Dans ce domaine, le texte de référence est l’article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 1.
Le bailleur qui entend proposer un nouveau loyer ne peut le faire que pour le terme du bail en cours, à savoir pour la fin des trois années si le bailleur est une personne physique ou une société civile immobilière « familiale » et des six années si le bailleur est une personne morale (autre qu’une SCI familiale).
En outre, la proposition doit être faite au moins six mois avant le terme.
La proposition d’un nouveau loyer doit être notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou signifiée par huissier, et ce, à peine de nullité. Mais depuis la loi ALUR, la notification peut également être remise « en main propre contre décharge », c’est-à-dire contre récépissé ou émargement, et le bailleur prendra bien soin de conserver un double du document comportant la recon- naissance par le locataire de la bonne réception (date et signature).
Il convient cependant d’être attentif aux pièges liés à une notification par lettre recommandée avec avis de réception. Ainsi, si l’accusé de réception est signé par une personne autre que le locataire, ce dernier pourra invoquer la nullité de la notification et la preuve contraire incombera au bailleur.
De même, une lettre recommandée revenue avec la mention « non réclamée », « défaut d’adressage » ou encore « inconnu à l’adresse », rendrait sans effet la notification.
La notification doit reproduire intégralement, à peine de nullité, les dispositions de l’article 17-2 et mentionner le montant du loyer, ainsi que la liste des références ayant servi à le déterminer.
Par conséquent, si la remise en « main propre contre récépissé » s’avère impossible (par exemple en cas d’éloignement géographique du bailleur), il est conseillé de procéder par acte extra-judiciaire en s’adressant à un huissier de justice.
Qu’entend-on par « loyer manifestement sous-évalué » et comment définir le nouveau loyer proposé ?
Comme le précise l’article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 : « Lors du renouvellement du contrat, le loyer ne donne lieu à réévaluation que s’il est manifestement sous-évalué. Dans ce cas, le bailleur peut proposer au locataire (...) un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables (...) ».
Pour notifier une offre de renouvellement avec proposition d’un nouveau loyer, au motif que celui initialement fixé serait « manifestement sous-évalué », encore faut-il que le bailleur puisse établir cette « sous-évaluation ».
La sous-évaluation manifeste, justifiant la proposition d’un nouveau loyer, se détermine selon un procédé de comparaison, et ce, en l’absence de définition légale :
Le bailleur peut tout à fait produire des références de loyers en dehors de l’immeuble où est situé le logement loué, dans un autre arrondissement le cas échéant, tout en restant « dans le quartier », ce qui laisse une marge d’appréciation assez subjective quant aux limites géographiques d’un « quartier ».
Les références doivent comporter différents éléments énumérés à l’article 1er du décret n° 90-780 du 31 août 19901, comme le nom de la rue, l’époque de construction de l’immeuble, la surface habitable du logement, etc.
Elles doivent porter sur des baux conclus récemment, mais également sur des baux conclus depuis plus de trois ans.
Combien de références et comment les collecter ?
Le bailleur doit fournir au moins trois références sauf pour les communes « dont la liste est fixée par décret » et faisant partie d’une agglomération de plus d’un million d’habitants, où six références sont exigées. Si le logement dépend de l’agglomération parisienne, lyonnaise ou marseillaise, il convient donc de fournir au moins six références.
Le bailleur veillera néanmoins à fournir plus de références que prévu par le texte. En effet, s’il ne produit que trois références et que l’une d’elle est écartée car non pertinente, la proposition de renouvellement sera déclarée nulle.
Les observatoires des loyers devraient être un outil essentiel pour recueillir les références. Cependant, dans l’attente de leur généralisation, le bailleur peut solliciter le concours d’une ou plusieurs agences immobilières, lesquelles sont nécessairement au fait du marché locatif.
Trois hypothèses doivent être envisagées : le locataire accepte formellement, le locataire refuse ou ne répond pas.
→ L’acceptation du locataire
À priori, cela ne pose pas de difficulté si ce n’est la forme que doit revêtir l’acceptation du locataire.
En effet, l’article 17-2 ne donne aucune précision. Pourtant, l’accord du locataire doit être certain et non équivoque, dès lors que le seul fait pour un locataire de régler le nouveau loyer ne le prive pas de la possibilité de contester en justice la réévaluation, notamment s’il estime que le bailleur n’a pas respecté la procédure et ce, dans la limite de la prescription de trois ans.
Une simple lettre du locataire peut suffire, à la condition toutefois qu’elle ne porte que sur l’acceptation du nouveau loyer proposé (un « accord sous condition » n’aurait aucun caractère « certain et non équivoque » et serait assimilé à un désaccord).
Pour assurer la sécurité juridique, il est donc fortement conseillé de rédiger un avenant au bail, qui ne portera que sur la clause « loyer ».
→ Le désaccord ou le défaut de réponse du locataire :
Selon l’article 17-2, en cas de désaccord ou à défaut de réponse du locataire quatre mois avant le terme du contrat, l’une ou l’autre des parties saisit la commission départementale de conciliation.
Cette dernière est saisie par lettre recommandée avec avis de réception adressée à son secrétariat. Elle peut l’être également par voie électronique par un procédé assurant l’authentification de l’émetteur, l’intégrité du message et la bonne réception à date certaine. Il existe également un formulaire de saisine.
Il en résulte que deux mois après la notification de l’offre de renouvellement, si le locataire a fait part de son désaccord, ou s’il n’a pas répondu, le bailleur doit saisir la Commission de conciliation, laquelle doit rendre un avis dans les deux mois de sa saisine.
La commission s’efforce de concilier les parties. Dans notre cas, elle peut donc constater l’accord des parties sur le montant du loyer du bail renouvelé, ou sur un autre montant de loyer, et cet accord met un terme au litige.
Mais lorsque la commission rend un avis constatant le désaccord des parties, le bailleur (ou le locataire) doit saisir le juge dans le délai de deux mois restant, et en tout état de cause, avant le terme du contrat (donc avant la fin des six mois).
En cas d’absence de saisine du juge, c’est le bailleur qui sera sanctionné puisque dans ce cas, le contrat est alors reconduit de plein droit aux conditions antérieures du loyer.
De même, il est important de préciser ce que l’on entend par « saisine du juge ».
Le juge est saisi par une assignation qui doit non seulement être délivrée avant le terme du contrat, mais surtout, inscrite au rôle du tribunal, c’est-à-dire remise au greffe avant ce même terme.
Le bailleur doit donc être très réactif par rapport aux délais et veiller à anticiper le temps nécessaire à la délivrance de l’assignation. Le rôle de l’huissier de justice est déterminant.
Le juge doit tout d’abord vérifier que la commission de conciliation a bien été saisie préalablement, qu’elle ait rendu un avis ou non, et avant le terme du bail.
En effet, il arrive que la commission ne rende pas son avis dans les deux mois impartis ; cela n’a pas d’incidence sur la saisine du juge, dès lors que le bailleur peut justifier qu’il a bien saisi la commission dans le délai et que le délai de deux mois imparti à la commission est écoulé.
Sur le fond de la demande, il appartient au juge de fixer judiciairement le montant du loyer du bail renouvelé. Il peut faire droit à la demande de réévaluation formée par le bailleur ou refuser l’augmentation.
Il peut notamment refuser s’il estime que contrairement à la position du bailleur, le loyer fixé initialement n’est pas manifestement sous-évalué, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’augmenter au-delà de la révision légale.
Le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation, à partir de plusieurs éléments.
Tout d’abord, il dispose des références fournies par le bailleur au locataire à l’occasion de la notification du renouvellement, mais également des éléments de comparaison complémentaires ou d’un rapport d’expertise, communiqués en cours de procédure.
Le juge peut également se reporter à l’avis de la commission de conciliation, puisque dans sa mission de conciliation, celle-ci doit relater les observations des parties.
Dans le cadre de son pouvoir souverain, le juge peut tout à fait retenir la plus basse des références fournies par le bailleur, si le logement est en mauvais état.
Il peut également tenir compte des travaux effectués par le locataire.
Enfin, quelle que soit sa décision, celle-ci est exécutoire par provision, de sorte que le nouveau loyer doit être réglé par le locataire à compter de la date du renouvellement du bail, quand bien même le locataire contesterait le jugement devant la Cour d’appel.
La réponse se trouve dans l’article 17-2, mais il convient de le décrypter.
Qu’elle soit convenue amiablement entre les parties ou fixée par une décision du juge, cette hausse doit être étalée.
Ainsi, la hausse s’applique par tiers ou par sixième selon la durée du contrat renouvelé (trois ans ou six ans). Par exception, si la hausse est supérieure à 10 % et si le premier renouvellement a une durée inférieure à six ans, cette hausse s’applique par sixième annuel au contrat renouvelé, puis lors du renouvellement ultérieur.
Le texte ajoute que « la révision éventuelle résultant de l’article 17-1 s’applique à chaque valeur ainsi définie. ».
L’article 17-1 est relatif à la révision du loyer qui intervient chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat et sur la base de l’IRL (indice de référence des loyers).
Autrement dit, dans l’hypothèse d’un bail renouvelé pour trois ans, on ajoute au loyer applicable avant la réévaluation, un tiers de l’augmentation, ce qui donne un montant auquel on applique la révision sur la base de l’IRL.
Lorsque le logement se situe en zone tendue 2, la hausse du loyer à l’occasion du renouvellement se trouve réglementairement « plafonnée ».
L’article 5 du décret n° 2017- 1198 du 27 juillet 2017 modifié précise que la hausse de loyer convenue entre les parties ou fixée judiciairement ne peut excéder la plus élevée des deux limites suivantes :
« 1°) La moitié de la différence entre le montant d’un loyer déterminé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables et le loyer appliqué avant le renouvellement du contrat de location, révisé dans les limites prévues au I de l’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989 ;
2°) Une majoration du loyer annuel égale à 15 % du coût réel des travaux toutes taxes comprises, si le bailleur a réalisé, depuis la conclusion du contrat de location initial ou, lorsque le bail a été renouvelé, depuis son dernier renouvellement, des travaux d’amélioration ou de mise en conformité avec les caractéristiques de décence portant sur les parties privatives ou sur les parties communes pour un montant au moins égal à la dernière année de loyer. »
L’article 7 du même décret précise que pour l’application du 2°) de l’article 5 :
« 1°) Est exclu du montant des travaux d’amélioration ou de mise en conformité le coût des travaux ayant donné ou donnant lieu à une contribution pour le partage des économies de charge en application de l’article 23-1 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée ou à unemajoration du loyer en appli- cation du II de l’article 17-1 de la même loi ;
2°) Le coût des travaux d’amélioration ou de mise en conformité portant sur les parties communes est déterminé en fonction des millièmes correspondant au logement ;
3°) L’augmentation de loyer n’est possible que lorsque, à l’issue des travaux, la consommation en énergie primaire du logement est inférieure à 331 kWh par mètre carré et par an, telle que calculée par une évaluation énergétique réalisée par une personnesatisfaisant aux conditions prévues à l’article L. 271-6 du code de la construction et de l’habitation et établie selon les méthodes de calcul conventionnel mentionnées à l’article R. 134-5 du même code. Cette condition est présumée remplie pour un logement pour lequel la consommation en énergie primaire avant les travaux, constatée par un diagnostic de performance énergétique défini à l’article L. 134-1 du même code, était inférieure à 331 kWh par mètre carré et par an. »
À noter : depuis le 1er janvier 2021, la condition sur la performance énergétique du logement (consommation en énergie primaire du logement inférieure à 331 kWh par mètre carré et par an) ne concerne plus seulement l’hypothèse où des travaux sont effectués (article 5, 2°), mais toutes les hypothèses (donc y compris en cas d’augmentation d’un loyer “manifestement sous-évalué”)3. Depuis cette date, il n’est donc plus possible d’augmenter le loyer au-delà de l’IRL4 lors du renouvellement de bail, si le logement est classé F ou G.
