Promesse de vente ou compromis : les pièges à éviter

contrat vente - UNPI

Sous réserve de modification législative, réglementaire ou jurisprudentielle.


L’avant-contrat est l’étape clé du processus de vente ou d’acquisition d’un bien immobilier. C’est à ce stade que se figent les obligations respectives des parties.

Que l’on soit vendeur ou acquéreur, c’est donc à cette étape qu’il convient d’être le plus vigilant.

Le processus de vente est rythmé par quatre actes juridiques qui sont successivement une offre d’achat ou de vente, l’acceptation de l’offre, la signature d’un avant-contrat, et enfin la régularisation de l’acte authentique de vente.

Dès l’acceptation de l’offre, la vente est parfaite entre les parties, de sorte que le vendeur est définitivement lié et ne peut plus vendre à quiconque. L’acquéreur bénéficie quant à lui, selon les situations, d’un délai de rétractation et de conditions suspensives (notamment liées à son financement).

Afin d’arrêter définitivement les conditions de la vente, de faire courir le délai de rétractation de l’acquéreur et de déclencher les démarches nécessaires à la réalisation de l’acte définitif de vente (notamment le financement de l’acquéreur, la purge du droit de préemption de la commune et les vérifications diverses à effectuer par le notaire), il est en pratique nécessaire d’établir un avant-contrat qui liera les parties.

Sans avoir l’ambition d’être exhaustif, le présent article a pour objet d’une part d’aider les lecteurs à choisir le type d’avant-contrat adapté, et d’autre part de leur donner quelques réflexes ou points de contrôle afin d’éviter certains pièges.

I-Le choix de l’avant-contrat

La loi impose dans certains cas le type d’avant-contrat à établir, notamment dans les ventes en état futur d’achèvement ou dans certains lotissements.

Dans les autres situations, un choix doit être opéré selon la situation des parties et leurs priorités. Lorsqu’un professionnel est chargé de la rédaction de l’avant-contrat, qu’il s’agisse d’un notaire ou de l’agence immobilière ayant négocié la vente, un projet est soumis aux parties, et la forme aura été d’ores et déjà choisie.

Rien ne s’oppose pourtant à ce que les parties sollicitent la rédaction de tel ou tel type d’avant-contrat.

Il existe essentiellement deux types d’avant-contrat dont la forme peut varier.

Il existe essentiellement deux types d’avant-contrat dont la forme peut varier.

 

Promesse de vente ou compromis

La promesse unilatérale de vente

Il s’agit du contrat par lequel le vendeur s’engage à vendre un bien immobilier à un prix déterminé à un candidat acquéreur, qui se réserve le choix de lever ou non l’option et ainsi former la vente.

En l’absence de levée d’option au terme du délai convenu, toutes les conditions étant par ailleurs remplies, le vendeur retrouve immédiatement sa liberté de vendre le bien à quiconque et il lui est attribué une indemnité au titre de l’immobilisation du bien durant la durée la promesse.

Estimant être seul engagé, le vendeur est souvent réticent à ce type d’avant-contrat. Pourtant, seule la promesse unilatérale de vente permet au vendeur de retrouver immédiatement, et sans aucune formalité, sa liberté de contracter avec un autre candidat acquéreur si le premier n’a pas signé l’acte définitif à la fin du délai initialement fixé.

Le compromis de vente

La promesse synallagmatique de vente, couramment dénommé compromis, est le contrat par lequel le vendeur s’engage à vendre à un acquéreur, qui s’engage d’ores et déjà à acquérir, un bien à un prix déterminé.

Ce contrat présente l’intérêt d’être clair pour les parties, chacune s’engage définitivement.

La particularité tient à sa date butoir qui ne libère pas les parties de leurs engagements. Il s’agit uniquement du délai à partir duquel l’une ou l’autre des parties peut sommer son cocontractant de régulariser l’acte authentique de vente.

Contrairement à la promesse unilatérale de vente, ce contrat ne libère pas le vendeur de ses obligations si l’acquéreur devient silencieux ou disparaît. Certaines formalités, notamment de mise en demeure, sont nécessaires à la constatation de la défaillance de l’acquéreur.

Sous seing privé ou acte authentique

Pour d’évidentes questions de preuve, il est indispensable de procéder par écrit. L’option ouverte ici est celle d’un contrat passé entre les parties (sous seing privé) ou reçu par un notaire (acte authentique).

