La mise en oeuvre de la procédure d'expulsion

L'expulsion locative correspond à la situation où le bailleur décide d'engager une procédure judiciaire afin de récupérer la jouissance du logement dont il est propriétaire compte tenu des manquements du locataire à ses obligations découlant du bail dont principalement le défaut de paiement des loyers.

Engager une procédure judiciaire pour expulser son locataire peut s’avérer être un vrai parcours du combattant pour le bailleur et n’est possible qu’au terme d’un processus dont il est important de connaître les différentes phases.

Il est rappelé en effet que le bailleur ne peut prendre l'initiative de pénétrer dans le logement, faire changer la serrure et toucher aux meubles, sous peine de poursuites pour violation de domicile.

Des précautions à prendre dès la signature du bail

Plus que jamais avec les dernières réformes, le bailleur doit prendre ainsi toutes les précautions pour se prémunir contre des impayés de loyers et charges et ce dès la signature du bail.

La première des précautions à prendre est de s’assurer de la solvabilité du candidat locataire. Le bailleur doit vérifier les ressources de ce dernier. Le décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015 a fixé la liste des pièces justificatives pouvant être demandées au candidat à la location et à sa caution. Ces pièces fournies en copies doivent être vérifiées par rapport aux originaux.

Également, le bailleur a la possibilité de solliciter la caution d’une tierce personne pour sécuriser le paiement des loyers. La caution solidaire permet au propriétaire de faire appel directement à la caution dès le premier impayé. Depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, l’acte de caution s’avère dans sa rédaction plus simple. Désormais, pour les contrats conclus depuis le 25 novembre 2018, les informations qui étaient jusqu’alors requises de la main de la caution, doivent figurer dans l’acte de cautionnement, que le garant se contente de signer.

Le bailleur peut également, souscrire une assurance loyers impayés (GLI). Dans cette hypothèse, le bailleur ne peut exiger le cautionnement d'un tiers, sauf si le locataire est étudiant ou apprenti.

En cas d'éligibilité du locataire aux aides au logement, le bailleur peut demander le versement direct de ces aides.

Le locataire peut également solliciter des aides qui auront le mérite de rassurer le bailleur, tel que le dispositif VISALE, CLÉ ou la garantie LOCA-PASS.

Une phase amiable indispensable

Le bailleur doit intervenir au plus tôt, dès les premiers impayés de loyer, afin d’éviter que la dette locative ne s’aggrave. Le bailleur, attentif à la régularité des paiements, devra ainsi se rapprocher de son locataire pour comprendre l’origine de la situation d’impayé. Une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception est indispensable pour faire réagir le locataire. Si une caution personne physique a été prise, le bailleur devra en informer en parallèle la caution.

Également, le bailleur a la possibilité d’établir avec son locataire de bonne foi un plan d’apurement de la dette. Un tel accord devra être écrit, daté et signé par les parties et surtout reprendre les modalités d’apurement de la dette. Cette initiative que l’on peut qualifier de « conciliation » est très appréciée des juges et permet de justifier de la mauvaise foi du débiteur, si ce dernier ne respecte pas ses engagements.

Si le locataire est bénéficiaire d'une aide au logement, le propriétaire a l’obligation de prévenir la Caf (ou MSA) dans les meilleurs délais, afin qu'elle enclenche une procédure pour impayé. Pour la Caf (ou MSA), il y a impayé dès que la dette du locataire est égale à 2 fois le loyer net (loyer moins l'aide au logement) hors charges. Une fois que le bailleur a signalé l'impayé, la Caf (ou MSA) demande soit au bailleur qu'il mette en place un plan d'apurement de la dette, soit au fonds de solidarité pour le logement (FSL) qu'il mette en place un dispositif d'apurement de la dette. Le bailleur risque une amende de 6 754 € s'il omet de signaler l'impayé de loyer à la Caf (ou MSA).