À ce plafonnement « réglementaire » de la hausse du loyer du bail renouvelé, s’ajoute un dispositif « optionnel » issu de l’article 140 de la loi ELAN du 23 novembre 2018, basé sur la volonté de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale. Mi-décembre 2020, seules les villes de Paris et de Lille étaient concernées par cette réglementation.
L’application de ce régime d’encadrement pour le territoire concerné nécessite la publication d’un arrêté préfectoral, aux termes duquel le Préfet devra fixer pour le département, chaque année, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimé par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique.
À noter que si le logement est concerné par ce régime d’encadrement, le locataire pourra, lors du renouvellement du contrat, engager une action en diminution du loyer si le montant du loyer fixé initialement est supérieur au loyer de référence majoré tel que déterminé par l’arrêté préfectoral.
De même, le bailleur pourra demander une augmentation de loyer dès lors qu’il est inférieur au loyer de référence minoré.
La procédure est la même pour le bailleur et pour le locataire, et selon le schéma applicable pour les logements situés dans les zones non réglementées (article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989), sachant toutefois que le bailleur n’a pas ici à fournir de références.
Cependant, le bailleur doit notifier la proposition de nouveau loyer au moins six mois avant le terme du contrat et le locataire dispose d’un délai de cinq mois avant le terme du contrat.
Le but du législateur, en imposant six mois au bailleur et cinq mois au locataire, est d’éviter que le bailleur ne réponde à une demande de diminution du loyer formée par le locataire, par la délivrance d’un congé...
Si le locataire n’accepte pas l’offre 4 mois avant l’échéance du bail, le bailleur doit saisir la commission de conciliation puis, à défaut d’accord, le juge.
Le dispositif prévu par l’article 140 de la loi ELAN est expérimental, pour une durée de 5 ans à compter de la publication de la loi.
1 - Ce texte peut être consulté sur www. legifrance.gouv.fr
2 - Il s’agit des communes des 28 agglomérations où la taxe sur les logements vacants est applicable (cf. l’annexe du décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 consultable sur www.legifrance.gouv.fr).
3 - décret n° 2020-1818 du 30 décembre 2020
4 - Indice de référence des loyers
Me Frédérique Polle • Avocat au barreau d'Agen
Source : 25 millions de propriétaires • N°548 février 2021
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Ainsi, l’on distingue :
En effet, un bail portant à la fois sur des locaux d’habitation et sur des locaux commerciaux est commercial pour la totalité des locaux et relève des dispositions des articles L145-1 et suivants du Code de commerce, contenant le statut des baux commerciaux.
Le bail à usage mixte professionnel et d’habitation sert à la fois à l’habitation du locataire et à l’exercice de sa profession et relève de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 régissant les baux d’habitation.
Il s’agit de permettre au locataire de travailler chez lui, sans autorisation préalable autre que celle du bailleur, mais dans un cadre prédéfini et sous certaines conditions.
Le titre premier de la loi du 6 juillet 1989, intitulé « des rapports entre bailleurs et locataires » contient en effet un article 2, qui dispose que « le présent titre s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur (...). »
Le contrat doit donc répondre aux dispositions d’ordre public de la loi, et notamment :
Le bailleur qui souhaite louer son bien à un professionnel dans le cadre d’un bail mixte à usage professionnel et d’habitation, doit se poser un certain nombre de questions avant de signer le contrat.
Le propriétaire bailleur doit tout d’abord vérifier que le bien peut être affecté à ce type d’usage mixte, professionnel et d’habitation, s’il s’agit d’une première location de ce type.
En effet, dans le but de parer à la pénurie de logements, le changement d’usage d’un logement destiné à l’habitation était par principe interdit. Des assouplissements ont progressivement été introduits, face notamment à une demande des professions libérales.
Le régime juridique du changement d’affectation des locaux est contenu dans les articles L631-7 à L631-9 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).
Dans certains cas, le changement d’usage sera soumis à autorisation.
Il faut distinguer selon qu’il s’agit d’un changement d’usage total du local à usage d’habitation ou d’un changement d’usage partiel.
Dans le cas d’un bail mixte professionnel et d’habitation, il s’agit d’un changement d’usage partiel (d’habitation à habitation et professionnel).
Selon l’article L631-7 du CCH, dans les communes de plus de 200000 habitants et celles des départements des Hauts- de-Seine, de la Seine-Saint- Denis et du Val-de-Marne, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable.
La sanction est la nullité de plein droit de tous accords ou conventions conclus en violation de cet article.
La procédure d’autorisation préalable peut être rendue applicable dans les autres communes par décision de l’autorité administrative sur proposition du maire ou, pour les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants dont la liste est fixée par décret, par une délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal.
Pour l’application de ces dispositions, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Il existe des dérogations à la règle d’autorisation préalable de changement d’usage, prévues par les articles L631- 7-3 et L631-7-4 du CCH, lesquels permettent l’exercice d’une activité professionnelle (y compris commerciale) dans une partie d’un local à usage d’habitation, sans autorisation préalable, mais sous certaines conditions :
La réception de clients et le stockage de marchandises sont cependant possibles lorsque le logement est situé en rez-de-chaussée et que l’activité exercée ne créée aucune nuisance, ni danger pour le voisinage, ni désordre pour le bâti. Dans ce cas, l’autorisation préalable ne sera pas exigée.
Il s’agit de l’exercice par le preneur, d’une activité professionnelle, principalement libérale, donnant lieu à perception de revenus professionnels non commer- ciaux, entrant dans la catégorie fiscale des bénéfices non commerciaux (BNC).
Ainsi, sont concernées les professions libérales réglementées (avocats, experts- comptables, notaires, médecins ...) ou non réglementées (conseil en gestion de patrimoine...).
L’économie de ce contrat commande qu’une partie du bien loué soit réservée à l’habitation du locataire et une autre partie à son activité professionnelle. Le locataire doit donc y avoir sa résidence principale.
Il est important que le bail précise dès l’origine que l’usage des locaux est mixte, professionnel et d’habitation.
En effet, à défaut de précision quant à l’usage professionnel, le bail est réputé être consenti à usage exclusif d’habitation et un locataire bénéficiant d’un bail exclusivement d’habitation qui exercerait une activité professionnelle sans autorisation du bailleur s’exposerait à la résiliation du bail pour motif grave et légitime.
La qualification du bail à usage mixte professionnel et d’habitation ne sera pas remise en cause si le locataire ne fait qu’un usage professionnel des locaux. En effet, le locataire n’a aucune obligation d’utiliser les deux usages, l’usage contractuel primant sur l’usage effectif. Mais si le locataire peut faire un usage uniquement professionnel du bail mixte sans risquer la requalification, pour autant le bailleur pourra refuser le renouvellement du bail mixte à l’expiration du contrat.
Par ailleurs, le bailleur peut prévoir une clause expresse contenant obligation d’affecter les locaux aux deux usages. Dans ce cas, si le locataire utilise les locaux à usage exclusivement professionnel, en contravention avec cette clause expresse, le bailleur, après l’avoir fait constater, sera en droit de demander la résiliation judiciaire du bail pour manquement du locataire à son obligation d’user de la chose louée conformément à sa destination. Le bailleur peut faire cette demande de résiliation judiciaire à tout moment en cours de bail, dans la mesure où il s’agit d’une violation d’une clause particulière, sans laquelle le contrat n’aurait pas été conclu.
Avant de consentir un bail mixte à usage professionnel et d’habitation, le bailleur doit impérativement s’assurer que l’exercice d’une activité professionnelle dans l’immeuble est compatible avec les dispositions du règlement de copropriété.
En effet, il convient de vérifier si le règlement de copropriété ne fixe pas des restrictions s’agissant du caractère de l’occupation des locaux privés.
Ainsi, certains règlements de copropriété peuvent contenir une clause d’habitation bourgeoise « stricte » (interdiction de toute activité professionnelle, quelle qu’elle soit) ou une clause d’habitation bourgeoise « simple » (hormis l’usage d’ha- bitation, seul l’exercice d’une profession libérale est autorisé à l’exception des activités commerciales) ou encore, une clause « mixte » habitation et commerce.
En cas de signature d’un bail mixte à usage professionnel et d’habitation en contravention avec le règlement de copro- priété, le bailleur s’expose à une action du syndicat des copropriétaires sur le fondement du non-respect de la destination de l’immeuble, pouvant le conduire à devoir résilier le bail (avec le risque que le locataire évincé réclame une indemnisation).
En vertu de l’article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.
Le fait de bénéficier d’un bail à usage mixte professionnel et d’habitation ne dispense pas le locataire de respecter cette obligation de jouissance paisible, notamment lorsqu’il reçoit des clients.
Ainsi, quand bien même le règlement de copropriété permet cet exercice professionnel, celui-ci ne doit pas créer d’inconvénients anormaux de voisinage.
Il sera rappelé que l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ».
Ainsi, en dépit du fait que chaque copropriétaire est pleinement propriétaire de ses parties privatives, il ne peut pas non plus faire ce qu’il veut, il doit respecter le voisinage et ne pas causer de nuisances aux autres copropriétaires.
En cas de location, il doit s’assurer que son locataire respecte cette obligation.
De même, s’il existe un règlement intérieur au sein de l’immeuble, il est conseillé au bailleur d’en remettre une copie contre récépissé au locataire lors de la signature du bail.
Ainsi qu’il a été rappelé supra, le bail mixte relevant de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur a une obligation de délivrer des locaux conformes à leur destination, mais également aux normes en vigueur, selon les critères de la décence.
Le bailleur a-t-il l’obligation de réaliser des travaux afin de rendre le bien conforme aux normes d’accessibilité, dès lors que le locataire, dans le cadre de son exercice professionnel, est susceptible de recevoir des personnes à mobilité réduite (par exemple, un médecin ou un avocat...) ?
La réponse est négative, dès lors que le bail mixte relève de la loi du 6 juillet 1989.
Cependant, si l’activité professionnelle exercée par le locataire dans son logement nécessite des aménagements pour les personnes à mobilité réduite, il y aura lieu d’appliquer les dispositions de l’article 7 f) de la loi du 6 juillet 1989, selon lequel des travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie peuvent être réalisés aux frais du locataire. Ces travaux doivent faire l’objet d’une demande écrite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception auprès du bailleur et l’absence de réponse pendant un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande vaut décision d’acceptation du bailleur. Au départ du locataire, le bailleur ne peut pas exiger la remise des lieux en l’état.
En dehors de l’accessibilité, le bailleur n’a aucune obligation de délivrer un local conforme à l’activité du locataire ou pourvu d’équipements obligatoires.
En effet, en matière de délivrance conforme, les obligations du bailleur sont listées à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 :
Rappelons que ce bail, certes mixte professionnel et habitation, doit avant tout, servir à l’habitation du preneur, d’où l’application des dispositions d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989.
Selon l’article L1222-9, I du Code du travail, « le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Est qualifié de télétravailleur au sens de la présente section tout salarié de l’entreprise qui effectue, soit dès l’embauche, soit ultérieurement, du télétravail tel que défini au premier alinéa du présent I. »
L’article L1222-11 du Code du travail dispose qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.
Les locaux loués selon un bail mixte constituant par définition le lieu de travail (et de résidence) du locataire, ce dernier est libre d’exercer son activité professionnelle sous la forme de son choix, et notamment en télétravail.
La question se pose pour le salarié, titulaire d’un bail exclusivement d’habitation, qui effectue du télétravail, notamment par décision de son employeur ou en raison de circonstances exceptionnelles (telle l’épidémie de COVID-19) : doit-il demander l’autorisation à son bailleur et risque-t-il une résiliation de son bail ?
À l’évidence, non. En effet, dès lors que le télétravail constitue une modalité d’exécution du contrat de travail pour le compte d’un employeur dont l’entreprise est située à une autre adresse, il ne s’agit pas, a priori, d’un usage professionnel des locaux d’habitation.
