Il convient de se référer aux dispositions des articles 1224 et suivants du Code Civil qui traitent spécifiquement de la résolution des contrats. L’article 1224 prévoit que les modalités de résolution des contrats sont « soit l’application d’une clause résolutoire, soit en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice ».
La réforme du droit des obligations issue de l’ordonnance du 1er octobre 2016 a introduit une nouvelle modalité de résolution des contrats par notification à l’initiative du créancier, prévue par l’article 1226 que nous n’évoquerons pas ici. En effet, elle semble difficilement applicable car l’expulsion ne peut être poursuive qu’en exécution d’une décision de justice qui la prononce ; or cette possibilité de résolution vise à permettre aux parties d’éviter de saisir le juge pour mettre fin au contrat.
Nous n’aborderons donc que la résolution judiciaire et la mise en œuvre de la clause résolutoire : si la finalité de ces actions est la même, les procédures et les conditions de leur mise en application sont différentes.
Cette procédure relève du droit commun des contrats et résulte de l’article 1227 du code civil qui prévoit que « la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice ».
Le bailleur, qui constate que son locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles, pourra ainsi demander au juge de prononcer la résiliation du contrat et de statuer sur ses conséquences, en prononçant notamment l’expulsion du preneur conduisant à la reprise des locaux par le bailleur et sa condamnation à réparer les conséquences de l’inexécution contractuelle qui a conduit à la résolution.
Le juge, en vertu de son appréciation souveraine des faits qui lui sont soumis par les parties, devra alors examiner les manquements du preneur allégués par le bailleur et apprécier si ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat.
Le bailleur qui voudra s’engager dans cette voie, devra donc fournir un dossier suffisamment étayé pour obtenir la résiliation du bail, qui constitue la sanction la plus lourde pour le preneur, puisqu’elle met un terme au contrat. Le bail commercial étant un élément essentiel du fonds de commerce, le juge sera donc particulièrement vigilant et le bailleur devra tout d’abord être en mesure de justifier qu’il a régulièrement mis en demeure son locataire de respecter ses engagements contractuels et que celui-ci ne s’est pas exécuté.
Si cette preuve est relativement simple lorsqu’il s’agit d’un défaut de paiement de loyer ou des charges, le respect d’autres obligations justifiera que le bailleur en rapporte la preuve par tous moyens, le plus souvent en faisant établir un constat d’huissier. Ce sera le cas, par exemple, lorsqu’il s’agit de démontrer que le locataire ne respecte pas l’obligation d’exploiter les lieux loués ou de les exploiter personnellement ; qu’il exploite dans les lieux loués une activité non autorisée par les dispositions contractuelles ; voire encore lorsqu’il s’agit de rapporter la preuve de travaux non autorisés ou d’un défaut d’entretien dont l’ampleur serait telle qu’elle serait susceptible de justifier la résiliation du bail et plus généralement d’un manquement du locataire à ses obligations telles qu’elles résultent du bail.
Une fois réunies les pièces permettant de rapporter la preuve du non-respect par le preneur de ses obligations, le bailleur devra donc saisir le tribunal judiciaire statuant au fond d’une action en résiliation du bail, selon les règles du droit commun.
Cependant, le succès de cette action sera subordonné à la démonstration de la gravité de la faute alléguée et le juge ne prononcera la résiliation du contrat que s’il estime que les motifs invoqués par le bailleur sont suffisamment graves.
Cette résiliation prendra effet à la date du jugement, qui devra également statuer sur les conséquences de cette résiliation. La première d’entre elles est que le locataire devient, à compter du jugement lorsque celui-ci est revêtu de l’exécution provisoire et s’il ne l’est pas dès qu’il est passé en force de chose jugée, occupant sans droit ni titre, ce qui suppose que son expulsion doit impérativement être demandée pour être ordonnée. Dans ce cas, l’huissier mettra immédiatement en œuvre la procédure d’expulsion : en effet l’expulsion d’un local commercial ou professionnel peut avoir lieu à tout moment, la trêve hivernale prévue au profit du locataire d’un bail d’habitation n’étant pas applicable. Le juge peut également condamner le locataire défaillant à régler les loyers impayés, si leur non-paiement était la cause de la résiliation et, en toute hypothèse, au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer conventionnel, jusqu’à la parfaite libération des lieux. Il peut aussi, en fonction des motifs ayant justifié la mise en œuvre de la résiliation judiciaire du bail, condamner le preneur à remettre en état les lieux, si un défaut d’entretien lui était imputable. Le tribunal a également la faculté d’accorder des dommages et intérêts au bailleur, à condition bien entendu que celui-ci justifie d’un préjudice en relation avec la résiliation du bail et l’évalue.
