Entretien des chaudières individuelles et location

Les chiffres parlent d’eux même. Au cours de la période de chauffe 2016-2017, 1 073 épisodes d’intoxication au monoxyde de carbone survenus par accident et impliquant 3 890 personnes ont été signalés au système de surveillance de Santé publique France selon les chiffres du Ministère des Solidarités et de la Santé. Selon l’Agence Régionale de Santé, 80 % des intoxications ont lieu dans l’habitat et 50 % des intoxications sont causées par la chaudière. Les chaudières doivent être entretenues et les bailleurs doivent veiller à la bonne exécution de cette obligation par les locataires.

L’obligation d’entretien

« Les chaudières alimentées par des combustibles gazeux, liquides ou solides dont la puissance nominale est supérieure ou égale à 4 kW et inférieure ou égale à 400 kW font l’objet d’un entretien annuel (...) » Telle est la rédaction de l’article R224- 41-4 du Code de l’environnement , premier article d’un paragraphe régissant la matière intitulé « Entretien annuel des chaudières dont la puissance nominale est comprise entre 4 et 400 kW ».

Cette tranche de puissance comprend très largement toutes les chaudières domestiques au gaz, au fioul, au bois et donc celles qui équipent les logements loués.

L’initiative de l’entretien

Le premier alinéa de l’article R224-41-5 dit « (...) l’entretien est effectué à l’initiative de l’occupant, sauf, le cas échéant, stipulation contraire du bail.». Il faut faire une distinction selon le contrat de location. Pour une location de courte durée, l’entretien est à l’initiative du bailleur qui l’intègre dans le prix de la location. Pour un bail en résidence principale, le bailleur ne peut pas imposer un contrat d’entretien avec un professionnel désigné, il s’agirait d’une clause abusive selon la Cour d’appel de Paris1, qui raisonne par analogie de l’article 4b) de la loi du 6 juillet 1989 « Est réputée non écrite toute clause (...)b) Par laquelle le locataire est obligé de souscrire une assurance auprès d’une compagnie choisie par le bailleur ; ».

Dans le même arrêt, les juges d’appel de Paris ont retenu que si la clause est abusive sur le choix du prestataire par le bailleur, le reste de la clause du contrat de location prévoyant la souscription d’un contrat d’entretien annuel est valide. La Cour fait ici prévaloir la convention des parties à la loi de 1989 d’ordre public, qui envisage uniquement une obligation d’entretien sans préciser de modalités d’application. La Cour d’appel de Colmar, dans un arrêt postérieur2 retient que le contrat d’entretien proposé par le bailleur ne constitue pas une clause abusive réputée non écrite par l’article 4 de la loi de 1989, à condition d’un accord du locataire car ce dernier est libre des modalités d’exécution de son obligation d’entretien.

Dans une interprétation stricte de la loi, aucun contrat ne peut être imposé au locataire, que le prestataire soit choisi par lui ou le bailleur. S’il l’accepte à la signature du bail, il pourrait le remettre en cause à tout moment.

La fixation d’une jurisprudence par la Cour de cassation serait intéressante pour mettre fin à ce point de friction courant dans les rapports locatifs.

Les points de contrôle

Les points de vérification obligatoires dépendent du combustible de la chaudière. L’annexe 1 de l’arrêté du 15 septembre 20093 renvoie aux normes applicables. Les points de contrôle diffèrent quelque peu suivant le modèle de chaudière et son combustible.

Combustible gaz (norme NF X50-010) : nettoyage du corps de chauffe, du brûleur, de la veilleuse, de l’extracteur (si présent), vérification du circulateur (si présent), vérification et réglage des organes de régulation (si présent), vérification des dispositifs de sécurité de l’appareil, vérification de l’état, de la nature et de la géométrie du conduit de raccordement, mesure de la teneur en monoxyde de carbone (chaudière non étanche). Des procédures supplémentaires s’appliquent pour des chaudières particulières (raccordée à une VMC gaz, équipée de brûleurs à air soufflé).

Combustible liquide fioul domestique (norme NF X50-011) : démontage et nettoyage du brûleur, nettoyage du filtre de la pompe ou du pré-filtre, relevé du type de gicleur, mesure de la pression de pulvérisation du gicleur, vérification des dispositifs de sécurité du brûleur et de la chaudière, nettoyage du corps de chauffe, vérification du circulateur de chauffage (si présent), détermination de l’indice de noircissement, mesure de la température des fumées, mesure de la teneur en dioxyde de carbone ou en oxygène dans les fumées, mesure de la teneur en monoxyde de carbone (chaudière non étanche), vérification de l’état, de la nature et de la géométrie du conduit de raccordement de l’appareil.