L’autorisation du bailleur n’est pas requise, sauf si des aménagements importants doivent être effectués par l’employeur, ce qui est peu probable, s’agissant d’un travail au moyen des technologies de l’information et de la communication.
Me Frédérique Polle • Avocat à Agen
Source : 25 millions de propriétaires • N°547 janvier 2021
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L’article 1742 du Code civil pose le principe selon lequel « Le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur ».
En conséquence, le droit au bail du locataire décédé est dévolu de plein droit à ses héritiers, sans que ces derniers aient à le revendiquer, et ils sont indivisément tenus du paiement des loyers et des charges tant qu’ils ne donnent pas congé.
Néanmoins, il est possible de déroger à ce principe en insérant dans le bail une clause prévoyant que le décès du locataire emportera résiliation du bail.
Si le contrat de bail porte sur le logement familial, l’article 1751 alinéa 3 complété par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 et la loi ALUR du 24 mars 2014, prévoit qu’« en cas de décès d'un époux ou d'un des partenaires liés par un pacte civil de solidarité, le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément ».
L’époux survivant ou le partenaire Pacsé du locataire décédé dispose donc d’un droit exclusif sur le bail, auquel il doit renoncer expressément s’il n’entend pas se maintenir dans les lieux.
Les héritiers, l'époux ou le partenaire pacsé survivant sont débiteurs des loyers et des charges, ainsi que de la dette locative s’il en existe une au jour du décès, et le bailleur peut exercer à leur encontre tous les moyens de droit offerts aux créanciers pour recouvrir son dû.
L’article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 a cependant inversé ce principe en prévoyant que le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire, sauf si certaines personnes limitativement énumérées remplissent les conditions pour que le contrat de bail leur soit transféré.
Ces deux régimes distincts ne sont cependant pas concurrents puisque leur application diffère selon la situation des parties qu’ils visent.
Les personnes limitativement énumérées par cet article 14 sont les suivantes :
Il s’agit du conjoint du locataire qui ne vivait pas avec lui dans les lieux loués lors du décès, étant souligné que la Cour de Cassation a précisé qu’il devait expressément demander à bénéficier de ce transfert, qui n’est donc pas automatique (Cass. 3e civ., 10 avr. 2013, n° 12-13.225)
Le sort du conjoint qui vivait avec le locataire décédé est réglé par l’article 1751, alinéa 3 susvisé, du Code civil qui est donc plus favorable au conjoint survivant que l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 car il lui confère un droit exclusif sur le bail - il n'entre pas en concurrence avec les autres bénéficiaires d'un droit au transfert du bail énumérés par l'article 14 de la loi de 1989 -, et automatique - il en bénéficie de plein droit "sauf s'il y renonce expressément".
Le conjoint survivant du locataire français dont le mariage a été célébré à l'étranger peut également bénéficier du transfert du bail d'habitation à son profit, même si la transcription sur les registres de l'état civil n'a eu lieu qu'après le décès du preneur en titre (Cass. 1re civ., 7 déc. 2016, n° 15-22.996).
Les juges contrôlent la réalité de cette vie commune avec le défunt au moment du décès et considèrent que le rôle de garde-malade de nuit assuré par un petit-fils auprès de son grand-père n'implique pas une communauté de vie entre les deux permettant le transfert du bail (CA Paris, 6e ch., sect. C, 24 avr. 2007, n° 05/04834).
A noter que ce droit au transfert du bail subsiste même en cas de renonciation à la succession du locataire décédé, la jurisprudence considérant que le droit au transfert prévu par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, est indépendant des droits nés de l'acceptation ou de la renonciation à une succession (CA Paris, 6e ch., sect. C, 24 avr. 2001, RG 1999/05724).
S’agissant des baux régis par la loi du 1er septembre 1948, depuis la loi ENL du 13 juillet 2006, le bail est résilié de plein droit par le décès du locataire.
Toutefois, un droit au maintien dans les lieux - qui ne se confond pas avec la transmission du droit au bail - appartient aux personnes suivantes : le conjoint, le partenaire de pacte civil de solidarité, le concubin, et lorsqu'ils vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an : les ascendants, les enfants mineurs et les personnes handicapées titulaires d'une pension de grand invalide de guerre, ou d'une rente d'invalide du travail correspondant à une incapacité au moins égale à 80 %.
A défaut de se trouver dans un cas de transfert automatique du bail ou d’une personne qui fait valoir son droit à se voir transférer le droit au bail du locataire décédé, le bailleur peut se retrouver confronté aux difficultés suivantes :
Cette situation est malheureusement fréquente lorsque l’héritier ne prend pas parti sur l’option successorale dont il dispose.
En effet et en application des articles 768 et 771 du Code civil, il peut accepter la succession purement et simplement, y renoncer, ou accepter à concurrence de l'actif net lorsqu'il a une vocation universelle ou à titre universel.
Il dispose d’un délai de 4 mois à compter de l’ouverture de la succession pour faire son choix.
A l'expiration de ce délai, s’il n’a pas pris parti, le bailleur pourra lui faire délivrer, par exploit d’huissier de justice, une sommation d’avoir à prendre parti sur l’option successorale étant précisé que le silence gardé pendant 2 mois vaut acceptation pure et simple de la succession, et l’héritier sera donc débiteur d'une indemnité d'occupation, égale au montant du loyer et de la provision sur charges, jusqu'à la restitution des locaux, ce qui le contraindra à les libérer rapidement (CA Paris, 21 janv. 2014, n° 12/11853).
En application de l’article 776 du code civil, l’option exercée a un effet rétroactif. En conséquence, si l’héritier renonce purement et simplement à la succession ou l’accepte sous bénéfice d’inventaire, il ne sera pas tenu du règlement des indemnités d’occupation échues au moment de la libération des lieux.
Bien que le logement soit inoccupé, le bailleur ne peut reprendre possession de son bien au risque de se rendre coupable d’une violation de domicile.
Ainsi, le bailleur devra adresser, par acte d’Huissier, à son locataire, une mise en demeure d’avoir à justifier qu’il occupe le logement.
Un mois après la délivrance de cette mise en demeure et à défaut de réponse du locataire, l'huissier de justice pourra pénétrer dans les lieux en présence de deux témoins et d’un serrurier, et constater l'abandon du logement. Il dressera un procès-verbal dans lequel il procédera à l'inventaire des biens présents sur place, en précisant s'ils paraissent ou non avoir une valeur marchande.
A la suite de cette reprise, le bailleur, en agissant par voie de requête auprès du Tribunal Judiciaire, demandera que soit prononcée la résiliation du bail, qu’il soit autorisé à reprendre le logement et qu’il soit statué sur le sort des meubles (qui seront soit détruits, soit vendus pour le compte de l’Etat).
L’ordonnance du Tribunal devra ensuite être signifiée par l’huissier au locataire dans le délai de 2 mois, afin de faire courir le délai d’un mois pour faire opposition.
Enfin, en l’absence d’opposition dans ce délai, l’huissier pourra dresser un procès-verbal de reprise et le bailleur reprendra possession de son bien.
La procédure est encadrée par les articles 809-1 et suivants du code civil, ainsi que l'article 1379.
Une requête devra être déposée, par ministère d’avocat, auprès du président du Tribunal Judiciaire du lieu d’ouverture de la succession qui est compétent pour nommer le service des Domaines curateur d’une succession vacante (article 1379 du Code de procédure civile).
Si le patrimoine du locataire décédé le permet, la dette locative sera réglée.
Pour pouvoir reprendre possession de son logement, l’article 1324 du Code de procédure civile permet au bailleur de saisir par requête le président du Tribunal Judiciaire afin d’être autorisé à reprendre le logement en ordonnant le cantonnement des meubles dans une partie du local qui était occupé par le locataire décédé ou même leur enlèvement et leur dépôt dans un autre lieu. Dans un tel cas, un huissier de justice devra assister à leur déplacement et dresser un procès-verbal des opérations, en apposant les scellés à l’endroit de conservation des meubles dont il conservera les clés.
Les frais d’enlèvement et de conservation des meubles sont avancés par le bailleur qui pourra en demander le remboursement aux services des Domaines désignés curateur de la succession vacante.
En application des dispositions de droit commun, et plus précisément de l’article 1742 du Code civil "le contrat de louage n'est point résolu par la mort du [...] preneur".
En conséquence, en cas de décès du preneur, le bail commercial entre dans l'indivision successorale, sauf stipulation contraire insérée dans le contrat.
Les héritiers deviennent donc cotitulaires du bail et c'est à chacun d'eux que doivent être notifiés les actes qui peuvent émailler le cours du bail, et notamment, un commandement de régler les loyers ou un congé.
Depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, l’article L. 145-1 du Code de commerce prévoit qu’en cas de décès du titulaire du bail, les héritiers ou les ayants droits, bien que n’exploitant pas le fonds de commerce, peuvent demander le maintien de l’immatriculation de leur ayant cause pour les besoins de sa succession, et ainsi bénéficier du statut des baux commerciaux même en l’absence de leur immatriculation personnelle (si les héritiers veulent céder le fonds de commerce ou le droit au bail, il faut en effet qu’ils puissent bénéficier du statut des baux commerciaux).
En pratique, la dispense d’immatriculation est limitée au bénéfice des cohéritiers du locataire décédé et à condition qu’ils fassent la demande de maintien de l’immatriculation de leur auteur pour le besoin de la succession. Cette dispense est valable pour une durée d’un an, renouvelable une fois.
Me Valérie Terral-Prioton, avocat et consultant UNPI 31-09
Source : 25 millions de propriétaires • N°juillet-août 2020
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La vague est puissante et mondiale. Très développé aux Etats-Unis ou au Canada depuis un demi-siècle, ce moyen malin de voyager est resté longtemps très marginal dans l’hexagone. Mais, favorisé par les plates-formes numériques, le mouvement s’accélère, plus de 40 000 Français échangent chaque année leur logement.
Il faut dire que ce mode d’hébergement partagé est particulièrement attractif. En quelques clics, vous accédez à une offre considérable sur les sites spécialisés, pour poser vos valises aux quatre coins du monde. Fini les locations impersonnelles et hors de prix, c’est un nid habité qui vous attend et qui ne vous coûte rien. La contrepartie c’est bien sûr d’ouvrir aussi votre toit à des inconnus qui viendront, souvent au même moment, s’installer chez vous. Aucune transaction financière entre vous et vos hôtes, cet échange est basé sur la confiance réciproque.
Sur le site HomeExchange, entreprise française, leader mondial du secteur avec 70 % de part de marché, le nombre d’échanges a plus que doublé sur la planète ces 2 dernières années. « Nous proposons 400 000 habitations, dont 182 000 en France, Paris restant la ville la plus populaire du monde. En 2019, 3,3 millions de nuitées ont été échangées via notre plate-forme, dont 1 million en France, pays le plus attractif, devant l’Espagne et les USA », explique Lola Florin, responsable de la communication.
Si vous voulez tenter l’aventure, et même si rien ne vous oblige à passer par des sites spécialisés, vous avez tout intérêt à vous connecter. Le système est simple, rapide et sécurisant. Il existe une dizaine de plates-formes d’échanges, gratuites ou non. Les sites payants proposent un abonnement annuel (entre 100 et 200 euros) incluant des garanties « annulation » et « dommages ». « Pour d’éventuels dommages causés par les occupants, nous garantissons jusqu’à 1 million d’euros. Mais les problèmes sont très rares, 99,9% des échanges se passent sans incidents », assure le site.