En toute hypothèse, le bailleur devra être vigilant et prendre en compte dès l’assignation introductive d’instance toutes les conséquences de la résiliation dont il demande le prononcé car le juge ne se prononcera que sur ce qui lui est expressément demandé.
La procédure judiciaire, obligatoirement engagée devant le juge du fond par ministère d’avocat constitué, sera donc relativement longue, sauf en cas d’autorisation d’assigner à jour fixe, car le locataire aura souvent à cœur de démontrer que le manquement à ses obligations que le bailleur lui reproche n’est que la conséquence des manquements de celui-ci à ses propres obligations, pour tenter d’éviter la résiliation de son bail.
Plus simple est la mise en œuvre de la résiliation du bail par constat de l’acquisition de la clause résolutoire, à condition qu’elle soit contractuellement prévue.
La mise en œuvre de la clause résolutoire est prévue par l’article 1225 du Code civil qui prévoit : « La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entrainera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait de la seule inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. »
Cette procédure, engagée devant le juge des référés, est donc beaucoup plus rapide, mais suppose, d’une part, qu’une clause résolutoire suffisamment précise ait été prévue et, d’autre part, que le bailleur suive la procédure prévue pour sa mise en œuvre.
Dans un bail commercial, la mise en œuvre de la clause résolutoire résulte des dispositions de l’article L 145-41 du Code de commerce qui prévoit que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code de commerce peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets de la clause de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. » Ce mécanisme est donc prévu et encadré par la loi en ce qui concerne les baux commerciaux. S’agissant des baux professionnels, il y a lieu de se référer au droit commun des contrats qui rappelle à l’article 1224 du Code civil que la résolution peut résulter de « l’application d’une clause résolutoire ». La clause doit donc être prévue au bail et préciser de manière explicite les obligations auxquelles elle s’applique et les conditions de sa mise en œuvre.
Ainsi, si la clause résolutoire ne vise que le défaut de paiement des loyers, le bailleur ne pourra pas la mettre en œuvre pour un manquement du locataire à une autre de ses obligations, comme par exemple l’obligation d’exploiter ou de respecter la destination des locaux prévue au bail. Le bailleur doit donc apporter un soin tout particulier à la rédaction de la clause résolutoire, puisque son mécanisme est automatique et qu’il ne laisse aucun pouvoir d’appréciation au juge, sous réserve bien évidemment qu’il soit mis en œuvre de bonne foi par le bailleur.
En matière de baux commerciaux, la loi prévoit expressément les conditions de la mise en œuvre de la clause résolutoire : il appartient au bailleur de délivrer un commandement délivré par un huissier de justice visant expressément cette clause et le manquement constaté, laissant au locataire un délai d’un mois pour y remédier. Si le locataire exécute les obligations visées par le commandement qui lui a été délivré dans le délai d’un mois qui lui était imparti, la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué. En revanche, si à l’expiration du délai d’un mois qui est laissé au locataire pour se mettre en conformité, celui-ci n’en a rien fait, le bailleur peut alors solliciter du juge des référés du tribunal judiciaire, territorialement compétent, de constater l’acquisition de la clause résolutoire.
Le juge n’aura alors aucun pouvoir d’appréciation et devra simplement vérifier que les obligations visées par le commandement n’ont pas été respectées par le locataire qui ne les a pas régularisées dans le délai d’un mois et il prononcera en conséquence, à l’expiration de ce délai, la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, à moins que le locataire n’en demande la suspension des effets moyennant un échéancier de règlement. Dans le cas où le juge fait droit à cette demande, la résolution du bail est suspendue pendant la durée de l’échéancier consenti, tant que celui-ci est respecté. S’il est intégralement respecté, la clause résolutoire sera supposée ne jamais avoir joué et le bail reprendra son cours normal. Dans le cas contraire, la résiliation sera immédiate et le locataire devra régler la totalité des sommes restant dues, sans qu’il soit nécessaire de revenir devant le juge.
