionnaire, qui se prévalait d’une clause similaire dans le bail, à payer les loyers, moins une franchise de 56 jours correspondant à la période d’interdiction d’accueil du public dans les résidences de tourisme en 2020 (décret du 20.05.2020 et décret du 29.10.2020) ([8]).

A quelques jours d’intervalle, d’autres juges des référés du Tribunal judiciaire de Paris, dans le cas d’un bail analogue qui contenait une clause exonératoire relative à un cas de force majeure lié à l’immeuble, n’ont pas condamné le preneur au paiement des loyers au motif que cette clause devait faire l’objet d’une interprétation devant les juges du fond (contestation sérieuse) ([9]).

Intervention du Cabinet Gobert & Associés ([10]) :

 

Le raisonnement des juges des référés du Tribunal judiciaire de Paris qui ont rendu la décision du 28.09.2021 semble être en contradiction avec une partie de la doctrine et de la jurisprudence :

« (…) La solution n'est pas la même selon que c'est l'immeuble ou l'activité du preneur qui est affecté par cette interdiction. (…). Il faut donc déterminer si la décision de fermeture concerne l'immeuble lui-même (interdiction de recevoir du public) ou l'activité du preneur (interdiction d'exercice de son activité dès lors qu'elle implique la réception du public). Si elle concerne l'activité du preneur et non l'immeuble lui-même, le bailleur ne manque pas à son obligation de délivrance, de sorte que le preneur ne peut invoquer l'exception d'inexécution. »

 

  • Selon la jurisprudence ([13]) :

« Cette clause [exonératoire relative à l’immeuble] claire et précise ne nécessite aucune interprétation en ce qu’elle vise soit des manquements personnels du bailleur, soit des circonstances affectant le bien.

Force est de constater que les mesures d’interdiction d’exploitation prises par l’État ne sont ni du fait ou de la faute du bailleur, ni ne constituent une circonstance affectant le bien, c’est-à-dire une circonstance intrinsèque au bien lui-même. (…) 

Livia BROCHE, Juriste UNPI

Source : 25 millions de propriétaires • N°556 novembre 2021

 

[1] Article 1218 du Code civil applicable aux baux entrés en vigueur au 1er octobre 2016.

[2] Selon la jurisprudence antérieure à la réforme en application de l’article 1148 anc. du Code civil.

[3] Cass. Com., 16 septembre 2014, n°13-20.306. 

[4] Exemple : foudre qui détruit l’immeuble ou inondation dévastatrice d’un quartier, d’une ville.

[5] Exemple : entrave à l’activité touristique.

[6] Cour d’appel de Dijon, 2ème chambre civile, 2 septembre 2021, n° 21/00289. 

[8] Tribunal judiciaire de Paris, Ordonnance de référé du 09 septembre 2021, n°21/51845.

[9] Tribunal Judiciaire de Paris, Ordonnance de référé du 28 septembre 2021 n° 21/51614. 

[10] https://www.gobert-associes.fr/

[11] La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 17, 23 Avril 2020, 1179.

[12] Article du Cabinet Gobert & Associés sur Village de la justice : https://www.village-justice.com/articles/residences-tourisme-analyse-decret-mai-2020-face-aux-loyers-impayes,35481.html

[13] Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, référé, 29 juin 2021, n° 20/01402.