Un chiffre qui n’étonne pas Jacqueline et Alain Come, enseignants à la retraite, résidents à Amboise, adeptes de l’échange de maisons depuis 30 ans. « La seule fois où nous avons eu un souci, une cafetière cassée, se rappelle avec amusement Alain, nous avons trouvé de l’argent sur la table. Ce type d’échange ne peut se faire que dans un esprit positif, nous n’avons jamais établi de convention, le contrat est moral. On choisit une maison un peu comme la nôtre et on en prend soin, les personnes que nous accueillons font pareil. Les risques sont très minimes et nous ne prenons aucune assurance complémentaire, nos contrats habituels suffisent. On n’aurait jamais pu voyager autant sans ce système, nous avons beaucoup visité les pays du nord de l’Europe mais aussi l’Italie et l’Espagne en profitant de vacances de qualité grâce à cette formule d’hébergement gratuit. Et pendant ce temps-là, notre maison est occupée, on part tranquilles.»
Une fois inscrit, vous mettez en ligne votre annonce et vous entrez en contact directement avec les personnes qui proposent l’offre vous convenant. A vous de jouer et de vous entendre avec vos futurs hôtes, le site n’intervient pas dans ce dialogue. Ne vous précipitez pas sur la première offre venue, le choix est vaste, prenez votre temps, comparez, étudiez bien la situation, les temps de déplacements, les services…
Contrairement à une idée reçue, tous types de logements peuvent s’échanger, sans notion d’équivalence, une ancienne ferme du Poitou ou un studio à Dijon peuvent trouver preneur auprès du propriétaire d’une villa californienne.
L’échange peut être effectué par un propriétaire mais également par un locataire, sauf si le prêt est interdit dans le bail ou si ce dernier impose une occupation personnelle du logement.
Attention, quelques précautions sont à prendre pour éviter des mauvaises surprises et des escroqueries. Sur Internet, toutes sortes d’annonces fleurissent, préférez les sites reconnus et spécialisés, gages de sécurité, comme l’historique européen Intervac.fr ou Homelink.fr qui développe son savoir-faire depuis 1953. Les amateurs de belles maisons, branchées ou insolites, trouveront leur bonheur sur Love home swap.fr. Citons encore Switchome.org (sans frais d’adhésion), Echangeimmo.com ou Neovacances.com, spécialisé dans l’échange de maisons secondaires.
Autre règle d’or, cherchez à établir un échange réel avec vos futurs occupants. Ne vous contentez pas d’un seul contact, tentez de faire vraiment connaissance. Et même si aucun contrat, au sens juridique du terme, n’est imposé, préparez un document écrit fixant les règles d’utilisation de la maison, éventuellement les charges et obligations : électricité, eau, téléphone…
Et, dans l’idéal, mieux vaut être présent pour accueillir les nouveaux arrivants et faire ensemble un état des lieux. Avant de partir vers de nouveaux horizons !
Rangement, nettoyage, jardinage, place dans les placards... Vérifiez la liste de tout ce que vous avez promis par mail. Pensez à un mot d’accueil, une collation ou un produit local.
Mettez à l’abri et sous clé, objets fragiles ou ayant une valeur sentimentale, produits dangereux ou médicaments. Prévenez vos voisins qui pourront éventuellement intervenir en cas de problème et vous informer.
Indications, conseils et mode d’emploi : piscine, chauffage, électroménager, téléphonie, numéros d’urgence… Informations touristiques, à découvrir…
Marc Pouiol
Source : 25 millions de propriétaires • N°juillet/août 2020
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Quel juge saisir, pour quels types de litiges, comment s’y prendre ... autant de questions auxquelles il faudra répondre avant de se lancer.
Jusqu’au 1er janvier 2020, ces procédures relevaient du Président du tribunal d'instance lorsqu’elles portaient sur des sommes inférieures à 10 000 € et du Président du tribunal de grande instance lorsqu’elles étaient supérieures à ce montant, pour les créances de nature civile. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, les tribunaux d’instance ont disparu et fusionné avec les tribunaux de grande instance en une seule et unique juridiction : le tribunal judiciaire. C’est donc désormais le seul Président du tribunal judiciaire qui a compétence pour statuer sur les procédures d’injonctions, à moins que celles-ci ne relèvent de la compétence du juge des contentieux de la protection. La simplification est donc toute relative….
Pour les créances de nature mixte ou commerciale, c’est toujours le Président du tribunal de commerce qui doit être saisi.
La demande d’injonction de payer est portée devant la juridiction du lieu où demeure le défendeur et la demande d’injonction de faire est portée devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation.
La procédure est gratuite devant le tribunal judiciaire mais payante devant le tribunal de commerce.
Les dispositions de l’article 1415 du code de procédure civile réservent la procédure d’injonction de payer au recouvrement des créances ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation à caractère statutaire dont le montant est déterminé. Elle peut aussi être mise en œuvre lorsque l’engagement résulte de l’acceptation ou du tirage d’effets de commerce ou de l’acceptation de cessions de créances relevant de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises.
La procédure d’injonction peut donc être intéressante pour poursuivre le recouvrement de créances issues d’un contrat de location ou d’un contrat d’entreprise conclu pour l’exécution de travaux, ou bien pour le recouvrement de charges de copropriété. Elle ne peut donc être utilisée que pour réclamer les sommes issues d’un contrat et les éventuels dommages et intérêts résultant de son inexécution.
Quant à l’injonction de faire, les dispositions de l’article 1425-1 du code de procédure civile précisent désormais que l’exécution en nature d’une obligation née d’un contrat conclu entre des personnes n’ayant pas toutes la qualité de commerçant, peut être demandée au juge des contentieux de la protection ou au tribunal judiciaire dans les matières relevant de sa compétence, notamment les baux à usage d’habitation. Ces procédures trouveront à s’appliquer aux demandes de travaux ou de restitution auxquelles le contrat de bail peut donner lieu.
Les procédures d’injonction de payer et de faire n’ont donc pas leur place dans les conflits de voisinage et notamment dans tous ceux qui concernent la hauteur et la distance des plantations et les obligations issues du titre IV de livre II du Code Civil ni être utilisées pour demander des dommages et intérêts.
Une distinction doit également être faite en raison des matières considérées et de la compétence spécifique du juge des contentieux de la protection créé par la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2020 : ainsi, si la requête à déposer concerne un contrat de bail relatif à des locaux d’habitation, elle devra être présentée au juge des contentieux de la protection ; si elle concerne le paiement de charges de copropriété, elle le sera devant le tribunal judiciaire ; si elle concerne l’exécution d’un contrat d’entreprise, elle pourra l’être selon le cas devant le Président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce.
La procédure d’injonction de payer ou de faire débute par le dépôt d’une requête au greffe de la juridiction compétente qui devra comporter à peine de nullité les mentions suivantes : l’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée, l’objet de la demande, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs s’il s’agit de personnes physiques ; la forme, dénomination, siège social et l’organe qui les représente légalement s’il s’agit de personnes morales. La requête doit également préciser les nom, prénom et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale de sa dénomination et de son siège social. Dans tous les cas, la requête devra être datée et signée, indiquer les pièces sur lesquelles la demande est fondée.
Ces pièces devront être jointes.
Dans le cas d’une ordonnance d’injonction de payer, il sera nécessaire de joindre les éléments permettant au juge d’apprécier le bien-fondé de la demande qui doit être obligatoirement chiffrée dans la requête (contrat, décompte, quittance, copie de relevés...) ; dans le cas d’une injonction de faire, il faudra démontrer que la partie qui s’était engagée à effectuer la prestation objet du contrat ne l’a pas réalisée en produisant par exemple les mises en demeure qui lui ont été adressées, le cas échéant des constats d’huissier ou des attestations et bien évidemment le contrat liant les parties.
Cette requête peut être présentée sur papier libre, à condition que toutes les mentions sus visées y figurent. Toutefois, l’administration propose sur le site service-public.fr des formulaires préétablis qu’il est possible de remplir en ligne (Cerfa n° 12948*06 pour la demande en injonction de payer devant le Président du tribunal judiciaire, Cerfa n° 11723*11 pour la demande en injonction de faire au tribunal judiciaire ou au tribunal de proximité). L’utilisation d’un de ces formulaires, qui évitera certainement l’oubli d’une des mentions obligatoires prévues à peine de nullité, est vivement recommandée.
L’article 1409 du code de procédure civile ouvre au juge saisi d’une requête en injonction de payer trois possibilités : la requête peut être admise, rejetée ou admise en partie.
En cas de rejet, il n’y a pas de recours possible contre la décision, mais le demandeur peut toujours saisir la juridiction compétente selon les voies de droit commun, par assignation ou par requête. Si le juge fait droit à la requête, il rend une ordonnance portant injonction de payer pour la somme qu'il retient. Une copie certifiée conforme de la requête et de l’ordonnance doit être signifiée par le créancier à chacun des débiteurs dans un délai de 6 mois de sa date, à défaut, l’ordonnance d’injonction est nulle et non avenue. La signification de l’ordonnance d’injonction aux débiteurs se fait par acte d’huissier qui contient sommation d’avoir soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l’ordonnance soit, si le débiteur a des moyens de défense à faire valoir, à former une opposition qui saisira le tribunal de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige.
A partir du moment où l’ordonnance est portée à la connaissance du débiteur, celui-ci dispose d’un délai d’un mois pour former opposition directement ou par tout mandataire justifiant d’un pouvoir spécial s’il n’est avocat, soit par déclaration au greffe de la juridiction dont le juge ou le président a rendu l’ordonnance, contre récépissé ou par lettre recommandée, soit par lettre recommandée avec avis de réception (sous réserve des dispositions spécifiques de l’article 1416 du code de procédure civile en fonction des modalités de signification de l’ordonnance).
En l’absence d’opposition ou dans les cas où le débiteur se désiste de l’opposition qu’il a formée, le créancier peut demander au greffe dans le délai d’un mois l’apposition sur l’ordonnance de la formule exécutoire, à défaut elle est non avenue. L’ordonnance revêtue de la formule exécutoire produit tous les effets d’un jugement contradictoire. Cependant, elle n’est plus susceptible d’aucun recours. Le greffe restituera les documents annexés à la requête qu’il avait provisoirement conservés, dès que le créancier aura déposé sa demande tendant à l’apposition de la formule exécutoire.
Si la demande lui parait fondée, le juge rend une ordonnance portant injonction de faire, non susceptible de recours. Il fixe alors l’obligation, ainsi que le délai et les conditions dans lesquelles celle-ci doit être exécutée. Son ordonnance mentionne en outre les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera examinée, à moins que le demandeur n’ait fait connaître dans l’intervalle que l’injonction a été exécutée. Elle est notifiée à la diligence du greffe aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
A la date fixée par ordonnance, le juge statue sur la demande présentée par le requérant en cas d’inexécution totale ou partielle de l’injonction qu’il a délivrée.
Il doit toutefois au préalable avoir tenté de concilier les parties.
Si le juge rejette la requête, la décision est sans recours pour le requérant, mais celui-ci dispose toujours de la possibilité de saisir la juridiction compétente selon les voies de droit commun.
Commence alors la phase contradictoire de la procédure d’injonction (de payer ou de faire), puisque l’affaire est alors renvoyée devant le tribunal ou le juge qui a rendu l’ordonnance. Le juge est saisi par l’opposition des demandes initiales du créancier, mais également des demandes présentées en défense par le débiteur qui entrent dans les limites de sa compétence. Le procès suivra alors son cours selon la procédure ordinaire, avec le cas échéant constitution d’avocat obligatoire, conformément aux dispositions issues de la réforme entrée en vigueur le 1er janvier dernier. La décision qui sera rendue par le tribunal se substituera alors à l’ordonnance portant injonction. Ce jugement sera éventuellement susceptible d'appel.
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a institué une juridiction nationale spécialisée pour les injonctions de payer qui entrera en fonction à compter du 1er janvier 2021. L’objectif est de permettre une efficacité accrue de ces procédures en matière civile, les dispositions actuelles ne subissant pas de modification en ce qui concerne les injonctions relevant de la compétence du tribunal de commerce. Ainsi, un seul tribunal judiciaire sur le territoire national sera spécialement désigné par décret pour connaître des procédures d’injonction de payer, qui seront alors désormais formées par voie dématérialisée exclusivement. Seules les personnes physiques n’agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire, ainsi que les demandes d’injonction de payer européennes, pourront encore être adressées au greffe sur support papier. Ce tribunal spécialement désigné sera également seul compétent pour recevoir les oppositions. C’est alors le greffe de ce tribunal qui transmettra aux tribunaux judiciaires territorialement compétents pour connaître du litige, la gestion des oppositions et la procédure contradictoire qui s’en suit.
