Stratégie d'investissement immobilier

Les années passent, la fiscalité évolue, mais une chose perdure : les Français aiment la pierre. Perçu comme une valeur refuge l’immobilier attire les investisseurs. Dans une logique de constitution d’un patrimoine, et ce quel que soit le but final recherché, plus de sept investisseurs sur dix ont tendance à plébisciter la pierre pour leur épargne. Tour d’horizon des différents éléments à appréhender avant de se lancer dans l’investissement immobilier.

Les dernières décennies sont marquées par une évolution des prix disparate, des conditions de financement exceptionnelles, des modifications structurelles de la demande… Alors les opportunités d’investir dans la pierre sont-elles toujours aussi simples, efficaces et sans risque ? Tout projet d’investissement devra être muri et les différentes formes de placement étudiées. L’investisseur avisé étudiera les modes de détention envisageables afin de trouver la solution qui correspond le mieux à ses objectifs patrimoniaux. Le traditionnel adage qui veut que l’immobilier ne se raisonne que par les trois critères que sont l’emplacement, l’emplacement et l’emplacement ne peut se suffire à lui-même.

L’environnement du marché immobilier

Le prix de l’immobilier maîtrisé

Le prix de l’immobilier est un des premiers critères auquel le futur investisseur va s’intéresser. Selon l’INSEE, en 2018, les prix de l’immobilier ancien se sont appréciés en France métropolitaine. En moyenne les prix ont augmenté de 3,2%. On constate une forte disparité entre Paris et la petite couronne, avec une hausse de 5,70%, et la province où les prix ont augmenté de 2,8% sur un an.

En étudiant l’évolution des prix sur une plus longue période, l’investisseur pourra juger de la valorisation actuelle de l’immobilier. En moyenne, et depuis le pic de 2008 le prix de l’immobilier en France a augmenté de seulement 3,6%. Première constatation, aucune bulle spéculative ne pèse sur l’immobilier. Au contraire, nous verrons que les prix se sont maintenus à l’aide de certains catalyseurs spécifiques. Ce postulat est totalement vrai pour les villes moyennes de province, pour Paris ou quelques grandes métropoles l’augmentation importante des prix doit être analysée spécifiquement. Selon MeilleursAgents les prix de l’immobilier bordelais ont augmenté de 25% en 5 ans. Cette flambé des prix est-elle justifiée… ? 

Des taux très bas

Cette relative stabilité des prix à l’échelle nationale peut paraître étonnante. En effet, nous vivons une période exceptionnelle pour l’investisseur. Le taux auquel se financent les particuliers est étroitement lié aux politiques monétaires des banques centrales. En baissant drastiquement le prix de l’argent depuis maintenant plus de 5 ans, les banques centrales ont permis aux investisseurs de financer leurs projets à moindre coût. Le frémissement sur le marché des taux du début 2018 n’aura été qu’un feu de paille, et les taux moyens de ce printemps 2019 sont historiquement faibles. Ils peuvent être même considérés comme anormaux, car inférieur à l’inflation ; cette situation est inédite depuis 1974. Comprenez que le temps, et l’inflation, rembourse votre dette. Cette situation a soutenu la demande immobilière et les prix depuis plusieurs années.

Ainsi, la dépendance des prix de l’immobilier aux taux d’intérêt est très forte ! Si les taux de crédit immobilier restent durablement faibles, les prix de l’immobilier devraient être protégés contre le risque d’une prochaine baisse. Nous devrions même, si cette situation est amenée à durer, assister à une hausse relativement marquée des prix de l’immobilier, le pouvoir d’achat des investisseurs ayant mécaniquement augmenté.

Focus Taux des crédits immobiliers premier trimestre 2019 :

Selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA les taux des crédits immobiliers se sont établis à 1.42% en moyenne sur le premier trimestre 2019, en France métropolitaine (toutes durées confondues).

Taux Fixe

15 ans

20 ans

25 ans

Dossier Excellent

0,86

1,04

1,29

Très bon dossier

1,05

1,24

1.50

Bon dossier

1,21

1,39

1,62

Dossier standard

1,43

1,60

1,80

Ensemble

1,15

1,32

1,55

Taux moyen des crédits immobilier du secteur concurrentiel en % en fonction de la durée et de la qualité du dossier.