Combustible solide : nettoyage des surfaces d’échange, vérification complète de l’appareil, contrôle de la régulation (si existante), contrôle du raccordement et de l’étanchéité du conduit d’évacuation des produits de combustion, vérification des organes de sécurité, vérification de l’état des joints, nettoyage du ventilateur (si existant), vérification du système d’alimentation automatique (chaudières automatiques), retrait des cendres, mesure de la température des fumées, mesure de la teneur en dioxyde de carbone ou en oxygène (chaudière automatique), mesure de la teneur en monoxyde de carbone. Au-delà, le texte évoque la fourniture des conseils nécessaires portant sur le bon usage de la chaudière en place, les améliorations possibles de l’ensemble de l’installation de chauffage et l’intérêt éventuel du remplacement de celle-ci.

Le monoxyde de carbone

Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz inodore, incolore mais très toxique. Il peut être mortel en cas de forte concentration ou de respiration prolongée. Il se forme à partir de combustions incomplètes (bois, pétrole, gaz, charbon, essence, fioul), le plus souvent à l’intérieur d’appareils de chauffage vieux et mal entretenus.

Les pics de signalements d’intoxication au CO ont lieu pendant les périodes les plus froides de l’hiver. Les symptômes (maux de tête, fatigue, nausées) apparaissant plus ou moins rapidement sont le signe qu’il faut, si possible, aérer les locaux en ouvrant les portes et les fenêtres et arrêter les appareils de chauffage et de cuisson, mais surtout sortir et appeler les secours.

Le niveau d’intoxication au monoxyde de carbone se mesure en parties par million (ppm) :

- moins de 10 ppm : situation normale ;

- de 10 à 50 ppm : il y a anomalie de fonctionnement nécessitant impérativement des investigations complémentaires concernant le tirage de fumée et la ventilation du local ;

- au-delà de 50 ppm : il y a danger grave et imminent nécessitant la mise en arrêt de la chaudière et la recherche du dysfonctionnement avant remise en service.

Le détecteur de monoxyde de carbone n’est pas obligatoire mais répond à un principe de précaution face à ce gaz particulièrement dangereux. Il faut privilégier la norme NF 50291 lors de l’achat. Il s’installe dans les pièces équipées d’un appareil pouvant dégager du monoxyde de carbone ainsi que dans le couloir menant aux chambres pour plus de sécurité.

La récurrence de l’entretien

L’article R224-41-7 dit seulement « L’entretien doit être effectué chaque année civile... ». La rédaction est simple mais la pratique est plus compliquée.

L’entretien doit être fait entre le 1er janvier et le 31 décembre d’une année. Si par exemple, l’entretien précédent a été fait en septembre 2018, le suivant devra être fait dans l’année 2019, la pratique veut que cela soit fait au plus tard en septembre 2019 pour éviter une période supérieure à un an entre deux entretiens. La volonté du législateur est bien un entretien annuel. Si le contrat type de location ne l’impose pas, il est préférable d’insérer dans le bail une clause précisant la date à laquelle l’entretien doit être réalisé compte tenu du précédent.

En cas d’installation d’un équipement neuf, le premier entretien doit être effectué au plus tard au cours de l’année civile suivant le remplacement ou l’installation, soit pour une chaudière installée en septembre 2018 par exemple, l’entretien devra être réalisé entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019. L’application de cette législation est souvent source de tensions lors d’un changement de locataire. Par principe, si un locataire quitte le logement avant la date d’entretien de la chaudière, l’entretien incombe au locataire en place à cette date mais ce principe peut se révéler inéquitable.

Exemple : entretien annuel de la chaudière en novembre, le locataire quitte le logement au 30 septembre et le nouveau entre le 15 octobre. Le nouveau locataire est tenu de réaliser l’entretien en novembre. Cela est contraire au principe d’équité car le locataire sortant a utilisé la chaudière sur 9 mois de l’année alors que l’entrant ne va l’utiliser que sur 2,5 mois. Un partage au prorata temporis semble le calcul le plus juste mais le texte ne le prévoit pas et les modalités seraient difficile à mettre en œuvre. En conséquence, soit le bailleur prend l’entretien à sa charge, soit il l’impose au locataire entrant en lui indiquant dans le bail la date du précédent entretien et la date limite du prochain.

Lorsque le locataire sortant est resté plus d’un an sans justifier d’un entretien chaudière, le bailleur doit y procéder et le déduire de son dépôt de garantie à condition d’en avoir fait mention sur l’état des lieux de sortie. Cela fixera une nouvelle date pour l’entretien à noter dans le bail du locataire suivant.

L’attestation d’entretien

La personne ayant effectué l’entretien établit une attestation d’entretien, dans un délai de quinze jours suivant sa visite. Cela peut être sous format dématérialisé, comme prévue dans l’annexe 5 de l’arrêté de 2009.
L’attestation est remise au commanditaire de l’entretien, qui doit la conserver et la tenir à la disposition, pendant deux ans de différentes autorités mais la liste ne comprend pas le propriétaire bailleur. La loi ne prévoit pas l’obligation de transmission, elle peut être prévue dans le contrat de location.