Me Stéphanie Macé • Avocat et consultant UNPI 31-09
Source : 25 millions de propriétaires • N°mai 2019
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Sur recours de l’UNPI Nord-de-France et de l’UNPI 75, les arrêtés préfectoraux encadrant les loyers à Paris et Lille en application de la loi ALUR de 2014 avaient été annulés par le juge administratif, du moins en première instance (voir notre numéro de janvier 2018, p.12).
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a instauré un nouveau dispositif d’encadrement plus souple et à l’initiative des collectivités locales. Sur la demande de Paris, un arrêté préfectoral du 28 mai 2019 encadre ainsi les loyers depuis le 1er juillet 2019. La Métropole européenne de Lille a à son tour demandé que les loyers soient encadrés à Lille. Le Gouvernement a répondu positivement par décret du 22 janvier 2020, tandis qu’un arrêté du préfet du Nord du 30 janvier 2020 a fixé les loyers à ne pas dépasser à compter du 1er mars dernier. L’encadrement des loyers s’applique en parallèle du blocage des loyers de relocation ou de renouvellement. Les règles à respecter sont les mêmes que pour l’arrêté parisien.
Pour plus de détails, nos lecteurs pourront donc se reporter à notre numéro de septembre 2019 (p.24). Quant aux loyers de référence, ils figurent sur le site.
Source : 25 millions de propriétaires • N°avril 2019
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Favoriser le lien social, diversifier l’offre de logements, lutter contre l’isolement des seniors, faciliter le maintien à domicile, renforcer la solidarité entre jeunes et anciens… Autant de nécessités en forme de défis pour faire face à l’allongement de la durée de la vie et s’inventer un nouveau vivre ensemble. L’habitat intergénérationnel, qui se développe sous diverses formes, peut offrir des solutions innovantes, adaptées aux évolutions sociétales.
Un mouvement naissant mais en plein essor, favorisé par la Loi ELAN de 2018, est la « cohabitation intergénérationnelle et solidaire », permettant de faire cohabiter sous un même toit un senior de plus de 60 ans, propriétaire ou locataire, avec un jeune de moins de 30 ans.
Le senior, propriétaire ou locataire, peut louer ou sous-louer à un jeune une partie de son logement, gratuitement ou moyennant un loyer modeste, librement convenu entre les parties. Le jeune colocataire devra en échange assurer un temps de présence régulier et des petits services (courses, promenades, bricolage, jardinage…). A noter que le locataire qui a plus de 60 ans peut sous-louer à un jeune de moins de 30 ans en informant le bailleur de son intention et sans que celui-ci puisse s'y opposer. Une charte nationale de la cohabitation générationnelle est entrée en vigueur le 14 janvier dernier, précisant le cadre général et les modalités pratiques.
Ce concept de colocation n’avait pas de cadre juridique, avant l’entrée en vigueur de la loi ELAN. La rédaction d’un contrat de location n’est pas obligatoire. Cependant, il est désormais possible d’établir un contrat de cohabitation intergénérationnelle et solidaire qui précise la durée du bail, du préavis, le montant du loyer et les obligations communes. Avec à la clé le droit de percevoir des aides personnalisées au logement (APL) pour les deux parties.
« C’est une formule souple et sécurisante qui vient répondre à deux problématiques de notre société, l’isolement des seniors et le coût élevé des loyers pour les étudiants, assure Catherine Garnier, de l’association Ensemble2générations qui met en relation, dans 22 villes en France, jeunes et retraités. En autorisant la sous-location, jusque-là interdite, la loi officialise et encourage ce type de pratique qui connaît un beau succès dans les zones tendues », explique la responsable d’une agence parisienne de l’organisme.
Dans la capitale, la demande est forte, beaucoup plus, étonnamment, de la part des jeunes que des seniors, relève l’association qui propose un suivi et un accompagnement aux candidats. La moitié des demandes des étudiants ne peut être satisfaite. « Il s’agit de partager un toit mais surtout de tisser un lien unique. C’est une alchimie complexe, la rencontre souvent de deux solitudes qui vont vivre une histoire commune dans un échange mutuel. Nous essayons de composer le binôme correspondant le plus aux profils et aux motivations de chacun. Les seniors craignent souvent l’intrusion d’une personne inconnue dans leur quotidien et dans leur intimité mais ça fonctionne à plus de 90%. Les jeunes s’enrichissent au contact des anciens et ces derniers se sentent revivre quand la confiance est établie. »
En cas de mésentente, l’association intervient, constate la rupture de la convention et propose une autre personne. Le mois de préavis s’applique comme pour un contrat de location classique, tout comme l’obligation de ne pas mettre à la porte la personne hébergée d’octobre à juin.
Comme Ensemble2générations, de nombreuses associations se sont spécialisées dans la cohabitation intergénérationnelle. Mieux vaut se faire accompagner par des personnes compétentes pour sécuriser la démarche et disposer de tous les éléments d’information avant de se lancer dans l’aventure.
Hors de la région parisienne, la demande pour ce type de colocation semble encore peu développée, même dans les grandes villes. « C’est un marché de niche, constate Me Pailhès, président de la Chambre interdépartementale des notaires, Tarn, Haute-Garonne, Ariège. Il est toujours possible d’accueillir un ou plusieurs jeunes dans sa résidence principale, dans un cadre juridique classique. Choisir le contrat intergénérationnel relève d’une certaine philosophie de vie, la loi ELAN introduit une notion de service non évaluée financièrement. Cette formule, par son aspect d’entraide est plutôt une garantie de paiement du loyer, qui reste de toute façon modeste, quand il existe. Les relations qui se tissent dans un tel contexte, créent un climat de confiance. »
Bailleurs sociaux et promoteurs privés proposent de nouveaux lieux de vie, résidences ou même quartiers intergénérationnels, mêlant étudiants, familles, personnes âgées, services, équipements collectifs ou partagés. Objectif : créer une dynamique de proximité favorisant convivialité, échanges, solidarités de voisinage, mixité à tous les étages.
Illustration avec le programme du Groupe Carrere, en cours de construction à Meyreuil, dans les Bouches-du-Rhône, au cœur de l’écoquartier du Ballon, où vont pousser 500 logements neufs. La résidence intergénérationnelle, composée de 103 appartements et 16 villas individuelles, constituera un point central du futur quartier. Logements privés et sociaux, adaptés au vieillissement, services à la carte pour les seniors, salle commune ouverte à tous les résidents, potager, jardin, commerces de proximité… « Tout est fait pour favoriser la rencontre et le lien social, explique Frédéric Danné, directeur national du développement chez Carrère. Plus d’un tiers des ménages français ne compte qu’une seule personne, un phénomène lié au vieillissement mais aussi aux ruptures familiales. Au-delà des logements eux-mêmes, il faut inventer un nouveau modèle d’habitat en créant un environnement complet qui favorise le brassage intergénérationnel, où se croisent familles, étudiants, enfants… Chacun peut vivre ici en toute indépendance ou profiter de cette proximité qui favorise les échanges. »
Même constat pour Crédit Agricole Immobilier, lui aussi engagé sur ce terrain, comme l’ensemble des opérateurs. « L’habitat intergénérationnel correspond à de nouvelles attentes, remarque Nathalie Gagnarde, directrice des grands projets du groupe. Cela passe par de l’habitat spécifique, conçu dès le départ pour différents types de publics, ce qui permet d’abaisser les coûts, comme les logements modulables et évolutifs, pouvant s’adapter à de la colocation pour jeunes et seniors, ou des résidences spécifiques pour retraités mais intégrées dans le programme. Nous développons à Nanterre un ensemble de 250 logements dans cet esprit, dénommé « Cohab », où nous proposons par exemple une pièce commune pour 5 à 6 logements, ce qui permet à la fois d’agrandir l’espace et de tisser des liens. Mais aussi des espaces de vie pour tous, un café participatif ou encore une salle de sports. La demande n’est pas identique partout, nous travaillons avec les collectivités et les associations locales pour être précurseurs en réinventant des nouveaux morceaux de ville. »
Ce type d’habitat est-il intéressant pour un investisseur potentiel ? « Tout le monde lance des projets dans ce secteur, il y aura bientôt du choix et des opportunités. Côté prix, pas de surcoût à l’achat, par rapport à une résidence classique, attention cependant aux services proposés et aux charges que cela peut générer quand on achète pour y vivre. »
Marie-Josèphe Boyer Chamard va bientôt fêter ses 97 ans. Depuis début janvier, elle héberge Marie-Jeanne Uwimana, étudiante en école de chimie, à Paris. « C’est ma fille qui a eu l’idée de cette colocation, je n’étais pas contre. J’ai toute ma tête et je suis assez autonome mais c’est vrai que la solitude pèse. Nous avons été mis en contact par Ensemble2générations, ça s’est très bien passé tout de suite et je suis très heureuse de la présence de Marie-Jeanne. Même si mes enfants habitent l’immeuble, je suis rassurée de l’avoir avec moi la nuit. Nous tissons une belle relation, sans aspect financier, le loyer est gratuit. Et puis, j’ai une grande chance, Marie-Jeanne est croyante, elle m’accompagne à la messe. Une présence au quotidien, ça change tout.»
Marie-Jeanne, elle, cherchait une colocation classique sur Paris. Pas simple et pas donné. Une amie lui a parlé de cette formule. « J’ai travaillé dans une association d’aide aux mères, je faisais les courses, de l’accompagnement et du ménage, donc j’ai trouvé le principe très bien. La relation s’est enclenchée de façon naturelle, on se voit le soir, j’assure une présence 6 nuits sur 7 et 2 week-ends par mois. Ce n’est pas lourd, on s’entend très bien, j’ai beaucoup d’affection pour elle. Et puis, étant en alternance, j’aurais eu du mal à payer un loyer. Pour moi aussi, c’est la meilleure des solutions. »
Marc Pouiol • Journaliste
Source : 25 millions de propriétaires • N°mars 2019
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La situation est parfaitement envisageable, à la faveur d’un contrat d’apprentissage, d’un stage en alternance, ou encore du fait des affectations géographiques parfois « surprenantes » issues de l’algorithme de « Parcours Sup », éloignant les futurs étudiants encore mineurs du lieu de résidence de leurs parents.
Qu’il s’agisse d’un contrat de bail d’habitation de trois ans ou d’un logement meublé ou encore d’un « bail mobilité », les règles seront les mêmes dès lors que la question de la minorité du locataire est posée.
En effet, quatre conditions sont requises pour la validité d’une convention (tel un contrat de bail) : le consentement de la partie qui s’oblige, sa capacité de contracter, un contenu licite et certain.
L’article 1146 du Code civil précise que sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi, les mineurs non émancipés et les majeurs protégés au sens de l’article 425 du code civil.
L’article 388 du Code civil définit le mineur comme « l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de 18 ans accomplis. »
A noter que cet article prévoit les modalités de détermination de l’âge de l’enfant en cas de doute et en l’absence de documents d’identité valables (examens radiologiques, osseux…).
Compte tenu des conséquences de la minorité du contractant sur la validité de l’acte, le bailleur prendra soin de solliciter la copie d’une carte d’identité en cours de validité, afin de lever tout doute sur l’âge du locataire.
Le code civil opère une distinction selon l’âge du mineur ; ainsi le mineur capable de discernement peut être entendu par un juge dans toute procédure le concernant, seul ou assisté.