Source • L’Observatoire Crédit Logement/CSA

Evolution de la demande

L’investisseur devra aussi raisonner son investissement en fonction de l’évolution de la demande. Investir dans l’immobilier locatif aujourd’hui, c’est investir sur un bien dont la demande sera constante  sur les quinze, vingt, vingt-cinq années à venir. Il est alors nécessaire d’essayer de se projeter sur l’évolution des attentes du locataire. Evidemment la nécessité de se loger et de loger sa famille perdurera. Mais la numérisation de l’économie aura-t-elle un impact sur nos habitudes, le télétravail va-t-il se développer rendant les villes moyennes de province plus attractives. La prise de conscience environnementale et la recherche de confort par les locataires vont-elles accélérer l’obsolescence du parc immobilier français, et contraindre les propriétaires bailleurs à de gros investissements ? D’autres pistes de réflexion pour anticiper l’évolution de la demande sont à étudier comme le vieillissement de la population, les changements de la vie familiale, ou même l’émergence de modèles économiques basés sur le partage (pour aller plus loin : Terra nova « Habiter dans 20 ans).

Les différentes formes d’investissements

Le potentiel investisseur qui aura pris le temps d’étudier le marché de l’immobilier et se sera forgé ses propres convictions pourra alors orienter son choix vers le support immobilier qui correspond le mieux à ses critères.

Investissement locatif nu ou meublé ?

La demande locative est constante ; 40 % des ménages de France (hors Mayotte) sont locataires, et cette proportion est stable depuis 1984. Selon une étude récente de l’INSEE, la très grande majorité des locataires occupent un logement vide (93,9%), alors que la location meublée ne représente que 5,4%. En effet, que ce soit pour le propriétaire bailleur ou le locataire, le schéma de l’immeuble (appartement ou maison) loué nu reste la norme. Mais en étudiant les chiffes de l’étude, il est intéressant de constater que 16,9% des locataires de moins de 30 ans sont logés dans une location meublée. A cela s’ajoute l’explosion de la location de courte durée entre particuliers, et par conséquent meublée, démocratisée par les plateformes touristiques. Afin d’être loué comme « meublé », le logement doit disposer « de tout l’équipement nécessaire à la vie courante pour le nombre d’occupants pour lequel il est prévu ». La loi ALUR no 2014-366 du 24 mars 2014 et son décret d’application n°2015-981 du 31 juillet 2015 dressent une liste du mobilier obligatoire.

Même si ce critère pourra être modifié dans le temps, le candidat à l’investissement locatif pourra orienter son choix vers un logement qui se prêtera davantage à la location nue ou à la location meublée. Aujourd’hui un studio destiné à un étudiant sera de préférence meublé, alors qu’une villa en zone péri-urbaine se louera nue. 

Entre location meublée et location nue la fiscalité sera différente. Le bailleur d’un local d’habitation nue déclarera des revenus fonciers. Les charges courantes, les travaux d’entretien ou d’amélioration ainsi que les intérêts d’emprunt seront déductibles de ces revenus. Par commodité, ou dans la mesure où cela est plus avantageux, il sera possible d’opter pour le régime du micro foncier et ainsi bénéficier d’un abattement de 30% sur les recettes encaissées (conditions de revenus). Le bailleur d’un local meublé va, lui, déclarer des Bénéfices Industriels et Commerciaux. Le régime micro-BIC permettra alors de bénéficier d’un abattement de 50%. Dans le cadre d’une déclaration sous le régime réel, il sera possible de constater, en plus des charges citées précédemment, une charge d’amortissement du bien immobilier. Ceci aura pour conséquence de réduire le résultat imposable.

Investir dans l’immobilier d’entreprise, pour le rendement et la diversification

De prime abord l’investissement direct dans l’immobilier d’entreprise ou immobilier professionnel ne va pas être un réflexe pour l’investisseur. Cependant ce marché mérite de s’y intéresser et peut permettre de répondre à certaines problématiques.

En 2018, l’immobilier d’entreprise a battu des records historiques en termes d’investissement ; les transactions ayant augmentées de 20 %. L’immobilier d’entreprise attire chaque année davantage d’investisseurs car son rendement est potentiellement plus attrayant que celui de l’immobilier d’habitation, et les potentiels de valorisation plus forts. Les investisseurs privés représentent désormais 8 % des investisseurs.

On va pouvoir distinguer trois supports d’investissements dans l’immobilier d’entreprise :

  • les bureaux, 
  • les locaux commerciaux,
  • les immeubles logistiques.

Chaque type de bien va correspondre à une demande spécifique et l’investisseur va devoir réaliser un choix en fonction de ses propres critères de sélection. La demande sur le marché locatif des bureaux reste très élevée tandis que le marché des commerces est en pleine mutation.

De manière générale, l’investissement dans l’immobilier professionnel répond à des enjeux différents de ceux de l’immobilier à usage d’habitation :

  • l’emplacement géographique y est encore plus stratégique : acquérir un local dans une rue commerçante, au sein d’un quartier central ou à proximité d’une grande enseigne favorisera l’intérêt des locataires potentiels,
  • l’impact des nouvelles normes visant à l’amélioration de la consommation énergétique (via la réfection des bâtiments existants) y prend plus d’ampleur que dans le locatif d’habitation,
  • la perspective de revalorisation des loyers est limitée par la santé de l’économie, donc des entreprises qui louent les locaux,
  • les baux, qu’ils soient commerciaux ou professionnels en fonction du locataire et de son activité, ne seront pas régis par les mêmes règles juridiques.