La décision qui constate l’acquisition de la clause résolutoire prononce également l’expulsion du locataire, devenu occupant sans droit ni titre et sa condamnation au paiement de l’indemnité d’occupation depuis la date de résiliation du bail jusqu’à la libération effective des lieux, ainsi qu’au paiement des loyers impayés à raison desquels la procédure a été engagée.
L’ordonnance de référé est exécutoire de droit par provision, le bailleur pourra donc immédiatement, sauf octroi de délais, mettre en œuvre l’expulsion de son locataire et procéder au recouvrement des condamnations. Cette procédure est donc relativement simple mais ne peut s’appliquer qu’aux situations expressément prévues par la clause contractuelle. Cette procédure devra aussi être dénoncée aux créanciers bénéficiant d’inscriptions sur le fonds de commerce.
Le non-paiement des loyers est souvent le symptôme de graves difficultés financières du locataire qui pourra faire l’objet d’une procédure collective.
Les effets de la résiliation du bail pouvant être paralysés par le locataire (même une fois que la décision a été rendue) par l’ouverture à son profit d’une procédure collective, il est important d’agir rapidement en cas de défaut de paiement des loyers et donc de privilégier la procédure de constat d’acquisition des effets de la clause résolutoire. En effet, la décision prononçant la résiliation du bail n’est susceptible d’être exécutée que si elle résulte d’une décision passée en force de chose jugée, c’est-à-dire insusceptible d’un recours suspensif d’exécution, avant l’ouverture d’une procédure collective. Si un jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire intervient avant que la décision constatant la résiliation du bail ne soit passée en force de chose jugée, elle ne pourra pas être exécutée, ce qui se comprend parfaitement puisque le bail commercial est un des actifs principaux d’un fonds de commerce. Dans ce cas, le bailleur sera soumis aux règles de la procédure collective et devra déclarer sa créance antérieure au jugement d’ouverture, qui sera éventuellement payée conformément aux dispositions d’ordre public résultant du droit des procédures collectives, qui interdit le paiement des créances antérieures à compter de l’ouverture de la procédure ; seuls les loyers postérieurs au jugement d’ouverture, que le mandataire judicaire est tenu de régler s’il souhaite conserver le bénéfice du bail pour le redressement ou la cession de l’entreprise, peuvent bénéficier d’un paiement privilégié. Le bailleur se trouvera alors soumis aux nécessités de la procédure collective, notamment en cas de cession du droit au bail dans le cadre d’un plan de continuation ou d’un plan de cession, où le bailleur risque de se voir imposer un nouveau co-contractant.
Il est donc très important d’agir rapidement, dès les premiers impayés, pour obtenir dans les meilleurs délais une ordonnance constatant la résiliation du bail. La rapidité d’action est toujours un gage d’efficacité, pour le bailleur bien entendu, mais également pour le preneur, afin d’éviter un accroissement excessif de la dette locative et lui permettre le cas échéant de la régulariser.
Me Stéphanie Macé, Avocat au Barreau de Toulouse
Source : 25 millions de propriétaires • N°553 juillet/août 2021
Engager une procédure judiciaire pour expulser son locataire peut s’avérer être un vrai parcours du combattant pour le bailleur et n’est possible qu’au terme d’un processus dont il est important de connaître les différentes phases.
Il est rappelé en effet que le bailleur ne peut prendre l'initiative de pénétrer dans le logement, faire changer la serrure et toucher aux meubles, sous peine de poursuites pour violation de domicile.
Plus que jamais avec les dernières réformes, le bailleur doit prendre ainsi toutes les précautions pour se prémunir contre des impayés de loyers et charges et ce dès la signature du bail.
La première des précautions à prendre est de s’assurer de la solvabilité du candidat locataire. Le bailleur doit vérifier les ressources de ce dernier. Le décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015 a fixé la liste des pièces justificatives pouvant être demandées au candidat à la location et à sa caution. Ces pièces fournies en copies doivent être vérifiées par rapport aux originaux.
Également, le bailleur a la possibilité de solliciter la caution d’une tierce personne pour sécuriser le paiement des loyers. La caution solidaire permet au propriétaire de faire appel directement à la caution dès le premier impayé. Depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, l’acte de caution s’avère dans sa rédaction plus simple. Désormais, pour les contrats conclus depuis le 25 novembre 2018, les informations qui étaient jusqu’alors requises de la main de la caution, doivent figurer dans l’acte de cautionnement, que le garant se contente de signer.