De même, le mineur âgé de 16 ans révolus peut être autorisé, par son administrateur légal, à accomplir seul certains actes (actes d’administration nécessaires à la création et à la gestion d’une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d’une société unipersonnelle), à la condition qu’un acte sous seing privé ou notarié soit établi et énonce expressément la liste des actes d’administration pouvant être accomplis par le mineur.
Si le mineur dispose de biens, à partir de 16 ans révolus, ses parents n'ont plus la jouissance légale de ses biens, mais continuent à les administrer.
L'émancipation est l'acte par lequel un mineur est juridiquement assimilé à un majeur et peut normalement accomplir seul les actes nécessitant la majorité légale.
L'émancipation résulte d’une décision du juge des tutelles (fonction exercée par le juge aux affaires familiales) à la demande de son ou ses parents, ou du conseil de famille en cas de tutelle du mineur.
Le mineur doit avoir 16 ans révolus, mais il est émancipé automatiquement par le mariage, quel que soit son âge.
Le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile et ainsi, il peut conclure un contrat de travail, signer une vente, contracter un crédit...
Il cesse d'être sous l'autorité de ses parents, qui ne sont plus responsables des dommages qu'il pourrait causer. Le mineur émancipé peut ainsi choisir le lieu où il va habiter, ses fréquentations et loisirs, son orientation professionnelle...
Mais ses parents restent soumis à l'obligation de contribuer à l'entretien et à l'éducation de leur enfant, même émancipé.
Par conséquent, le mineur émancipé peut contracter seul un bail d’habitation.
Le bailleur prendra soin de vérifier l’existence de la décision d’émancipation, pour éviter une remise en cause de la validité du contrat de bail. En effet, l’émancipation n’apparait pas sur les registres d’état civil.
En vertu de l’article 388-1-1 du code civil, l’administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes.
Il s’agit d’un pouvoir général de représentation du mineur, et à ce titre, l’administrateur légal prend les décisions relatives à la personne de l’enfant.
Tout parent exerçant l’autorité parentale est administrateur légal de son enfant (article 382 du code civil).
Dans certains cas, lorsque les deux parents sont décédés ou si l’autorité parentale leur a été retirée, l’administration légale est remplacée par une tutelle (article 391 du code civil).
C’est alors le tuteur qui représente le mineur.
Pour conclure un bail, il faut avoir la capacité juridique de contracter. La question ne se pose donc pas pour le locataire majeur ou le mineur émancipé.
Le mineur non émancipé n’ayant pas la capacité juridique de contracter, le bail doit être signé par l’administrateur légal, donc soit par le ou les parents titulaires de l’autorité parentale, soit par le tuteur si les parents sont décédés ou déchus de l’autorité parentale.
Ainsi, dans la rubrique du bail intitulée « le locataire », il conviendra de libeller le bail au nom de l’enfant X… (Nom, prénom, date de naissance) « mineur, représenté par Mr et/ou Mme X…(noms, prénoms, adresse), père et/ou mère, ou tuteur ».
Le bail devra impérativement être co-signé par les parents du mineur (ou le tuteur, le cas échéant).
A défaut, le contrat encourt la nullité, sans possibilité de régularisation.
Dans un arrêt du 11 février 2014 (n°13/14640), la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a ainsi annulé un bail d’habitation consenti à une mineure, de même que les cautionnements signés par ses parents.
La Cour a relevé que la circonstance que les parents aient paraphé le bail et signé la dernière page sous la mention réservée au locataire ne peut être interprétée comme un engagement des parents en qualité de représentants légaux de leur fille puisque cette qualité n’est pas mentionnée dans les conditions particulières du contrat qui ne visent en qualité de locataire que la mineure.
La Cour d’Appel de COLMAR, le 11 avril 2007 (RG 06/01093), a jugé que le preneur mineur de 17 ans au moment de la conclusion du bail était incapable de s’engager de sorte que le contrat de location était nul et qu’en outre, la seule survenance de la majorité de la locataire ne l’empêchait pas d’agir en nullité dès lors qu’elle conservait un intérêt à soulever la nullité du contrat pour s’opposer à la demande de paiement du loyer formée par le bailleur.
En effet, seul le mineur peut invoquer la nullité du contrat.
Le bailleur « capable » ne peut pas opposer l’incapacité de ceux avec qui il a contracté ; ainsi, le bailleur ne peut pas invoquer la nullité ou la fraude s’il a signé un contrat de location avec un mineur non émancipé et par ce moyen, mettre un terme au contrat et récupérer son logement, sans respecter le préavis ou les procédures légales.
Ensuite, si le bail doit être co-signé par l’administrateur (ou représentant) légal du mineur, il en est de même de toutes les annexes désormais exigées par le contrat de location type, ainsi que de l’état des lieux.
Enfin, le congé doit être délivré au représentant légal du mineur non émancipé, à peine de nullité ; il en est de même de la procédure judiciaire de résiliation, laquelle, avec le commandement, doit être dirigée contre ce même représentant légal, à peine de nullité des actes de procédure. Si le mineur devient majeur en cours de procédure, il apparait nécessaire de l’appeler en cause pour que le jugement lui soit opposable.
Le principe est qu’il n’y a pas de limite d’âge ou d’âge minimum pour percevoir une aide au logement. Un enfant mineur émancipé qui possède un bail à son nom peut percevoir une aide au logement.
Il en est de même d’un enfant mineur non émancipé, mais dans ce cas, le bail doit être co-signé par ses parents. Il résulte du peu de jurisprudence disponible sur cette question, que la capacité du contractant est vérifiée, notamment en présence d’un mineur.
Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, il est conseillé de libeller le bail au nom de l’enfant X, « mineur, représenté par Mr et/ou Mme X… , père /mère/tuteur »… le bail devant être co-signé par ses parents.
Le mineur peut non seulement faire une simulation de l’aide au logement à laquelle il pourrait prétendre, mais également former une demande, et dans ce cas, il deviendra allocataire avec un dossier ouvert à son nom.
La demande est à remplir comme celle qu’un étudiant majeur, même rattaché au foyer fiscal de ses parents, peut effectuer, les renseignements demandés étant les mêmes.
Dès lors que le bail est au nom du mineur, représenté par ses parents, représentants légaux, le bailleur peut établir les quittances au nom du mineur.
Le mineur sera allocataire de la CAF et l’allocation logement sera versée soit entre les mains du bailleur (si la demande est faite) soit sur le compte bancaire renseigné par le mineur.
Rappelons qu’à partir de 16 ans, un mineur peut, dans la plupart des banques et avec l'autorisation de ses parents, ouvrir un compte bancaire avec une carte bancaire et un chéquier qui lui sont associés. Il peut disposer librement des sommes inscrites sur ce compte et retirer seul les sommes figurant sur son livret A ou livret jeune, sauf opposition explicite de la part de ses parents ou tuteur. Dans tous les cas, les parents ont la responsabilité des fonds et des mouvements sur les comptes et sont responsables des dettes de leur enfant mineur.
Si le bail est au nom des parents, et non de l’enfant mineur, quand bien même ce dernier serait seul à occuper le logement, l’aide sera calculée sur les revenus annuels des parents et non sur ceux de l’enfant locataire, puisque par définition, il est rattaché au foyer fiscal de ses parents et que le bail est au nom des parents.
Selon l’article 414 du code civil, la majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, chacun est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance.
C’est donc à 18 ans que cesse l'autorité parentale sur les enfants. Dans la pratique, cela signifie que le majeur de 18 ans n'a plus besoin, en aucune circonstance, de l'autorisation de ses parents. Il peut donc librement choisir son domicile, ses études, sa profession. Il peut librement se marier, acheter et vendre, faire une donation ou un testament, devenir commerçant, contracter des dettes.
Si le locataire mineur, occupant d’un logement dont le bail a été signé par ses parents, représentants légaux, devient majeur en cours de bail, cette majorité n’a pas pour effet de mettre un terme au bail, dès lors que le locataire est toujours présent dans les lieux.
Le bail se poursuit au profit du locataire devenu majeur, sans qu’il soit nécessaire d’établir un avenant.
Les conséquences de la majorité sur le bail conclu initialement au profit d’un locataire mineur se situent en matière de responsabilité civile, puisque la présomption de responsabilité des parents cesse automatiquement par l’effet de la majorité.
Le locataire devenu majeur sera seul et unique responsable des dégradations commises dans le logement, ou des manquements à l’obligation de jouissance paisible, sans que la responsabilité du représentant légal ne puisse être recherchée par le bailleur.
De même, le locataire devenu majeur devient seul et unique redevable du paiement du loyer et des charges, sans que le bailleur puisse se retourner contre ses parents, sauf, bien sûr si ces derniers se sont portés caution lors de la signature du bail.
Dans la plupart des cas cependant, ce seront les parents qui continueront à régler le loyer, dès lors que l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants, assumée par les parents, ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur, notamment s’il poursuit ses études et qu’il n’est pas autonome financièrement (article 371-2 du code civil).
Pour autant, en cas d’impayés de loyers, la procédure devra être dirigée contre le locataire devenu majeur ; si la dette de loyer est composée pour partie, de loyers dus lorsque le locataire était encore mineur, il est prudent de mettre en cause le représentant légal.
Le bailleur a donc tout intérêt à demander au représentant légal du mineur locataire, de se porter également caution des engagements du locataire (dans le respect du formalisme de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989).
Me Frédérique Polle avocat à Agen
Source : 25 millions de propriétaires • N°février 2019
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Jusqu’en 2002, le silence de la loi était à interpréter. Le bailleur pouvait demander les documents utiles. Mais côté propriétaire bailleur comme côté candidat locataire, ce flou était un risque de litiges. Les autorités ont fini par s’emparer du sujet en déterminant, en 2002, une liste de documents interdits, liste qui s’est allongée en 2007 puis en 2010 pour aboutir à une liste assez longue (17 documents) réduisant ainsi la liberté du propriétaire bailleur.
La loi ALUR de 2014 a marqué un vrai changement en inversant la règle, en posant le principe d’une liste dite positive de documents, un gain de simplicité même si cela est plus restrictif.
Ainsi l’article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989 a été profondément remanié et énonce désormais : « La liste des pièces justificatives pouvant être exigées du candidat à la location ou de sa caution par le bailleur (...) est définie par décret en Conseil d'Etat...»
La liste exhaustive des pièces justificatives est donc issue d’un décret[1] de novembre 2015.
Pour que cela soit plus compréhensible et insusceptible d’interprétation, sans que cela conduise à des dossiers trop volumineux, quatre catégories de documents ont été fixées, avec pour chacune d’entre elles, un ou plusieurs documents que le bailleur choisit de demander au candidat locataire et à sa caution.
Ces listes sont longues, la fiche candidat locataire est le bon moyen de ne pas oublier de document et d’être sûr de ne pas demander un document non autorisé. Elle peut être composée d’une partie identification du candidat (nom, prénom, adresse, date de naissance, numéro de téléphone, mail, montant des revenus...) et d’une partie déterminant les pièces à remettre en fonction du statut notammment professionnel de chacun. Cette fiche peut également être complétée par la ou les cautions.
On ne cessera pas de le répéter, il ne faut jamais signer un contrat de location avant l’obtention de toutes les pièces justificatives, la fiche candidat trouve toute son importance ici.
Elle n’a aucun caractère obligatoire malgré tout, le candidat locataire n’est aucunement obligé de la remplir mais elle permet de cadrer efficacement la mise en location, l’organisation des visites sur présentation du dossier complet de candidat locataire. Renseignez-vous auprès de votre UNPI locale.
Il s’agit de savoir sous quel format les pièces justificatives doivent être remises au bailleur. Papier ou numérique ? L’article premier du décret de 2015 apporte la réponse :
« III. - Les pièces produites peuvent être des copies des documents originaux. Elles sont rédigées ou traduites en langue française et les montants inscrits convertis en euros. Les documents originaux doivent pouvoir être présentés à la demande du bailleur. »
La dématérialisation doit rester au stade de l’information. Les candidats locataires envoient très souvent leur dossier par courrier électronique pour un gain de temps, avec une résolution (qualité) plus ou moins élevée, voire des difficultés de lisibilité de certaines informations. Il faut exiger la remise de photocopies des documents d’une parfaite lisibilité ainsi que la présentation des originaux pour vérification.