Pour rentrer dans ce marché de niche, il est alors préférable de se faire accompagner par un professionnel de l’immobilier dédié à cette branche de marché.

Selon l’indice MSCI France Annaul Property Index les rendements dans l’immobilier professionnel en France en 2018 sont de 7,1%, soit un taux bien supérieur à celui de l’immobilier locatif aux particuliers. Ce type d’investissement va aussi permettre de diversifier son patrimoine. En effet, il est fréquent de constater que le patrimoine des Français est majoritairement orienté vers la pierre. Pour des raisons propres ou suite à de mauvaises expériences avec les placements financiers, certains investisseurs ont eu tendance à orienter la majorité de leur patrimoine vers des biens locatifs destinés aux particuliers. Sans changer de sous-jacent, l’investissement dans l’immobilier d’entreprise va permettre de diversifier le patrimoine immobilier. Cette diversification doit permettre de ne pas être exposé à un seul et même risque sur l’ensemble de son patrimoine.

Utiliser les dispositifs fiscaux

Les dispositifs fiscaux dans l’immobilier ont pris leur essor dans les années 1980 avec le dispositif Quilès-Méhaignerie. Il avait pour objectif d’enrayer le déclin de la construction de logements et de proposer une offre nouvelle en dynamisant les investissements locatifs neufs.  Il permettait aux investisseurs d’obtenir une réduction de 5 % du montant de l’investissement étalée sur 2 ans. Depuis les lois permettant d’inciter les investisseurs à acheter dans le neuf ou l’ancien se sont succédées jusqu’aux récentes lois Pinel et Denormandie depuis 2019. Certaines étant plus contraignantes ou plus avantageuses que d’autres. De manière générale, un investissement immobilier sous dispositif fiscal conserve les caractéristiques d’un investissement immobilier. La réduction d’impôt qui reviendra à l’investisseur doit être un élément supplémentaire permettant de rendre l’opération intéressante, mais la « carotte » fiscale ne doit pas être une fin en soi. Intégrez ce critère dans votre choix d’investissement mais n’en faites pas la priorité ou le seul but recherché. Dans le cas contraire, vous risqueriez d’investir dans un bien ne remplissent pas les critères nécessaires à un investissement cohérent (prix, emplacement, adapté au marché locatif local…).

Loi Denormandie

Inspirée de la loi Pinel mais spécifiquement dédiée à l’investissement immobilier locatif dans l’ancien avec travaux. L’investisseur qui achète dans l’ancien dans une ville éligible, et qui alloue plus de 25% du montant de son enveloppe globale d’investissement à des travaux pourra bénéficier d’une réduction d’impôt maximum de 21% du prix d’investissement répartie sur 12 ans (2%/an pendant 9 ans puis 1%/an pendant 3 ans).

Les différents modes de détention

Le dernier critère important dans la constitution de sa stratégie d’investissement immobilier concerne le mode de détention. De manière courante, l’investissement est réalisé en direct par un particulier qui acquiert un bien immobilier pour le mettre en location. Ce mode de détention représente aux yeux de certains investisseurs la raison même de cet attachement à la pierre des Français. En effet, il s’agit d’un bien tangible, que l’on a pu voir, visiter, qui se situe parfois dans un quartier que l’on connaît personnellement. Pour l’investisseur, cet élément est important, cela rassure de savoir que son investissement ne repose pas uniquement sur des éléments immatériels comme une action d’entreprise par exemple.

Pour autant une stratégie de détention indirecte de l’immobilier peut être pertinente et permettre de diversifier son patrimoine.

La Pierre Papier 

La pierre papier, investissement immobilier sous forme collective, a été créée dans le but de faciliter le financement d’importants programmes immobiliers ; la mise en commun des fonds de nombreux investisseurs permettant le montage financier. Il est possible de distinguer plusieurs supports d’investissement, les deux principales étant les « Sociétés Civiles de Placement Immobilier » (SCPI), et les foncières cotées. Par rapport à un investissement en direct, il est possible de mettre en avant plusieurs avantages à ce type de détention via des sociétés :