Le bailleur peut également, souscrire une assurance loyers impayés (GLI). Dans cette hypothèse, le bailleur ne peut exiger le cautionnement d'un tiers, sauf si le locataire est étudiant ou apprenti.
En cas d'éligibilité du locataire aux aides au logement, le bailleur peut demander le versement direct de ces aides.
Le locataire peut également solliciter des aides qui auront le mérite de rassurer le bailleur, tel que le dispositif VISALE, CLÉ ou la garantie LOCA-PASS.
Le bailleur doit intervenir au plus tôt, dès les premiers impayés de loyer, afin d’éviter que la dette locative ne s’aggrave. Le bailleur, attentif à la régularité des paiements, devra ainsi se rapprocher de son locataire pour comprendre l’origine de la situation d’impayé. Une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception est indispensable pour faire réagir le locataire. Si une caution personne physique a été prise, le bailleur devra en informer en parallèle la caution.
Également, le bailleur a la possibilité d’établir avec son locataire de bonne foi un plan d’apurement de la dette. Un tel accord devra être écrit, daté et signé par les parties et surtout reprendre les modalités d’apurement de la dette. Cette initiative que l’on peut qualifier de « conciliation » est très appréciée des juges et permet de justifier de la mauvaise foi du débiteur, si ce dernier ne respecte pas ses engagements.
Si le locataire est bénéficiaire d'une aide au logement, le propriétaire a l’obligation de prévenir la Caf (ou MSA) dans les meilleurs délais, afin qu'elle enclenche une procédure pour impayé. Pour la Caf (ou MSA), il y a impayé dès que la dette du locataire est égale à 2 fois le loyer net (loyer moins l'aide au logement) hors charges. Une fois que le bailleur a signalé l'impayé, la Caf (ou MSA) demande soit au bailleur qu'il mette en place un plan d'apurement de la dette, soit au fonds de solidarité pour le logement (FSL) qu'il mette en place un dispositif d'apurement de la dette. Le bailleur risque une amende de 6 754 € s'il omet de signaler l'impayé de loyer à la Caf (ou MSA).
Souvent, les démarches amiables, la mise en place d’un plan d’apurement ou l’intervention de la CAF ou de la MSA ne suffisent pas et le bailleur se voit contraint de se rapprocher d’un huissier de justice, afin de délivrer un commandement, premier acte de la procédure d’expulsion.
La situation sera différente si le bail contient une clause résolutoire et l’huissier ou l’avocat devra utilement conseiller son client à ce stade. Lorsqu’une clause résolutoire est insérée dans le bail, ce qui est le plus souvent le cas, et que le locataire ne respecte pas certaines de ses obligations découlant du bail, son contrat est en principe résilié de plein droit.
Selon l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 : « Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux (...) ».
L’huissier doit détenir du bailleur un décompte des sommes dues exempt d’erreurs, afin que le locataire puisse vérifier le bien-fondé des sommes qui lui sont réclamées. Une ventilation entre le loyer et charges est nécessaire.
Le commandement obéit à un certain formalisme, à peine de nullité. Il doit être délivré d’une part à l’occupant, et d’autre part, il doit être dénoncé à la caution dans un délai de quinze jours. A défaut, la caution ne peut être tenue au paiement des pénalités ou des intérêts de retard.
La délivrance de ce commandement ouvre un délai de deux mois au locataire pour régulariser sa dette, et un délai d’un mois pour produire son attestation d’assurance locative s’il n’a pas justifié de son assurance multirisque habitation (article 7g de la loi précitée).
Dans ce délai, plusieurs situations sont envisageables :
Si le bailleur dispose d’une assurance loyers impayés, il devra en préalable de la délivrance dudit commandement, procéder à une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d’assurance.
Si le locataire est toujours dans les lieux et persiste à ne pas régulariser sa dette, le bailleur doit engager la procédure. Le tribunal compétent est le tribunal du lieu de situation de l’immeuble.
Depuis le 1er janvier 2020, dans le cadre de la réforme judiciaire, le tribunal d’instance, initialement compétent n’existe plus, ni d’ailleurs le tribunal de grande instance. Ces deux juridictions ont été fusionnées sous une même terminologie : tribunal judiciaire. Au sein du tribunal judiciaire, le contentieux locatif au sens large a été confié au juge des contentieux de la protection.
