Reprise des expulsions locatives après la fin de la trêve hivernale

En application d’une ordonnance du 10 février 2021, la fin de la trêve hivernale 2020-2021 s’est achevée le 31 mai 2021, au lieu du 31 mars 2021 (voir notre magazine de mars 2021, page 30). Une instruction interministérielle entend organiser la reprise des expulsions locatives. Elle renseigne utilement sur l’état d’esprit du Gouvernement concernant ce sujet sensible.

Par une instruction du 26 avril 2021, les ministres délégués en charge du Logement et de la Citoyenneté ont adressé aux préfets une instruction concernant la « préparation de la fin de la trêve hivernale » et la « prévention des expulsions locatives ». L’enjeu est énorme, dans la mesure où, comme le soulignent les ministres, « le nombres d’expulsions effectivement réalisées en 2020 a été historiquement bas ». C’est donc un stock important de dossiers que les préfets ont à traiter, sans compter les nouvelles demandes de concours de la force publique qui arrivent chaque jour sur leur bureau.

Les expulsions locatives échelonnées en fonction des relogements/hébergements disponibles

Malgré le retard accumulé, il n’est pas question d’accélérer la cadence, ni même de retrouver le rythme d’avant la crise sanitaire. Au contraire, Emmanuelle Wargon et Marlène Schiappa demandent d’« échelonner la reprise de l’exécution des concours de la force publique en 2021 et 2022 ». L’idée principale est d’adapter le rythme des expulsions aux solutions de relogement ou d’hébergement disponibles dans chaque territoire. Les ministres rappellent en effet que sont proscrites les mises à la rue sans proposition de relogement ou d’hébergement.

Plusieurs solutions sont mises en avant afin d’accroitre les possibilités de relogement, et donc d’augmenter le rythme des expulsions. Il s’agit notamment de mobiliser le parc social. Les préfets doivent ainsi mobiliser « les réservataires n’ayant pas respecté leur obligation d’attribution de 25 % de logements aux publics prioritaires sur l'année écoulée ». Mais il s’agit aussi de mobiliser le parc privé vacant via « la signature de conventions avec les fédérations départementales des agences et propriétaires immobiliers ».

Les préfets doivent « prioriser » certains dossiers

En attendant d’augmenter les solutions de relogement, il convient de « prioriser (...) [les opérations d’expulsion] en fonction du degré de précarité financière du bailleur et la vulnérabilité des occupants ». Les ministres ont ici le mérite de souligner que la précarité n’est pas que d’un seul côté. Les préfets sont ainsi appelés à procéder en priorité à l’expulsion des logements « dont les bailleurs sont les plusen difficulté, notamment les petits propriétaires individuels qui ne disposent que d’un seul logement locatif et dépendant de leur loyer pour assurer leurs revenus ». Dans un autre registre, les ministres indiquent qu’« il convient de prioriser parallèlement toute reprise de l’exécution des concours de la force publique sur les personnes portant gravement atteinte à leur environnement matériel et/ou humain immédiat ainsi que sur les personnes n’ayant pas repris le paiement de leur loyer alors qu’ils disposent objectivement des capacités budgétaires pour ce faire ».

Ce n’est que « dans un deuxième temps [qu’] il conviendra d’envisager l’exécution des concours de la force publique les plus anciens et pour lesquelles les dettes locatives sont les plus élevées ».

L’Etat s’est engagé à indemniser les propriétaires

On le voit, dans de nombreux cas, l’Etat préfèrera encore indemniser les propriétaires que prêter son concours à l’exécution de jugements d’expulsion. Sur ce point, les auteurs de l’instruction prennent au moins la peine d’indiquer que « l’Etat renouvelle (...) son engagement à indemniser rapidement tous les propriétaires impactés de l’intégralité des sommes légalement exigibles ». Le principe d’une réparation intégrale (pour refus de prêter main forte à l’exécution d’une décision de justice) étant rappelé, il n’est pas question pour les propriétaires de transiger sur des indem- nisations au rabais (un ministre évoquait une tendance à proposer une « indemnité de l’ordre de 70 % à 80 % du préjudice subi », voir réponse ministérielle n° 7753, JOAN 8 janv. 2008, p. 199). L’instruction annonce d’ailleurs l’octroi de crédits supplémentaires aux préfets pour « instruire sans attendre l’ensemble des demandes d’indemnisation ». Les ministres rappellent enfin que l’indemnisation doit concerner la période postérieure au 31 mars 2021, date d’échéance habituelle de la trêve hivernale.

 

Frédéric Zumbiehl, Juriste UNPI

Source : 25 millions de propriétaires • N°553 juillet/août 2021

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