Les aspects stratégiques de l’activité de location immobilière

ANALYSE — L’activité de location immobilière rencontre un réel engouement sur le marché français ces dernières années. Au-delà des aspects économiques et sociologiques expliquant ce succès, c’est la diversité des modalités d’exercice de cette activité qui permet à chacun d’y trouver un attrait. Face à cette variété de régimes juridiques et fiscaux, de modes de détention, de typologies de financement, l’investisseur peut néanmoins éprouver un certain vertige. Ce dossier a pour ambition de lui apporter quelques réponses dans sa recherche de la stratégie patrimoniale la plus adaptée à sa situation.

La détermination de la stratégie patrimoniale en matière de location immobilière Lors de l’acquisition d’un nouveau bien immobilier locatif se pose immédiatement la question des modalités d’exploitation de cet actif. L’investisseur va en effet chercher le meilleur rendement locatif, la maximisation de l’utilisation des charges, la limitation de l’impact des loyers sur son imposition et éventuellement la planification de la transmission du bien à ses enfants. La réponse à ces questions dépendra des objectifs de l’investisseur. Ceux-ci peuvent être financiers ou patrimoniaux: il y a lieu, avant toute chose, de déterminer si les revenus locatifs ont pour objet d’être immédiatement consommés pour les besoins personnels de l’investisseur ou d’être capitalisés dans son patrimoine dans un objectif d’augmentation de la valeur de celui-ci ou de transmission. Une fois ces objectifs identifiés, la stratégie patrimoniale sera mise en œuvre sur la base d’outils de structuration qui peuvent être répartis en deux catégories :

(I) La typologie de location: nue ou meublée?

(II) Le cadre juridique de l’exploitation: détention directe ou structure de détention?

Les développements suivants seront dédiés à l’analyse des principales stratégies patrimoniales pouvant être mises en œuvre dans le cadre d’une activité de location immobilière.

Quelle typologie de location privilégier pour ses investissements immobiliers: nue ou meublée? L’évaluation de l’efficacité d’une stratégie de location immobilière est fondée, de façon classique, sur l’analyse du rendement locatif net d’impôts de la mise en location du bien. Il s’agit du montant du loyer annuel diminué du montant des charges, impôts inclus, ramené au prix d’achat. Cette donnée peut varier de façon significative d’un bien à un autre en fonction des caractéristiques de la location, selon que le bien immobilier est exploité en location nue ou en location meublée.

Un loyer plus élevé en location meublée

Le logement meublé est défini par la loi ALUR comme un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et en qualité suffisant pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014). En raison de ces prestations, le loyer perçu pour un logement meublé est en général supérieur de 10 à 20 % à celui d’une location nue. L’écart peut être encore bien plus important pour de la location saisonnière. A cet égard, encore faut-il avoir pris soin de procéder à une étude du marché locatif préalablement à l’investissement. Les logements meublés étant principalement recherchés par des étudiants ou des salariés de passage, les petites surfaces proches des universités et des centres-villes seront à privilégier pour ce type de location. Les surfaces plus importantes, plutôt destinées aux familles ou plus généralement aux locataires désireux de s’y établir de façon plus pérenne (familles, couples, locataires plus âgés, etc.), sont plus difficiles à louer meublés. La différence de rendement avec la location nue est alors moindre. Le choix de la location nue ou meublée doit donc en priorité être dicté par la réalité du marché.

Contrebalancé par un niveau de risque et de charges plus important

Le prix à payer pour la perception de loyers plus élevés est un investissement plus important pour équiper le bien. Les charges d’équipement initial et de renouvellement du mobilier vont donc peser de façon beaucoup plus importante sur la rentabilité de l’investissement (v. décret n° 2015-981, 31 juillet 2015 fixant la liste des éléments de mobilier d’un logement meublé). La rotation importante des locataires va en effet induire des travaux de rafraîchissement réguliers et le renouvellement occasionnel de la literie, de la vaisselle, des luminaires et de l’électroménager. Le coût de la gestion locative et du ménage, en cas de location saisonnière, viendra substantiellement alourdir ce bilan. Ces charges peuvent parfois représenter 20 à 35 % des loyers perçus. Enfin, la location meublée, en raison de son caractère transitoire, est exposée au risque de vacances locatives de façon bien plus nette que la location nue. Un loyer mensuel, certes plus élevé en location meublée, pourra vite être obéré par les charges si elles n’ont pas été correctement anticipées. L’élaboration d’un business plan est donc fortement recommandé avant toute mise en location.