Sous seing privé

L’acte sous signatures privées est signé uniquement entre les parties. Il a la même valeur juridique qu’une offre de vente ou d’achat acceptée.

Sauf à procéder à la formalité fiscale de l’enregistrement, cet acte n’a pas date certaine et ne pourra être opposé à l’administration fiscale pour bénéficier d’une mesure fiscale qui n’existerait plus au jour de l’acte définitif.

L’intervention d’un professionnel dans la rédaction de l’acte assurera que toutes les clauses nécessaires à sa validité sont stipulées, et qu’il comporte les mentions manuscrites indispensables (notamment relatives à l’absence de prêt et au délai de rétractation de l’acquéreur).

Acte authentique

L’acte authentique est un acte reçu et signé par un notaire, avec les parties. Outre la sécurité juridique offerte par la signature d’un officier public, l’acte bénéficie de la force exécutoire comme un jugement et acquiert date certaine immédiatement.

La force exécutoire permet, en cas de défaillance de l’une des parties, de solliciter l’exécution des obligations par huissier de justice, sans avoir à passer préalablement devant un tribunal.

La date certaine permet souvent de bénéficier d’un régime fiscal existant au jour de l’avant-contrat, dont la mesure serait abrogée au jour de l’acte définitif.

Outre les avantages juridiques de l’acte authentique, le notaire a un devoir de conseil qu’il exerce lors de la signature de l’avant-contrat.

Les précautions dont il est ci-dessous question se rencontrent quelque soit l’avant-contrat choisi.

II-Les pièges  à éviter et les précautions à prendre

Cet article ayant pour objectif d’offrir des alertes aux lecteurs sur des points très spécifiques, il sera successivement analysé les points de contrôle pouvant intéresser le vendeur, puis l’acquéreur.

Les précautions à prendre pour le vendeur

Purger efficacement le droit de rétractation de l’acquéreur

L’objectif principal du vendeur est que l’acquéreur soit engagé le plus tôt possible, par une purge rapide de son droit de rétractation. Pour cela, il convient de délivrer le jour de l’avant-contrat tous les documents et informations que le vendeur peut détenir. Selon la nature du bien (appartement ou maison, situé dans un lotissement ou non) les documents à fournir diffèrent.

A défaut d’avoir fourni tous les documents et informations, le délai de rétractation de dix jours ne court pas pour l’acquéreur, ce dernier pouvant ainsi sortir de l’opération en récupérant son dépôt de garantie.

Limiter strictement dans le temps les conditions suspensives

Afin de protéger le vendeur contre des délais extensifs, il est impératif de stipuler des délais stricts de réalisation. En cas de non réalisation d’une condition suspensive (prêt, autorisations diverses) à la fin du délai, le vendeur retrouve immédiatement sa liberté de vendre à quiconque.

Ne pas délivrer un congé pour vendre prématurément

Le locataire d’habitation d’un logement non meublé bénéficie d’un droit de préemption en cas de congé délivré par le propriétaire en vu de vendre. Ce congé doit être délivré six mois au moins avant la fin du bail. Le droit de préemption du locataire s’exerce les deux premiers mois du préavis légal de six mois.  Le locataire aura ainsi entre le sixième mois et le quatrième mois avant la fin du bail pour acheter le bien en priorité ou renoncer.

Un propriétaire serait mal avisé de délivrer un congé pour vendre prématurément. Par exemple, en cas de congé pour vendre un an avant la fin du bail, le bien serait invendable durant les huit premiers mois. En effet, le locataire ne peut pas renoncer à son droit d’acquérir avant le sixième mois avant la fin du bail.

Conserver les coordonnées des anciens locataires

En cas de vente d’un bien à un prix inférieur à celui notifié au locataire dans un congé pour vendre, il est nécessaire de procéder à une nouvelle notification.

Raison pour laquelle il est important de conserver les coordonnées de ses anciens locataires, notamment en les inscrivant sur l’état des lieux de sortie. A défaut de pouvoir adresser une nouvelle notification à une adresse connue, des semaines de procédure seront perdues pour le vendeur, et des frais d’huissier seront à engager.