Le commandement : premier acte de la procédure

Souvent, les démarches amiables, la mise en place d’un plan d’apurement ou l’intervention de la CAF ou de la MSA ne suffisent pas et le bailleur se voit contraint de se rapprocher d’un huissier de justice, afin de délivrer un commandement, premier acte de la procédure d’expulsion.

La clause résolutoire

La situation sera différente si le bail contient une clause résolutoire et l’huissier ou l’avocat devra utilement conseiller son client à ce stade. Lorsqu’une clause résolutoire est insérée dans le bail, ce qui est le plus souvent le cas, et que le locataire ne respecte pas certaines de ses obligations découlant du bail, son contrat est en principe résilié de plein droit.

Selon l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 : « Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux (...) ».

L’huissier doit détenir du bailleur un décompte des sommes dues exempt d’erreurs, afin que le locataire puisse vérifier le bien-fondé des sommes qui lui sont réclamées. Une ventilation entre le loyer et charges est nécessaire.

Les délais

Le commandement obéit à un certain formalisme, à peine de nullité. Il doit être délivré d’une part à l’occupant, et d’autre part, il doit être dénoncé à la caution dans un délai de quinze jours. A défaut, la caution ne peut être tenue au paiement des pénalités ou des intérêts de retard.

La délivrance de ce commandement ouvre un délai de deux mois au locataire pour régulariser sa dette, et un délai d’un mois pour produire son attestation d’assurance locative s’il n’a pas justifié de son assurance multirisque habitation (article 7g de la loi précitée).

Dans ce délai, plusieurs situations sont envisageables :

  • soit le locataire règle sa dette et/ou produit son attestation d’assurance et le bailleur n’a plus vocation, au visa de la clause résolutoire, à saisir le juge ;
  • soit le locataire conteste les sommes qui lui sont réclamées et peut saisir le juge (ce qui demeure rare) pour demander la nullité du commandement, contester les sommes dues, et/ou pour solliciter des délais. Notamment, le locataire peut soulever la mauvaise foi du bailleur dans le cadre des obligations qui sont les siennes en opposant par exemple l’exception d’inexécution dès lors que le bailleur n’a pas délivré un logement décent ;
  • soit le commandement est demeuré infructueux et la seule possibilité qui s’offre pour le bailleur est de poursuivre la procédure.

Si le bailleur dispose d’une assurance loyers impayés, il devra en préalable de la délivrance dudit commandement, procéder à une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d’assurance.

La saisie conservatoire

Le bailleur peut également concomitamment à la délivrance d’un commandement de payer solliciter l’huissier de justice afin de procéder à une saisie conservatoire. L'huissier fait l'inventaire et l'estimation des comptes bancaires et des biens du locataire. Il immobilise alors les biens et les sommes correspondant à ce qui est réclamé par le bailleur. Dans une telle hypothèse, le bailleur doit saisir le tribunal afin d'obtenir une décision qui ordonne le paiement des sommes demandées. Une fois la décision obtenue, le bailleur peut alors se faire payer sur les biens saisis ou les sommes immobilisées.

La demande en justice

L’assignation

Si le locataire est toujours dans les lieux et persiste à ne pas régulariser sa dette, le bailleur doit engager la procédure. Le tribunal compétent est le tribunal du lieu de situation de l’immeuble.

Depuis le 1er janvier 2020, dans le cadre de la réforme judiciaire, le tribunal d’instance, initialement compétent n’existe plus, ni d’ailleurs le tribunal de grande instance. Ces deux juridictions ont été fusionnées sous une même terminologie : tribunal judiciaire. Au sein du tribunal judiciaire, le contentieux locatif au sens large a été confié au juge des contentieux de la protection.

La demande en justice est formalisée par une assignation, c’est-à-dire un acte d’huissier, aux termes duquel, dans le cadre de la mise en œuvre de la clause résolutoire, le bailleur demandera au juge de déclarer acquise la clause résolutoire, de constater la résiliation du bail, d’ordonner l’expulsion, de condamner l’occupant aux sommes dues et à une indemnité d’occupation jusqu’à son départ effectif.