Les règles d’imposition des revenus locatifs

Ces règles varient de manière significative selon les caractéristiques de la location. Lorsque le bien immobilier est loué en location nue, les revenus locatifs sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers. Quant à l’activité de location meublée, étant une activité commerciale, elle génère des revenus imposés dans la catégorie des BIC (bénéfices industriels et commerciaux). Elle peut revêtir un caractère professionnel (loueur en meublé professionnel, ci-après « LMP ») ou non-professionnel (loueur en meublé non professionnel, ci-après « LMNP »). L’activité de location meublée sera obligatoirement exercée à titre professionnel lorsque certains seuils seront atteints (art. 155-IV-2° du CGI):

• Le chiffre d’affaires annuel réalisé par l’ensemble des membres du foyer fiscal excède 23000 euros;

• Et ces recettes excèdent les autres revenus du foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu.

Il est ainsi essentiel de réfléchir à l’affectation de ces revenus locatifs afin de mettre en place une stratégie d’investissement efficace. Les principales caractéristiques de ces régimes sont synthétisées au sein du tableau suivant :

Le régime favorable d’imposition des revenus de la location meublée

> Les charges déductibles du bénéfice

Le choix pour le statut de loueur en meublé est souvent motivé par l’attrait de la déduction des charges. En effet, les charges déductibles des revenus fonciers sont strictement limitées aux charges liées à l’exploitation du bien tandis que le régime réel BIC permet d’imputer également les charges de propriété comme les frais d’acquisition qui peuvent être très conséquents. Surtout, il permettra d’amortir comptablement et fiscalement le bien: la perte de valeur du bien constatée en comptabilité est déductible des revenus locatifs. L’amortissement permet ainsi de réduire substantiellement l’imposition de l’activité sans générer de besoin en trésorerie particulier puisque ces dotations ne constituent pas une sortie d’argent. C’est sur ce plan que réside l’essentiel de l’intérêt du choix pour la location meublée.

> L’utilisation des déficits

Les déficits de l’activité de loueur en LMNP ne pourront être imputés que sur les bénéfices tirés d’activités de même nature. Cette restriction rend le régime peu favorable en cas d’activité déficitaire comparé au régime applicable à la location nue qui permet le report des déficits générés par l’activité sur le revenu global, pour un montant maximal de 10700 euros. En LMP, les déficits de l’activité peuvent également être imputés sur le revenu global, sous réserve qu’ils ne proviennent pas des amortissements, ce qui limite fortement cet avantage.

Le régime d’imposition des plus-values de cession

La cession d’un bien immobilier exploité en LMP est imposable dans la catégorie des plus-values immobilières professionnelles, régime nettement moins favorable que le régime applicable aux plus-values immobilières des particuliers en ce que l’avantage lié à l’amortissement de l’actif est donc intégralement repris à l’occasion de la cession du bien. Il est néanmoins possible de bénéficier d’une exonération d’impôt, totale ou partielle, de la plus-value lorsque l’activité est exercée depuis plus de 5 ans et que les recettes n’excèdent pas 126000 euros annuel. S’agissant de la location nue ou de la LMNP, la plus-value de cession du bien est imposable dans la catégorie des plus-values immobilières des particuliers. La plus-value imposable à l’IR (taux proportionnel de 19 %) et aux prélèvements sociaux (17,20 %) est diminuée d’un abattement pour durée de détention. Au cas particulier du LMNP, les amortissements pratiqués tout au long de la période de location ne sont pas pris en compte pour le calcul de la plus-value taxable. Ce régime mixte (déductibilité des charges maximisées pendant la période de location, régime des plus-values immobilières des particuliers à l’occasion de la cession du bien) est particulièrement avantageux.

> Conclusion : Le rendement net de la location meublée, en raison des règles particulièrement intéressantes de déductibilité des charges, sera généralement plus élevé qu’en cas de location nue, mais seulement dans l’hypothèse où le projet aura été suffisamment préparé et au prix d’une implication importante du propriétaire. Combiné aux règles d’imposition des plus-values de cession, on comprend aisément que le régime LMNP soit considéré par beaucoup comme l’Eldorado de l’investissement immobilier. Ces atouts ne doivent pas faire perdre de vue à l’investisseur les éléments qui doivent plus fondamentalement structurer son choix: son appétence pour la gestion de ses actifs immobiliers et l’état du marché immobilier propre à son lieu de vie ou de travail. Il n’est en effet pas recommandé d’investir dans des biens immobiliers trop éloignés de la résidence de l’investisseur, même lorsqu’ils présentent un excellent rendement. Enfin, le régime LMNP est une anomalie fiscale que certains souhaitent réformer au plus vite. Le risque d’alignement de ce régime sur celui de la location nue est de plus en plus grand. La mise en place d’une stratégie d’investissement fondée sur le seul régime fiscal LMNP n’est donc pas recommandée.