La demande en justice est formalisée par une assignation, c’est-à-dire un acte d’huissier, aux termes duquel, dans le cadre de la mise en œuvre de la clause résolutoire, le bailleur demandera au juge de déclarer acquise la clause résolutoire, de constater la résiliation du bail, d’ordonner l’expulsion, de condamner l’occupant aux sommes dues et à une indemnité d’occupation jusqu’à son départ effectif.
Selon l’article 24 précité : « A peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l'huissier de justice au représentant de l'Etat dans le département au moins deux mois avant l'audience, afin qu'il saisisse l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (…). L'organisme saisi réalise un diagnostic social et financier, selon des modalités et avec un contenu précisés par décret, au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmet au juge avant l'audience, ainsi qu'à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes au diagnostic. »
L’organisme saisi doit en principe réaliser un diagnostic social et financier au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations et les transmet au juge avant l’audience, ainsi qu’à la CCAPEX[1]. Ce délai doit permettre, d’une part, au juge de prendre sa décision à la lumière des informations qui lui sont adressées avant l’audience, via la transmission d’une enquête sociale et, d’autre part, aux services sociaux de mettre en place un plan d’aide et de mobiliser les prestations existantes susceptibles d’aider le locataire défaillant.
Afin de prévenir les mesures d’expulsion, depuis ces dernières années, le législateur est venu renforcer les pouvoirs du juge. Désormais, le juge peut même d’office accorder des délais de paiement, non plus de 24 mois mais de 36 mois au locataire en situation de régler sa dette locative. Par ailleurs, les pouvoirs des juges sont plus étendus dès lors qu’ils peuvent vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l’obligation de décence.
Trois situations peuvent donc se présenter à l’issue de l’audience :
Dans tous les cas, tant le bailleur que le locataire peuvent interjeter appel de la décision rendue (15 jours pour les ordonnances de référé, un mois pour les jugements).
En fonction de la décision rendue, le bailleur devra à nouveau se rapprocher de l’étude d’huissier initialement mandatée lors de la délivrance du commandement de payer, lequel procédera selon les cas :
Le jour de l’intervention de l’huissier au domicile litigieux :
Lorsque son expulsion est prononcée, et à réception du commandement d’avoir à libérer les lieux, le locataire peut encore saisir le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire afin d’obtenir un délai supplémentaire pour quitter les lieux lorsque son relogement s’avère difficile. En ce sens, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
L'État est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'État de prêter son concours ouvre droit à réparation. Le bailleur qui s’est vu refuser le concours à l’exécution d’une mesure d’expulsion, peut être indemnisé, en principe à hauteur de l’indemnité d’occupation et des charges non réglées à compter de la date à laquelle le concours aurait dû être apporté, soit deux mois après la réquisition.
La demande s’effectue dans un premier temps par recours gracieux, dès le refus exprès de l'administration ou à l'expiration du délai de deux mois après le dépôt de la réquisition. La requête en indemnisation est adressée au Préfet, par lettre recommandée ou par acte d'huissier de justice (sommation simple). La responsabilité de l’État se poursuit, non pas jusqu’à la restitution des lieux au propriétaire, mais jusqu’à la date à laquelle le Préfet accorde le concours de la force publique.
Ce qui suit doit être traité dans un fond bleu pour se distinguer du reste du dossier
Par Frédéric Zumbiehl
« Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation » énonce l’article L.153-1 du Code des procédures civiles d'exécution. La responsabilité pour faute de l’Etat est engagée si le préfet refuse sans motif valable de prêter son concours à une opération d’expulsion. Mais, même en présence d’un motif légitime (par exemple un risque de trouble à l’ordre public), le refus d’exécuter un jugement d’expulsion engage la responsabilité sans faute de l’Etat (on parle de responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques).
Un propriétaire lésé par le refus du préfet d’intervenir cherchera davantage à obtenir une indemnisation qu’à contester la décision de pas intervenir. Avant de saisir le juge administratif, il devra obligatoirement adresser une demande gracieuse d’indemnisation au préfet. En effet, tout recours indemnitaire en justice suppose une décision préalable de l’administration (voir l’article R.421-1 du Code de justice administrative). La demande peut être formée dès le refus exprès de concours de la force publique ou deux mois après la réquisition d’intervenir adressée par l’huissier du propriétaire bailleur. Elle peut être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Il faut évidemment bien conserver l’accusé de réception, car la date de dépôt de la requête marquera le point de départ des intérêts moratoires en cas de recours ultérieur en justice. Le propriétaire peut adresser la demande lui-même ou par l’intermédiaire d’un avocat voire de son huissier (mais ce dernier doit alors justifier d’un mandat spécial). En cas de refus d’indemniser exprès ou de silence gardé pendant deux mois, il est alors possible de saisir le juge administratif.