Notification de l’assignation au préfet

Selon l’article 24 précité : « A peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l'huissier de justice au représentant de l'Etat dans le département au moins deux mois avant l'audience, afin qu'il saisisse l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (…). L'organisme saisi réalise un diagnostic social et financier, selon des modalités et avec un contenu précisés par décret, au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmet au juge avant l'audience, ainsi qu'à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes au diagnostic. »

L’organisme saisi doit en principe réaliser un diagnostic social et financier au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations et les transmet au juge avant l’audience, ainsi qu’à la CCAPEX[1]. Ce délai doit permettre, d’une part, au juge de prendre sa décision à la lumière des informations qui lui sont adressées avant l’audience, via la transmission d’une enquête sociale et, d’autre part, aux services sociaux de mettre en place un plan d’aide et de mobiliser les prestations existantes susceptibles d’aider le locataire défaillant.

Les pouvoirs du juge

Des délais accordés au locataire

Afin de prévenir les mesures d’expulsion, depuis ces dernières années, le législateur est venu renforcer les pouvoirs du juge. Désormais, le juge peut même d’office accorder des délais de paiement, non plus de 24 mois mais de 36 mois au locataire en situation de régler sa dette locative. Par ailleurs, les pouvoirs des juges sont plus étendus dès lors qu’ils peuvent vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l’obligation de décence.

Clause résolutoire pour défaut d’assurance

Il convient de préciser qu’en principe, si la demande faite par le bailleur se fonde sur le défaut de transmission de l’attestation d’assurance locative, la clause résolutoire est effective et le juge n’a que le pouvoir de prononcer l’expulsion. L’attestation d’assurance, même avec effet rétroactif, produite postérieurement à l’expiration du délai laissé par le commandement (un mois), ne peut tenir en échec la clause résolutoire et le juge ne peut pas accorder de délai supplémentaire pour permettre au locataire d’exécuter son obligation.

Afin de pallier le défaut de souscription de l’attestation d’assurance locative très fréquemment lié à un défaut de paiement des loyers, l’article 7 g) de la loi du 6 juillet 1989 précise désormais que le bailleur peut souscrire une telle assurance locative pour le compte du locataire, une telle initiative le privant toutefois de la possibilité d’invoquer la clause résolutoire.

La décision du juge

Trois situations peuvent donc se présenter à l’issue de l’audience :

  • soit le juge suspend les effets de la clause résolutoire et suspend de facto la procédure d’expulsion en accordant des délais de paiement au locataire, en principe en situation de régler sa dette. Le locataire devra régler aux termes convenus son loyer courant et respecter l’échéancier judiciaire sous peine de reprise de la procédure d’expulsion sans nouvelle décision. Si le locataire se libère dans les délais requis et selon les modalités fixées par le juge, la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué ;
  • soit le juge constate purement et simplement la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire et ordonne l’expulsion ;
  • soit le juge constate la résiliation du bail, ordonne l’expulsion et accorde des délais pour quitter les lieux au locataire défaillant.

Dans tous les cas, tant le bailleur que le locataire peuvent interjeter appel de la décision rendue (15 jours pour les ordonnances de référé, un mois pour les jugements).

L’interférence de la procédure de surendettement sur la procédure

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a modifié l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 afin de mieux articuler les décisions judiciaires relatives aux impayés de loyers et à l’expulsion avec les procédures de surendettement.

Lorsqu’une procédure de surendettement a été ouverte au bénéfice du locataire et qu'au jour de l'audience le locataire a repris le paiement du loyer et des charges, le juge qui constate l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit du contrat de location statue suivant les mesures prises par la commission de surendettement des particuliers (article L 714-1 du Code de la Consommation).

Dans une prochaine édition, nous reviendrons sur ce sujet.