Les pièces justificatives diffèrent peu et, pour des raisons pratiques évidentes, il faut être attentif au lieu de résidence de la caution. Il est quelque peu protégé par la loi.
L’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 précise que le bailleur ne peut pas refuser une caution de nationalité française ou étrangère domiciliée en France ou département, région, collectivités d’outre-mer. A contrario, il peut refuser une caution, de nationalité française ou étrangère, domiciliée à l’étranger.
Un garant domicilié à l’étranger pose des problèmes de droit et de coût. Comment vérifier la solvabilité si les documents étrangers, même traduit en français, sont de fond et de forme différents ? En cas d’impayé, comment poursuivre le garant à l’étranger ? Autant de questions auxquelles il semble difficile de répondre.
La loi ALUR a mis en place une amende administrative, inscrite à l’article 22-2 de la loi de 1989, à l’encontre du bailleur qui ne respecterait pas la liste exhaustive.
Cette amende est prononcée par le préfet, le montant ne peut être supérieur à 3 000 € pour une personne physique et à 15 000 € pour une personne morale et il est proportionné à la gravité des faits. Elle ne peut être prononcée plus d'un an à compter de la constatation des faits et est prononcée après que l'intéressé ait été informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé.
Il faut ajouter, par décret de 2019[3], que la procédure s’est enrichie de sécurité pour le bailleur avec des précisions sur la procédure d’information par le préfet et la possibilité de présenter ses observations. Un article 1-1 a ainsi été ajouté au décret de 2015, cette information mentionne les faits reprochés, le montant de l'amende envisagé et que le bailleur intéressé doit présenter ses observations dans le délai de deux mois.
A cela, une sanction civile peut s’ajouter si le candidat locataire engage une instance pour l’indemnisation de son préjudice. Il ne faut donc pas déroger à la liste compte tenu des sanctions.
L’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 pose le principe du droit au logement et y intègre le principe de non-discrimination à l’alinéa 3 : « (...) Aucune personne ne peut se voir refuser la location d'un logement en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé, son handicap, ses mœurs, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (...). »
Lors de l’examen des pièces justificatives, le propriétaire bailleur ne doit pas rejeter un dossier au regard des qualités de la personne. Il doit se fonder sur des critères objectifs de solvabilité ayant trait à sa situation financière, aux garanties qu’il présente comme : le revenu, la situation professionnelle (CDI, CDD), la présence ou non d'une personne se portant caution, une garantie Visale, l’éligibilité à une GLI.
L’objectivité c’est aussi des règles identiques applicables à l’ensemble des candidats locataires. Le propriétaire bailleur ne doit donc pas se déterminer sur des aspects qui, mêmes logiques et raisonnables selon son analyse, pourraient entrer dans un cas de discrimination comme refuser de louer une maison de 70 m² avec 3 chambres à une famille avec 5 enfants[4], de louer un appartement au 3ème étage sans ascenseur à une personne âgée ou encore un appartement de 25m² à une personne avec deux labradors...
Dans les grandes villes plus particulièrement, où le marché locatif est le plus tendu, la non-discrimination peut être vérifiée par le « testing ». De faux candidats se présentent à la location des mêmes logements avec des profils différents de nationalité, de situation professionnelle et familiale pour vérifier les bonnes pratiques du bailleur. Elle peut être initiée par des associations. Cette pratique du testing est admise comme preuve devant les tribunaux.
L’auteur d’une discrimination à la location (propriétaire ou mandataire agence par exemple) encourt une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Il s’agit d’un délit inscrit à l’article 225-2 du Code pénal.
Selon l’article 1er de la loi de 1989, le bailleur devra apporter la preuve de la non-discrimination à la location en cas de procédure lancée par un candidat locataire refusé.
Le candidat locataire pourrait aussi engager une procédure civile pour obtenir une indemnisation de son préjudice.
Que vous a apporté la fixation d’une liste positive des pièces justificatives pouvant être demandées aux candidats locataires ? Est-elle suffisante ?
La fixation de la liste effraie les propriétaires. Alors que les obligations pesant sur les bailleurs sont de plus en plus nombreuses et contraignantes (règles de conformité, performance énergétique, critères de décences, loyers encadrés…) le locataire lui voit ses obligations allégées notamment lorsqu’il se porte candidat pour la location d’un bien.
Louer son logement à un locataire sérieux revêt un caractère très aléatoire maintenant, pour un propriétaire. Il est compliqué pour un non-professionnel de le faire.Comment sensibilisez-vous vos équipes à la notion très sensible de la non-discrimination des candidats locataires ?
Notre cabinet applique depuis longtemps des règles de non-discrimination et n’a pas attendu les nouvelles dispositions. Nous appliquons en revanche, des règles strictes d’analyse du dossier basées sur des éléments factuels. Nous rappelons que le professionnel à l’obligation de vérifier la solvabilité du preneur.
Faites-vous face à des dossiers contenant des documents frauduleux et avez-vous recours à des dispositifs de vérification spécialisés ?
Oui, beaucoup de dossiers frauduleux émanant de locataires recherchant des biens à des loyers importants. Il est indispensable de vérifier tous les documents lorsque cela est possible. En effet, certains confrères et employeurs refusent de nous répondre, ce qui ne facilite pas les choses. Cela devrait être une obligation pour prétendre à louer un logement.
La liste des pièces justificatives se réduisant, cela donne moins de possibilité de vérification.
Pour finir, avez-vous quelques recommandations à donner à nos adhérents qui doivent choisir un locataire sur la base de l’examen de dossiers de candidats ?
- Vérifier le salaire et son adéquation avec le type d’appartement recherché
- Vérifier l’ensemble des documents : avis d’imposition, employeur, et règlement de l’ancien loyer
- Vérifier la stabilité du locataire (qu’il ne déménage pas tous les ans)
Il s’agit de détecter, dans la mesure du possible, les documents frauduleux. Face à l’impossibilité de s’assurer de l’authenticité de toutes les pièces justificatives, sauf à avoir recours à une société spécialisée et payante, un principe est à retenir : la cohérence des documents !
Il n’existe pas de système de vérification d’une pièce d’identité française ou étrangère, seuls des professionnels dont c’est le métier disposent d’une connaissance et des équipements nécessaires.
Cette preuve de paiement des loyers précédents ne contient aucune mention obligatoire du nom du bailleur ou de l’adresse du logement mais uniquement des sommes versées conformément à la lettre de l’article 21 de la loi de 1989. Le point noir des quittances est l’impossibilité de vérifier leur authenticité, même signées du bailleur, c’est invérifiable sans comparaison possible.
Le service de vérification des avis d'impôt sur le revenu en ligne est un service permettant de vérifier l'authenticité de l'avis ou du justificatif d'impôt sur le revenu présenté par un candidat locataire (www.impots.gouv.fr/secavis/).
Il faut saisir les deux identifiants personnels figurant sur l’avis d’imposition : le numéro fiscal et la référence de l’avis d'impôt.
Si ces références sont valides, l'adéquation des données permet de s'assurer de l'authenticité du document. Il peut y avoir une différence liée à une modification du document par le contribuable (déclaration rectificative par exemple). Il convient alors de lui demander un document plus récent.
Il s’agit de vérifier certaines mentions sur les trois derniers bulletins, il est impossible de demander celui de décembre qui fait le cumul s’il ne fait pas partie des trois derniers.
Relever la date et le salaire versé est insuffisant, il faut s’attarder sur :
Il reste possible de contacter l’employeur, il est libre de ne pas répondre à la sollicitation.
Depuis le 1er janvier 2017, les bulletins de paie peuvent être dématérialisés avec accord du salarié. Cette dématérialisation peut accroître le problème des documents falsifiés.
Le CEV, cachet électronique visible, est un système d’authentification du document papier ou numérisé. Il apparaît sous forme d’un QR code apposé sur le document dès sa production, les données peuvent alors être vérifiées en utilisant une application de lecture sur tablette ou smartphone. Il est non obligatoire et donc encore plutôt rare, on le trouve plutôt dans les grandes entreprises.
L’agent immobilier chargé de la mise en location doit vérifier les pièces avec un œil averti sans avoir celui d’un professionnel de l’authenticité de documents.
Une décision de la Cour d’appel de Grenoble est un bon exemple[5] : le professionnel n’avait pas vérifié la solvabilité et les justificatifs d’emploi qui étaient des faux visibles (pas de cachet de l’entreprise sur l’attestation d’emploi, identité de l’employeur incertaine, bulletins de salaire incomplets et absence de l’avis d’imposition sur le revenu). L’agent immobilier a été condamné à indemniser le propriétaire bailleur à hauteur d’environ 3000 €, le locataire étant parti en laissant une dette locative. Le lien entre la négligence du professionnel chargé de la location et le préjudice du bailleur était évident.
Si dans cette affaire le professionnel a été condamné, c’est que la situation frauduleuse était visible sur simple lecture des documents et vérification de l’existence de la société, soit par de simples recherches sur internet à la portée de tout professionnel gestionnaire.
Deux qualifications pénales sont possibles :
- le faux prévu à l’article 441-1 du Code pénal 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende : « Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. (...) »
- l’escroquerie avec une sanction encourue plus lourde de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. L’escroquerie est définie à l’article 313-1 du Code pénal comme « le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. »
Cette qualification a été retenue par la Cour d’appel de Paris en 2009[6], condamnant ainsi un locataire ayant fourni trois faux bulletins de paie et une fausse attestation employeur. Le bailleur a été trompé, il croyait louer à une personne présentant des garanties suffisantes d’emploi.
Quelles pièces justificatives sont indispensables pour répondre à toute situation de difficultés avec le locataire ?
D’un point de vue judiciaire, plus le propriétaire bailleur peut recueillir de pièces, plus les situations de difficultés pourront être évitées ou résolues. Partant de ce postulat, chaque document est par essence indispensable : une pièce d’identité avec l’état civil complet, ou un extrait Kbis, est indispensable à tout huissier de justice pour l’exécution des décisions de justice obtenues contre le locataire ou la caution ; le contrat de travail et les bulletins de salaire permettent la saisie des rémunérations ; les avis d’impositions déterminent l’assiette du ménage et le cas échéant le nombre d’enfants à charges, etc…
Le propriétaire bailleur qui loue à un étudiant étranger avec un titre de séjour en cours de validité au moment de l’examen de son dossier, mais qui ne serait pas renouvelé par la suite, s’expose-t-il à une sanction judiciaire ?La sanction serait, si le bailleur a connaissance de l’expiration du titre de séjour mais ne réagit pas, une sanction pénale.
L’article L. 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit en effet des sanctions pénales à l’encontre de toute personne qui aurait facilité le séjour irrégulier d’un étranger en France. Ce texte a déjà été appliqué à l’encontre de propriétaires privés, mais visent surtout à inquiéter les marchands de sommeil (Cass. crim. 13 novembre 2018, n°18-80027).
A noter, en cas de souscription d’un contrat d’assurance garantie loyers impayés, que certaines compagnies demandent un titre de séjour avec une durée de validité d’au moins 6 mois à la signature du bail.
Quels conseils donneriez-vous à un adhérent afin qu’il ne s’expose pas à être accusé de discrimination à la location ?
Aux termes des dispositions de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989, aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire défini à l’article 225-1 du code pénal.
En pratique, les cas en jurisprudence sont rares, peu de locataires agissant en justice contre le propriétaire bailleur en cas de refus de prise de location. Néanmoins, et pour éviter l’accusation de pratiques discriminatoires, le refus doit naturellement être motivé par des considérations non visées aux dispositions de cet article.