Le contenu de l’attestation, outre la dénomination de l’entreprise, les caractéristiques de la chaudière (modèle, puissance, numéro de série...), reprend les points de contrôle obligatoires, soit notamment la teneur de monoxyde de carbone, le rendement, les émissions de polluants, conseils et recommandations sur le bon usage...

Défaut d’entretien et responsabilités

Si la législation instaurant l’obligation annuelle d’entretien est la transposi- tion d’une directive européenne, il s’agit avant tout d’une question de sécurité des personnes. Le monoxyde de carbone tue, sans oublier que des condamnations pénales, en cas de responsabilité établie, sont possibles aussi bien pour le bailleur que pour le locataire.

Défaut d’entretien par le locataire

Des exemples de jurisprudence suffisent à expliquer le propos.

Congé pour motif légitime et sérieux

Le locataire contestait le congé pour motif légitime et sérieux fondé sur le défaut d’entretien de la chaudière relevant de ses obligations (art. 7 loi 6 juillet 1989). Il ne pouvait produire que très peu de factures non datées, les juges ont donc validé le congé en retenant un manquement grave et renouvelé mettant en péril la sécurité des personnes et des biens de nature à justifier le congé4.

Responsabilité civile

Avant de louer, le bailleur avait fait vérifier la chaudière, le professionnel ayant relevé la conformité de l’installation. En cours de location, la chaudière a explosé et sinistré l’appartement voisin par un incendie. Le voisin a introduit une action en responsabilité durant laquelle le propriétaire et la locataire se renvoient la faute du sinistre. En vertu du bail, la locataire devait assurer l’entretien de la chaudière avant une certaine date (un an maximum après l’entretien précédent), ce qu’elle ne prouvait pas avoir fait. Les juges considèrent cette carence directement à l’origine du dysfonctionnement de la chaudière à l’origine de l’incendie. La Cour de cassation5 confirme et ajoute que rien n’oblige le bailleur à se faire justifier par la locataire qu’elle a rempli ses obligations. Le voisin n’ayant pas été blessé dans l’accident, la locataire n’a été condamnée que civilement et n’a pas vu sa responsabilité pénale engagée.

Les propriétaires bailleurs se trouvent souvent impuissants face à des locataires de mauvaise foi malgré des demandes amiables de transmettre l’attestation d’entretien. La demande en injonction de faire (Cerfa N° 11723*09) auprès du Tribunal d’instance peut être envisagée à moins d’attendre l’échéance du bail pour donner congé pour motif légitime et sérieux.

La responsabilité du bailleur

L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dit : « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé (...)a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (...) ». Ce texte est la base de la responsabilité du propriétaire bailleur. Compte tenu de l’équipement en question, sa responsabilité pénale peut être engagée et un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation rendu en 20066 en est une illustration.

La locataire et ses deux enfants sont intoxiqués par des émanations de monoxyde de carbone issues de la chaudière au gaz. La maman décède, les enfants sont blessés. Le bailleur est jugé coupable d’homicide et blessures involontaires. Il est condamné, en appel, à un an de prison avec sursis, à 500 € d’amende et à verser à titre de provision 15 000 € aux parties civiles en attendant les résultats d’expertise.

Pour sa défense, le bailleur invoque le défaut d’entretien de la part des locataires, ces derniers n’ayant pas procédé à l’entretien annuel depuis leur entrée dans le logement, environ 15 mois avant l’accident. La Cour d’appel relève que l’appareil n’étant pas équipé d’un conduit d’évacuation sur l’extérieur et les lieux ne comportant pas de ventilation haute, aucun professionnel ne pouvait accepter d’entretenir une installation non conforme à la réglementation en vigueur. Le propriétaire savait cet équipement dangereux, cela lui avait été signalé par un artisan chauffagiste intervenu lors de la location précédente.

En sa qualité de propriétaire bailleur, il était tenu de veiller personnellement à la conformité du chauffe-eau à la réglementation. La Cour de cassation confirme donc la responsabilité pénale du bailleur, il a « commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer ».

Céline Capayrou

1 - Cour d’appel de Paris, 6e ch., 4 mars 1997, Juris-Data n°020266

2 - Cour d’appel de Colmar, 3e ch., 15 janvier 1998, Juris-Data n°041553

3 - Arrêté du 15 septembre 2009 relatif à l’entretien annuel des chaudières dont la puissance nominale est comprise entre 4 et 400 kilowatts

4 - Cour d’appel de Grenoble, 5 mars 2013, n° 11/01060

5 - Cour de cassation, civ. 3, 12 juillet 2005, n° 04-14875

6 - Cour de cassation, ch.criminelle, 10 janvier 2006, n° 05-82649

Source : 25 millions de propriétaires • N°février 2019


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