L’exécution du jugement

La signification de la décision par l’huissier de justice

En fonction de la décision rendue, le bailleur devra à nouveau se rapprocher de l’étude d’huissier initialement mandatée lors de la délivrance du commandement de payer, lequel procédera selon les cas :

  • soit à la signification simple de la décision en cas de suspension de la clause résolutoire : si l’occupant ne respecte pas les délais de paiement accordés par le juge, l’huissier de justice dénoncera l’échéancier judiciaire et reprendra les mesures d’expulsion à son encontre ;
  • soit à la signification de la décision doublée éventuellement de la signification d’un commandement de quitter les lieux. A compter de la délivrance du commandement de quitter les lieux, le locataire expulsé dispose d'un délai de 2 mois pour libérer le logement. A défaut de départ du logement dans le délai de 2 mois, l'huissier peut demander le concours de la force publique pour procéder à l'expulsion du locataire.

La tentative d’expulsion

Le jour de l’intervention de l’huissier au domicile litigieux :

  • si l’occupant n'émet aucune protestation pour quitter les lieux, l'huissier dressera un procès-verbal dans lequel il procédera à l'inventaire des meubles et indiquera les lieux où ils sont déposés et récupérera les clés du logement ;
  • si l’occupant refuse d'ouvrir la porte : l'huissier dresse un procès-verbal de tentative d'expulsion qui relate son échec et fait appel à une autorité de police ;
  • si l’occupant est absent : l'huissier ne peut pénétrer dans le logement que s'il est accompagné d'une autorité de police et d'un serrurier. L'huissier dressera ensuite un procès-verbal d'expulsion, fera enlever les meubles et changera les serrures.

Lorsque son expulsion est prononcée, et à réception du commandement d’avoir à libérer les lieux, le locataire peut encore saisir le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire afin d’obtenir un délai supplémentaire pour quitter les lieux lorsque son relogement s’avère difficile. En ce sens, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

Le refus de la force publique

L'État est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'État de prêter son concours ouvre droit à réparation. Le bailleur qui s’est vu refuser le concours à l’exécution d’une mesure d’expulsion, peut être indemnisé, en principe à hauteur de l’indemnité d’occupation et des charges non réglées à compter de la date à laquelle le concours aurait dû être apporté, soit deux mois après la réquisition.

La demande s’effectue dans un premier temps par recours gracieux, dès le refus exprès de l'administration ou à l'expiration du délai de deux mois après le dépôt de la réquisition. La requête en indemnisation est adressée au Préfet, par lettre recommandée ou par acte d'huissier de justice (sommation simple). La responsabilité de l’État se poursuit, non pas jusqu’à la restitution des lieux au propriétaire, mais jusqu’à la date à laquelle le Préfet accorde le concours de la force publique.

Ce qui suit doit être traité dans un fond bleu pour se distinguer du reste du dossier

Focus : Droit à indemnisation en cas de refus de concours de la force publique

Par Frédéric Zumbiehl

« Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation » énonce l’article L.153-1 du Code des procédures civiles d'exécution. La responsabilité pour faute de l’Etat est engagée si le préfet refuse sans motif valable de prêter son concours à une opération d’expulsion. Mais, même en présence d’un motif légitime (par exemple un risque de trouble à l’ordre public), le refus d’exécuter un jugement d’expulsion engage la responsabilité sans faute de l’Etat (on parle de responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques).

Un propriétaire lésé par le refus du préfet d’intervenir cherchera davantage à obtenir une indemnisation qu’à contester la décision de pas intervenir. Avant de saisir le juge administratif, il devra obligatoirement adresser une demande gracieuse d’indemnisation au préfet. En effet, tout recours indemnitaire en justice suppose une décision préalable de l’administration (voir l’article R.421-1 du Code de justice administrative). La demande peut être formée dès le refus exprès de concours de la force publique ou deux mois après la réquisition d’intervenir adressée par l’huissier du propriétaire bailleur. Elle peut être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Il faut évidemment bien conserver l’accusé de réception, car la date de dépôt de la requête marquera le point de départ des intérêts moratoires en cas de recours ultérieur en justice. Le propriétaire peut adresser la demande lui-même ou par l’intermédiaire d’un avocat voire de son huissier (mais ce dernier doit alors justifier d’un mandat spécial). En cas de refus d’indemniser exprès ou de silence gardé pendant deux mois, il est alors possible de saisir le juge administratif.