Par exemple, il a déjà pu être jugé que la preuve du caractère discriminatoire du refus ne pouvait être déduite de la seule analyse financière du dossier (Trib. Corr. Saint-Etienne, 3 avril 2008). De même, n’est pas discriminatoire le fait de refuser une location au motif, débattu en justice, de la constitution de suretés de nature à garantir le paiement des loyers par un locataire non ressortissant de l’Union européenne (Cass. 3e civ, 19 mars 2003, n°01-03730).
Face à des pièces justificatives frauduleuses, le bailleur devra-t-il prouver un préjudice : impayé de loyers, de réparations locatives ; pour obtenir la résiliation du bail ?
Conformément aux dispositions générales de l’article 1741 du Code civil, et des dispositions spéciales des articles 7 et 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, seul le défaut du preneur de remplir ses engagements permet la résiliation du contrat. En elle-même la fourniture de pièces frauduleuses, en l’absence de préjudice (impayé de loyers, dégradations, absence d’assurance), ne paraît donc pas être un motif suffisant de résiliation par devant un juge.
Il pourrait toutefois être allégué l’existence d’un dol ayant vicié le consentement du bailleur ; néanmoins ce dol, pour entraîner la nullité du contrat de location au visa des dispositions de l’article 1137 du code civil, nécessite la démonstration de l’intention dolosive du locataire… et surtout le succès par devant le juge.
[1] Décret n°2015-1437 du 5 novembre 2015
[2] La référence à la mention de la signature sur la pièce d’identité a été supprimée par décret n°2019-1019 du 3 octobre 2019, la signature n’étant pas présente sur les pièces d’identité de certains pays
[3] Décret n° 2019-437 du 13 mai 2019 relatif aux modalités d'application de la mise en demeure en cas de non-respect du dispositif expérimental d'encadrement du niveau des loyers et au recouvrement des amendes administratives dans le cadre des rapports locatifs
[4] Minimum pour occupation normale : 9 m2 pour une personne seule, 16 m2 pour un couple et 9 m2 par personne supplémentaire
[5] CA Grenoble, 1re ch., 2 avril 2019, n°17/03028
[6] CA Paris, 9ème ch. Correctionnelle B, 11 mars 2009
Céline Capayrou
Source : 25 millions de propriétaires • N°décembre 2019
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Selon l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989, le contrat de location précise, notamment, le montant du loyer, ses modalités de paiement ainsi que ses règles de révision éventuelle (6°), le montant et la date de versement du dernier loyer appliqué au précédent locataire, dès lors que ce dernier a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail (8°), la nature et le montant des travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat de location ou depuis le dernier renouvellement du bail (9°).
Ainsi, à l’occasion du départ d’un locataire, le bailleur qui souhaite réaliser des travaux dans le logement avant la signature d’un nouveau bail, dispose de toute latitude pour fixer le nouveau loyer et l’augmenter s’il le désire, selon le principe de libre fixation du loyer, rappelé à l’article 17 (II) de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi Elan du 23 novembre 2018, à la condition toutefois de justifier de la nature et du montant des travaux effectués et pouvant justifier l’augmentation du loyer entre le précédent locataire et le nouveau.
Citons également la possibilité offerte aux parties de convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer. L’article 6 (a) de la loi du 6 juillet 1989 permet une telle clause, laquelle doit prévoir la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées. Toutefois, cette clause ne peut concerner que des logements répondant aux normes réglementaires de décence telles qu'elles ont été fixées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
Dans ce cas, il ne s’agira pas d’augmentation de loyer, mais au contraire, d’une diminution du loyer pendant une durée déterminée.
Le sujet qui nous occupe aujourd’hui ne concerne pas ces situations, mais plutôt celle résultant des dispositions de l’article 17-1.
Le paragraphe I rappelle les conditions de révision du loyer, chaque année à la date convenue entre les parties ou à défaut, au terme de chaque année du contrat, la variation ne pouvant excéder à la hausse, la variation de l’indice IRL (indice de référence des loyers publié par l’INSEE).
Mais le paragraphe II de l’article 17-1 dispose que « lorsque les parties sont convenues, par une clause expresse, de travaux d’amélioration du logement que le bailleur fera exécuter, le contrat de location ou un avenant à ce contrat peut fixer la majoration du loyer consécutive à la réalisation de ces travaux. Cette majoration ne peut faire l’objet d’une action en diminution de loyer. »
Il résulte de ces dispositions que les parties peuvent convenir, lors de la signature du contrat de location, mais également pendant le cours du contrat, que le bailleur fera exécuter des travaux d’amélioration du logement. La demande de travaux peut émaner du locataire.
Nous sommes en matière contractuelle et par conséquent, l’accord des parties, bailleur et locataire, est exigé, au moyen d’une clause expresse, et donc écrite, ou par un avenant au bail.
La clause ou l’avenant, doit préciser les travaux qu’elle vise, mais également leur date d’exécution et la durée, ainsi que la majoration de loyer qui en résultera.
Le texte vise les travaux d’amélioration du logement.
Selon la jurisprudence, les travaux d'amélioration sont entendus comme ceux apportant un équipement nouveau, un service ou une qualité supérieure au niveau des prestations existantes, ou apportant une qualité permettant de diminuer d'une façon certaine les dépenses d'entretien ou d'exploitation, ou apportant une plus grande sécurité pour les biens comme pour les personnes.
Une réponse ministérielle du 06 avril 1992 a repris cette définition, tout en rappelant qu’il appartenait au juge compétent, éventuellement saisi en cas de litige portant sur une contestation des travaux, de se prononcer souverainement sur la qualité de travaux d'amélioration : « Tant la diversité des immeubles bâtis que la nature des travaux qui peuvent y être réalisés, rendent particulièrement délicate l'élaboration d'une liste précise de ces travaux d'amélioration. » (Rép. min. n°51417 : JOAN, 6 avril 1992, p. 1623)
Il n’y a donc pas de liste de référence.
Il s'agit de tous les travaux non strictement indispensables ou obligatoires au regard de l'obligation de délivrance et d'entretien du bailleur prévue tant par le Code civil que par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, et qui ont pour objet de rendre l'immeuble meilleur, qu'il s'agisse des parties privatives ou communes.
Par conséquent, sont exclus les travaux qui relèvent de l’entretien courant, ou qui seraient des travaux de remise en état nécessaires suite à de la vétusté ou de l’usure normale. Il ne peut pas s’agir, non plus, de travaux relevant de la catégorie des grosses réparations incombant au bailleur, pour assurer le clos et le couvert, par exemple.
Au titre des améliorations, la jurisprudence, émanant essentiellement des cours d’appel, puisque la question relève de l’appréciation souveraine des juges, a pu retenir la pose de carrelage en remplacement d'une plaque de stratifié, la pose de menuiseries, la pose d'éléments de salle de bain, ou d’une hotte dans la cuisine.
Il a également été jugé que la pose de fenêtres à double vitrage ainsi que l’installation d’un chauffage électrique rayonnant dans l’appartement constituaient des travaux d’amélioration, en ce qu’ils constituaient des éléments d’équipement nouveaux d’une qualité supérieure. (CA DIJON – 13/02/2004).
A contrario, des travaux de réfection de peintures, de ponçage, de revêtement de sol, ne peuvent entrer dans la catégorie des travaux d’amélioration.
Si la pose d’éléments de salle de bains a pu être retenue comme constituant une amélioration, il en va différemment du simple remplacement des équipements, dès lors qu’il n’est pas démontré que les nouvelles installations ont apporté un meilleur confort ou des prestations complémentaires (CA PARIS 30/09/1994).
De même, n’ont pas été considéré comme des travaux d’amélioration, ceux ayant consisté à remplacer une chaudière au fuel par une chaudière au gaz dès lors que le bailleur ne démontrait pas, d'une part, que ces travaux ont été entrepris dans un autre but que de changer une installation devenue vétuste, ni, d'autre part, que les avantages du nouveau système de chauffage par le gaz ont directement et individuellement profité aux locataires, ni que les prestations ont été sensiblement améliorées (CA Paris 10/05/1994).
S’agissant des parties communes de l’immeuble, l’installation d’un digicode a été considérée comme une amélioration dès lors qu’elle apporte une plus grande sécurité de l’immeuble et de ses occupants (CA PARIS 06/05/1993).
Il en est de même d’un lecteur de carte magnétique d’accès au garage (CA PARIS 03/11/1992).
En revanche, les travaux de ravalement des murs, la réfection de la toiture et le changement des tapis de l'escalier, ou la réfection du dallage dans l’entrée de l’immeuble, ne constituent pas des travaux d’amélioration permettant d’augmenter le loyer (CA Paris 13/02/1996).
Il s’agit tout d’abord d’une majoration définitive qui ne peut s’appliquer qu’une fois les travaux exécutés. Il n’est donc pas possible de prévoir une augmentation progressive du loyer pendant les travaux, au fur et à mesure de l’avancement de ceux-ci.
Le montant du nouveau loyer applicable une fois les travaux terminés, est fixé librement entre les parties. Le bailleur n’a donc pas à rechercher des références aux loyers pratiqués dans le voisinage ni à en justifier. Selon l’article 17(II) de la loi du 6 juillet 1989, la fixation du loyer des logements mis en location est libre.
Il n’y a donc aucune règle prédéfinie de calcul de la majoration. Le bailleur peut cependant se référer au montant global des travaux d’amélioration, limité, bien sûr à la quote-part afférente au logement loué. Mais encore faut-il qu’au moment où il signe le bail avec la clause expresse ou lors de la signature de l’avenant (en cours de bail, par exemple), le bailleur ait déjà établi un budget prévisionnel des travaux d’amélioration ou dispose de devis.
De même, la majoration du loyer après travaux d’amélioration doit être acceptable pour le locataire, de sorte que celle-ci doit rester raisonnable.
Plusieurs cas de figure peuvent se présenter.
Tout d’abord, si le bailleur ne réalise pas les travaux convenus, contrairement à son engagement écrit, le supplément de loyer ne s’appliquera pas.
Si les travaux s’avèrent non conformes à ce qui a été expressément convenu, le locataire sera en droit de demander la résolution de la clause avec éventuellement des dommages et intérêts pour le préjudice subi (notamment le préjudice de jouissance pendant le temps des travaux).
Dans l’hypothèse où la non-réalisation des travaux n’est pas imputable au bailleur, la clause n’encourt pas pour autant l’annulation ou la résolution, et le locataire ne pourra pas solliciter de dommages-intérêts. L’exemple le plus courant est celui de travaux ne pouvant en réalité être décidés que par l’assemblée générale des copropriétaires, telle la création d’un ascenseur.
De même, le consentement du locataire à la signature du bail peut dépendre de la réalisation des travaux d’amélioration. Or, si le bailleur ne respecte pas son engagement contractuel, le locataire pourrait obtenir la résiliation du bail aux torts du bailleur, à condition, cependant, de rapporter la preuve de l’existence d’une condition déterminante lors de la signature.
L’exemple est celui de travaux destinés à rendre le logement adapté au locataire, personne à mobilité réduite, élément déterminant de son consentement, et que le bailleur n’exécute pas.
Du point de vue du locataire, bien évidemment, si ce dernier ne respecte pas la clause, soit en empêchant les entreprises d’intervenir, soit en ne payant pas la majoration de loyer une fois les travaux réalisés, il s’expose à une procédure en résiliation judiciaire du bail pour non-respect des engagements contractuels, ou à une procédure de résiliation de plein droit pour défaut de paiement.
La liberté contractuelle est le principe. Dès lors, il est dans l’intérêt des parties de rédiger une clause (ou un avenant, si c’est en cours de bail) la plus précise possible, quant à la nature des travaux d’amélioration, la date de leur réalisation, la durée prévisible, et bien sûr, le montant de la majoration, en rappelant que cette majoration sera due lorsque la totalité des travaux sera réalisé (par exemple, le mois suivant la fin des travaux).
Me Frédérique Polle • Avocat
Source : 25 millions de propriétaires • N°décembre 2019
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