  • mutualisation des risques locatifs dans le cadre d’une gestion par un professionnel. Dans la mesure où vous ne détenez pas un appartement mais une part de société dont l’activité est la mise en location d’un parc immobilier, une vacance locative d’un locataire ne sera que faiblement préjudiciable,
  • un ticket d’entrée adapté. Suivant les cas, il est possible d’investir dans l’immobilier indirect pour des sommes relativement modestes de l’ordre de quelques centaines ou milliers d’euros. Il est alors possible d’entrer sur le marché immobilier alors qu’un investissement en direct n’aurait pas été envisageable, ou encore moduler son investissement en fonction des sommes nécessaires dans le cadre d’un complément de retraite par exemple,
  • liquidité des parts. Contrairement à un investissement en direct, il est beaucoup plus simple de revendre les parts en cas de besoin, notamment dans le cadre des foncières cotées où la transaction peut être quasi-instantanée. Même si cela offre une grande souplesse et permet de limiter les risques, l’investissement en immobilier papier doit aussi se faire dans un horizon de placement de long terme,
  • diversification des investissements. La pierre papier va aussi permettre de faciliter l’accès à des marchés spécifiques, comme les biens à vocation professionnelle, vus précédemment, ou encore les hôtels ou établissements de santé.

Détention via une SCI

Détenir de l’immobilier indirect ne passe pas forcément par un investissement collectif avec des investisseurs tiers. Il est possible de détenir et gérer de l’immobilier via une société civile immobilière. La SCI est une société créée par deux personnes au moins, dans le but d'acquérir et/ou de gérer un patrimoine commun, essentiellement constitué de biens immobiliers.

La SCI peut se révéler un bon outil de gestion patrimonial. Il est en effet des situations dans lesquelles il n'y a pas d'autre solution que d'acquérir ou de détenir un bien immobilier à plusieurs. C'est généralement le cas entre personnes d'une même famille suite à une succession et cela permet d’éviter le cadre désavantageux de l’indivision. La SCI va aussi rendre plus aisée la transmission du patrimoine immobilier. Le montage en SCI ne représente pas un avantage fiscal sur la transmission à part entière. Elle autorise cependant une transmission en plusieurs tranches suivant le nombre de parts, et ainsi multiplier les abattements sur les droits de mutation dans le temps. Mais cela permettra aussi de dissocier le pouvoir de gestion des droits de propriété. Il est ainsi possible de donner une majorité des parts de la société à ses enfants, tout en prévoyant dans les statuts de conserver la gestion de l’immobilier.

La SCI peut être un outil permettant à des concubins d’acheter ensemble et de se protéger mutuellement via un mécanisme de démembrement croisé.  

Investissement démembré 

Pour rappel le démembrement de propriété consiste à dissocier le droit de jouir d’un bien (loyer ou usage) pour une durée définie dans le temps (quelques années à viager), et le droit de propriété que le nu-propriétaire récupèrera à extinction de l’usufruit.

Le principe d’un investissement démembré est le suivant. Deux personnes investissent distinctement la quote-part de la valeur de la pleine propriété de parts de SCPI, l’une acquérant l’usufruit temporaire et l’autre la nue-propriété. L’investisseur en usufruit va recevoir l’intégralité des loyers équivalant à la pleine propriété pendant toute la durée du démembrement. A son terme le nu-propriétaire récupère la pleine propriété des parts et les loyers. L’usufruitier perd le capital investi mais aura bénéficier des loyers.

Exemple :

Le rendement d’une SCPI est de 6% par an. La valeur de l’usufruit temporaire de 10 ans est de 37%, la valeur de la nue-propriété de 63%. Dans le cadre d’un investissement de 100 000€ de pleine propriété, l’usufruitier déboursera 37 000€ et percevra 6 000€ de loyers pendants 10 ans soit 60 000€. Le nu-propriétaire déboursera 63 000€, ne percevra rien pendant 10 ans, puis deviendra plein propriétaire et percevra les loyers à partir de la onzième année, d’un bien dont la valeur est de 100 000€.

Usufruitier et nu-propriétaire ne recherchent pas les mêmes objectifs. L’investissement en usufruit peut répondre à un besoin de maximiser le taux de rendement d’un placement. Le nu-propriétaire cherchera à se procurer des revenus futurs avec un capital initial limité.      

Ce qu’il faut retenir

Le spectre de l’investissement immobilier est large. Le candidat à l’investissement doit faire sa propre analyse et s’orienter vers un projet qui lui correspondra et validera ses propres critères de sélection. Dans les années et décennies à venir, il est envisageable que le marché immobilier évolue de manière importante. Changement des attentes des locataires, importance des critères environnementaux, rôle d’internet pour l’immobilier de commerce… Mais les conditions d’investissement sont exceptionnelles avec des taux de financement inférieurs à l’inflation et des prix cohérents. L’investisseur avisé saura construire un projet qui lui permette de pérenniser son investissement en fonction de ses convictions.

Pierre Brunet • CERFRANCE Gascogne-Occitanie

Source : 25 millions de propriétaires • N°juin 2019


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