Ne pas s’engager à réaliser des travaux

Le Code de la construction et de l’habitation soumet au régime de la vente d’immeuble à rénover tout contrat par lequel le vendeur s’engage à réaliser des travaux sur le bien qu’il vend et pour lequel il reçoit une somme d’argent. Ce régime oblige notamment le vendeur à souscrire une garantie financière d’achèvement, garantie onéreuse qui sera difficilement consentie à un particulier.

Lors de la négociation, il est préférable que le vendeur baisse légèrement le prix, plutôt qu’il s’engage à faire quoique ce soit dans le bien et engage sa responsabilité.

Conserver les factures et les assurances des entreprises ayant réalisé des travaux

Le Code civil fait peser sur le vendeur une garantie pendant dix ans sur les travaux qu’il a réalisé ou fait réaliser, touchant à la structure ou à l’isolation du bien.

Il est donc prudent pour le vendeur de conserver les factures et les attestations d’assurance décennale des entreprises étant intervenues, pour en fournir un exemplaire à l’acquéreur qui se retournera par préférence vers les professionnels plutôt que son vendeur.

Ces factures permettront éventuellement de réduire l’impôt sur la plus-value.

S’exonérer de la garantie des vices cachés

Le Code civil fait peser sur le vendeur une garantie des vices cachés. Les avant-contrats stipulent quasi systématiquement une exonération de cette garantie, préférant une vente du bien « en l’état ». Malgré la stipulation de cette clause, le vendeur devra être très vigilant sur trois points.

D’une part, il convient d’insister auprès du diagnostiqueur pour que son rapport concerne toutes les pièces du bien. En effet le vendeur restera responsable des vices cachés relatifs à un élément non visité par le diagnostiqueur.

D’autre part, le vendeur ne pourra s’exonérer de la garantie des vices cachés s’il est considéré comme un professionnel de l’immobilier (la jurisprudence a une définition de plus en plus large du professionnel de l’immobilier, et tend à y inclure les SCI).

Enfin le vendeur ne peut pas s’exonérer des vices cachés relatifs à des travaux qu’il aurait lui-même réalisé.

Eviter la régularisation de taxe sur la valeur ajoutée

La TVA est un impôt qui se régularise sur vingt ans à hauteur d’un vingtième par an. Lorsque le vendeur vend un bien sur lequel des dépenses ayant ouvert droit à déduction ont été réalisées depuis moins de vingt ans, il est indispensable de se renseigner auprès de son expert-comptable sur le montant de la régularisation que l’administration fiscale sera en droit de réclamer.

Il conviendra de s’inscrire dans un système de dispense de régularisation ou de prévoir la prise en charge de cette régularisation par l’acquéreur.

Les pièges à éviter par l’acquéreur

Bénéficier d’une condition suspensive de prêt efficace

L’acquéreur particulier d’un bien à usage d’habitation ou mixte d’habitation et professionnel bénéficie d’une condition légale d’obtention de prêt. Afin d’encadrer le projet de l’acquéreur, il est stipulé dans les avant-contrats le montant maximum que l’acquéreur s’engage à solliciter.

L’acquéreur veillera à stipuler un montant suffisamment important pour tenir compte du projet financier global (prix, frais d’acquisition, commission d’intermédiaire, éventuels travaux). A défaut, en cas de refus de prêt suite à une demande non conforme à la limite fixée dans l’avant-contrat, la condition sera considérée comme réalisée malgré le refus de prêt, de sorte que l’acquéreur perdra son dépôt de garantie.

Il est donc conseillé à un acquéreur de se renseigner auprès de sa banque ou de son courtier avant la signature de l’avant-contrat.

Connaître le montant du loyer auquel un bien pourra être mis en location par l’acquéreur

La loi ALUR a instauré un mécanisme de plafonnement des loyers dans la plupart des agglomérations. Que le bien soit acheté libre ou occupé, l’acquéreur ne pourra pas solliciter un loyer supérieur à celui pratiqué dans les derniers mois avant la vente. L’acquéreur qui achète pour louer sera particulièrement attentif et sollicitera que lui soient remises les dernières quittances des loyers.

Il est précisé que ce plafonnement existe même en cas de passage d’une location libre à meublée.

Préférer une signature de l’acte définitif avant le 31 décembre plutôt qu’au 1er janvier

Le débiteur légal de la taxe foncière est le propriétaire au 1er janvier. Il est systématiquement stipulé un remboursement par l’acquéreur au vendeur du prorata de taxe foncière pour la période durant laquelle il sera propriétaire.