En pratique, le propriétaire bailleur a de bonnes chances de se voir proposer une indemnisation amiable sous la forme d’une transaction. Une réponse ministérielle de 2008 évoque cette pratique ; conformément à des instructions ministérielles, les préfectures proposent de transiger sur une indemnité de l’ordre de 70 % à 80 % du préjudice subi par le propriétaire. « Ce dernier évite un contentieux, et l'économie réalisée en frais de procédure ainsi que la rapidité du paiement de l'indemnité transactionnelle constituent pour l'intéressé un gain non négligeable en termes de trésorerie. À défaut d'accord amiable avec les services de la préfecture, les bailleurs peuvent naturellement faire valoir leurs droits devant les juridictions administratives » (rép. min. n° 7753 : JOAN 8 janv. 2008, p. 199).
Des préfectures comme celle de Paris[2] mettent même à disposition, sur leur portail internet, des formulaires de demande d’indemnisation pour refus du concours de la force publique. Il est donc conseillé aux propriétaires de toute la France de consulter le site de leur préfecture ou d’interroger celle-ci sur l’existence de telles formulaires. Le cas échéant, de tels formulaires exigent immanquablement la production de nombreux justificatifs. La préfecture de Paris conseille de s’y prendre en amont pour obtenir entre autres un certificat de non-appel du jugement d’expulsion (à joindre à la demande d’indemnisation).
L’indemnisation est calculée principalement à partir des loyers et remboursement de charges locatives dont le propriétaire a été privé. Mais ce dernier peut aussi demander une indemnisation par exemple pour les frais de procédure engagés, l'impossibilité de vendre son bien ou sa perte de valeur, ou encore la perte d’un avantage fiscal. Il est enfin possible d’être indemnisé pour les éventuelles dégradations commises après le refus du préfet d’accorder le concours de la force publique (CE, 21 oct. 2009, n° 311002)[3].
La période de responsabilité de l’Etat ne démarre qu’à l’issue du délai de deux mois dont dispose le préfet pour répondre à une demande de concours de la force publique (aucune indemnisation rétroactive n’est possible). Elle s’achève en principe avec la libération des lieux. Le Conseil d’Etat a précisé que lorsque le délai de deux mois s’achève au cours de la trêve hivernale, l’Etat ne peut être tenu responsable qu’à compter de la fin de la trêve hivernale en cours (CE, 5 mai 2006, n° 277632). Or, en raison de l’épidémie de covid-19, la trêve hivernale 2019/2020 a été prolongée jusqu’au 10 juillet 2020 inclus (loi du 11 mai 2020)[4]. Cependant, le ministre du Logement a laissé entendre dans la presse que les propriétaires ne subiraient pas le report de la trêve et seraient au contraire indemnisés pour la période postérieure au 31 mars 2020, date de fin normale de la trêve hivernale. Juridiquement, on ne voit pas comment il pourrait en être autrement. En effet, le prolongement de la trêve hivernale constituant une mesure exceptionnelle, prise dans l’intérêt général mais pesant lourdement et spécifiquement sur une catégorie de citoyens (les propriétaires bailleurs), il s’agit d’un cas typique de rupture d’égalité devant les charges publiques engageant la responsabilité de l’Etat.
[1] Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives.
[2] https://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/layout/set/print/Demarches/Particulier/Autres-demarches/Expulsions-locatives
[3] Un rapport d’audit de 2006 indique cependant que les préjudices autres que la perte de loyers (et charges) ne « sont que très rarement acceptés au stade de la négociation à l’amiable » (https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000772.pdf)
[4] L’ordonnance du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale avait déjà reporté la fin de la trêve hivernale du 31 mars 2020 au 31 mai 2020.
Me Valérie Redon-Rey • Avocat et consultant UNPI 31-09
Source : 25 millions de propriétaires • N°juin 2020
Abonnez-vous au magazine
25 Millions de Propriétaires