En pratique, le propriétaire bailleur a de bonnes chances de se voir proposer une indemnisation amiable sous la forme d’une transaction. Une réponse ministérielle de 2008 évoque cette pratique ; conformément à des instructions ministérielles, les préfectures proposent de transiger sur une indemnité de l’ordre de 70 % à 80 % du préjudice subi par le propriétaire. « Ce dernier évite un contentieux, et l'économie réalisée en frais de procédure ainsi que la rapidité du paiement de l'indemnité transactionnelle constituent pour l'intéressé un gain non négligeable en termes de trésorerie. À défaut d'accord amiable avec les services de la préfecture, les bailleurs peuvent naturellement faire valoir leurs droits devant les juridictions administratives » (rép. min. n° 7753 : JOAN 8 janv. 2008, p. 199). 

Des préfectures comme celle de Paris[2] mettent même à disposition, sur leur portail internet, des formulaires de demande d’indemnisation pour refus du concours de la force publique. Il est donc conseillé aux propriétaires de toute la France de consulter le site de leur préfecture ou d’interroger celle-ci sur l’existence de telles formulaires. Le cas échéant, de tels formulaires exigent immanquablement la production de nombreux justificatifs. La préfecture de Paris conseille de s’y prendre en amont pour obtenir entre autres un certificat de non-appel du jugement d’expulsion (à joindre à la demande d’indemnisation).  

L’indemnisation est calculée principalement à partir des loyers et remboursement de charges locatives dont le propriétaire a été privé. Mais ce dernier peut aussi demander une indemnisation par exemple pour les frais de procédure engagés, l'impossibilité de vendre son bien ou sa perte de valeur, ou encore la perte d’un avantage fiscal. Il est enfin possible d’être indemnisé pour les éventuelles dégradations commises après le refus du préfet d’accorder le concours de la force publique (CE, 21 oct. 2009, n° 311002)[3].

La période de responsabilité de l’Etat ne démarre qu’à l’issue du délai de deux mois dont dispose le préfet pour répondre à une demande de concours de la force publique (aucune indemnisation rétroactive n’est possible). Elle s’achève en principe avec la libération des lieux. Le Conseil d’Etat a précisé que lorsque le délai de deux mois s’achève au cours de la trêve hivernale, l’Etat ne peut être tenu responsable qu’à compter de la fin de la trêve hivernale en cours (CE, 5 mai 2006, n° 277632). Or, en raison de l’épidémie de covid-19, la trêve hivernale 2019/2020 a été prolongée jusqu’au 10 juillet 2020 inclus (loi du 11 mai 2020)[4]. Cependant, le ministre du Logement a laissé entendre dans la presse que les propriétaires ne subiraient pas le report de la trêve et seraient au contraire indemnisés pour la période postérieure au 31 mars 2020, date de fin normale de la trêve hivernale. Juridiquement, on ne voit pas comment il pourrait en être autrement. En effet, le prolongement de la trêve hivernale constituant une mesure exceptionnelle, prise dans l’intérêt général mais pesant lourdement et spécifiquement sur une catégorie de citoyens (les propriétaires bailleurs), il s’agit d’un cas typique de rupture d’égalité devant les charges publiques engageant la responsabilité de l’Etat.


[1]   Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives.

[3] Un rapport d’audit de 2006 indique cependant que les préjudices autres que la perte de loyers (et charges) ne « sont que très rarement acceptés au stade de la négociation à l’amiable » (https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000772.pdf)

[4] L’ordonnance du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale avait déjà reporté la fin de la trêve hivernale du 31 mars 2020 au 31 mai 2020.

Me Valérie Redon-Rey • Avocat et consultant UNPI 31-09

Source : 25 millions de propriétaires • N°juin 2020


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