Une signature au mois de décembre ne fera peser sur l’acquéreur qu’un douzième de la taxe foncière qu’il remboursera au vendeur, ce dernier ayant réglé l’avis d’impôt de l’année en cours au mois d’octobre.

En cas de signature au mois de janvier, l’acquéreur remboursera par anticipation l’entière taxe foncière au vendeur, qui n’aura à la régler qu’au mois d’octobre. Cela obligera l’acquéreur à décaisser par anticipation  le montant de la taxe foncière.

En outre, n’étant pas le débiteur légal de l’impôt, l’acquéreur ne pourra pas déduire de ses revenus fonciers le prorata de loyer qu’il aura versé au vendeur.

Ventiler ou non la valeur des meubles vendus avec l’immeuble

Il est courant que des meubles soient vendus avec le bien immobilier. Si le prix de vente est ventilé entre le bien et les meubles, l’acquéreur ne paiera les droits d’enregistrement  et la cotisation de sécurité immobilière (en pratique dénommés à tort frais de notaire)  uniquement sur la partie du prix relative à l’immeuble.

L’acquéreur sera cependant attentif à trois points.

D’une part, il sera redevable d’un éventuel redressement de l’administration fiscale qui pourrait douter de la valeur indiquée dans l’acte.

Ensuite, la banque refuse parfois de financer les meubles.

Enfin, au jour de la revente du bien, l’impôt sur la plus-value se calcul en tenant compte du prix d’achat hors meubles, et du prix de vente meubles compris. Il faudra donc arbitrer selon le projet de l’acquéreur.

Visiter le bien avec un homme de l’art avant l’avant-contrat

Les diagnostics ont été rendus obligatoires pour révéler à l’acquéreur les éventuelles non-conformités de l’immeuble. Le diagnostiqueur procède à certains points de contrôle limitativement prévus par décret.

L’acquéreur avisé doublera ce diagnostic par la visite d’un homme de l’art dont l’analyse ne sera pas cantonnée à une liste de points de contrôle. Par exemple, le diagnostiqueur vérifiera l’absence de termite dans le bien, mais ne se prononcera pas sur la présence d’autres insectes parfois plus nuisibles.

Se faire remettre le cahier des charges du lotissement

Lorsque le bien se situe dans un lotissement, il convient d’être vigilant sur la présence d’un cahier des charges. En effet, ce document contient des règles qui peuvent empêcher le projet de l’acquéreur (surélévation de l’immeuble, division de parcelle, construction d’une piscine) par des règles de droit privé qui sont imprescriptibles.

Etre attentif aux délais des conditions suspensives

Outre la condition suspensive d’obtention de prêt pour laquelle un régime spécifique est instauré, l’acquéreur sera particulièrement vigilant à respecter les délais stipulés aux conditions suspensives.

En effet, une condition stipulée dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur pourra faire l’objet d’une renonciation par celui-ci, mais uniquement pendant son délai de réalisation. A défaut de renonciation ou de réalisation dans les délais, la condition est réputée défaillie et le vendeur retrouve sa liberté de vendre à quiconque.

S’assurer de la bonne gestion financière de la copropriété

Une répartition des charges de copropriété entre vendeur et acquéreur est stipulée dès l’avant-contrat. Cette répartition peut être prévue de manière définitive ou provisoire.

Si le syndic présente une bonne gestion financière sur les deux dernières années, stipuler que les comptes sont définitifs entre les parties a le mérite d’arrêter au jour de l’acte les flux financiers entre vendeur et acquéreur.

A défaut de présenter un budget finement fixé, prévoir un compte provisoire évitera à l’acquéreur de devoir supporter une régularisation de compte pour une période pendant laquelle il n’était pas propriétaire.

Par ces quelques exemples, cet article permettra au lecteur de se doter de quelques points de vigilances. Le notaire, professionnel du droit exerçant son devoir de conseil dans des domaines variés, est le professionnel à privilégier. Sa vision transversale qu’il tient de l’étendue de ses missions lui permet de connaître les pièges susceptibles de surprendre un vendeur ou un acquéreur.

Henri Chesnelong, notaire à Toulouse

Source : 25 millions de propriétaires • N°décembre 2018


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